AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Critiques les plus appréciées

Le Monde d'hier : Souvenirs d'un Européen

Dans le monde d’hier, Zweig évoque ses souvenirs, de façon d’autant plus poignante qu’il les rédige, après le suicide de son ami Freud à Londres, avant que la situation politique concernant les juifs ne dégénère. Sa femme Lotte Altmann a tapé à la machine le texte certainement remanié, et envoyé le manuscrit à New York, par courrier.

Un jour avant qu’ils ne se suicident, ensemble.

Ces souvenirs d’un des très grands écrivains du XX siècle, pourrait être perçu comme la nostalgie d’un monde révolu : la sérénité, la liberté d’esprit et le bonheur de grandir dans cette Vienne où les gens dansent, où la sécurité règne.
Pourtant, Zweig est trop intelligent pour dresser un monde où tout était parfait.
Il présente le tableau de cette bonne bourgeoisie juive à laquelle il appartient. Disant cela, il écarte définitivement les futurs (même s’il est mort) critiques lui opposant que le peuple viennois de la fin du XIX siècle ne partageait pas ce sentiment de sécurité.

Voici donc son testament, témoin de son évolution intellectuelle, de sa pensée, concernant la liberté, la naïveté de croire en un monde toujours pareil, et nous nous devons de le lire comme tel, avec sa prise de conscience que les changements ont au départ été bénéfiques : l’école reproduisait un ensemble de valeurs rétrogrades, rigoristes, le mépris de la jeunesse et de la liberté d’esprit.
En réaction, les jeunes se tournent vers la poésie, dont Rilke, alors que le mouvement national socialiste perpétue, ou renouvelle, la brutalité et l’intolérance. Intolérance par rapport à la sexualité, où l’hypocrisie règne : il y a des bordels, à la seule condition de ne pas en parler. Les femmes «  normales », elles, n’ont pas de sexualité, ne doivent pas en avoir.
Puis, après l’Université, Zweig voyage, avec les moyens octroyés par son milieu : Paris, Bruxelles, Londres, New York sont les endroits de sa rencontre avec les autres écrivains, Verhaeren, Romain Rolland et artistes : Rodin. Goethe, restant son modèle.
En Inde, il rencontre un monde pétri d’inégalités, s’appuyant sur la race. Des jeunes filles élevées à Lausanne et Londres, mais filles métisses d’une Française avec un commençant indien, ne sont pas admises dans les bals organisés dans le bateau. Prolégomènes du nazisme, pense Zweig.

Qui continue de voyager, tout en méditant sur son statut d’apatride, puisqu’il a voyagé au départ comme fils de famille intellectuel, puis il se trouve sans patrie, la montée du nazisme, qui se termine dans son dernier chapitre par «  incipit Hitler » l’empêche de rentrer à Vienne et le force à s’exiler au Brésil. « L’apatride se trouve en un nouveau sens libéré, et seul celui qui n’a plus d’attache à rien n’a plus rien à ménager. »

Zweig relève aussi le paradoxe de la judéité dont on subodore que la richesse constitue le plus fervent désir et capacité.
« Rien n'est plus faux. La richesse n'est pour lui (le juif) qu'un degré intermédiaire, un moyen d'atteindre son but véritable, et nullement une fin en soi. La volonté réelle du Juif, son idéal immanent, est de s'élever spirituellement, d'atteindre à un niveau culturel spirituel supérieur ». Paradoxes de la pensée, écrits avec une élégance particulière, brillant testament sur ce monde qui n’existe plus.
Commenter  J’apprécie          5827
Mr Mercedes

Si le King contribue sans aucun doute possible à mes joies de lecture, il arrive parfois que ça tombe à plat.

Et c'est ce qui est arrivé avec Mr Mercedes.

En même temps, quand on touche un peu à tout, il arrive de prendre quelques gamelles. Celle-ci est toutefois à relativiser, puisque ce roman a été plutôt bien accueilli et qu'il a reçu le prix Edgar Allan Poe (je ne sais pas ce que ça vaut, je m'en fiche un peu des prix).

Quand on est biberonné aux grands noms du Polar et du Thriller, difficile pour ma part de ne pas trouver l'enquête de Bill Hodges un peu fade. On assiste à la renaissance de l'homme qui végétait dans son salon (en cela, ça démarrait plutôt bien), mais pour ce qui est du développement de ses investigations pour mettre la main sur LE grand psychopathe, j'ai trouvé l'ensemble léger, assez peu abouti.

Bref, j'ai eu la sensation que même un gars lambda comme moi, avec les méthodes de Bill Hodges, aurait pu retrouver le meurtrier sans trop se fouler. Pourtant, je ne suis pas le couteau le plus affûté du tiroir.

De plus, j'avoue que les personnages rencontrés ne m'ont pas envoyé du rêve.

Au final, je suis plutôt surpris par tant de critiques positives sur son roman. Stephen king s'est déjà fait défoncé pour moins que ça. Mais bon ... il m'arrive souvent d'être un peu à contre courant aussi. Les goûts et les couleurs, toujours.
Commenter  J’apprécie          5710
Guerre

J'ai laissé passer un peu de temps avant de lire cet ouvrage venant d'outre-tombe, après que toutes les polémiques se soient étiolées, pour laisser un temps de lecture sereine : les éditions Gallimard ont-elles fait un coup financier, Céline aurait il apprécié la publication en cet état d'écriture, est ce un chef-d'œuvre célinien, l'acteur-interprète nommé expert es-Celine s'est-il pâmé, les sartiens sont-ils jaloux, et j'en passe....
J'allais me faire une opinion au calme.

Résultat, ce n'est clairement pas un chef-d'œuvre. Même si les situations violentes et crues, et les insultes et sournoiseries fusent, le liant n'y est pas vraiment. Enfin, au moins, s'agit-il d'un "vrai" Celine selon le diagnostic etabli par les idoines spécialistes, même si non peaufiné, poli, ripoliné voire goncourtisé par l'auteur.

Cette épisode de sa vie se situerait dans la continuité de "Casse pipe" selon les spécialistes, et est le prequel de "Londres", seconde œuvre extraite de la résurrection des brouillons disparus, oeuvre que je lirai ; un Céline inédit, à l'instar de la victoire d'une équipe française dans une coupe d'Europe ou du Monde, ne se refuse pas vu la rareté.

De fait je rejoint l'avis exprimé ci-dessous, extrait de "Céline en enfer", édition Figaro hors série : " Précieux documents pour l'histoire de la littérature, les manuscrits publiés depuis 2022 ont remporté un prodigieux succès, alors même qu'ils témoignent d'un état d'écriture qui est aux antipodes du perfectionnisme vétilleux de Céline."
Je lirai quand même son "Londres" inachevé, en espérant une honnête découverte.
Commenter  J’apprécie          578
Les saisons

Mort en 1992, François Jacqmin est un poète belge. « Les saisons » a été pour moi une découverte de ce poète majeur de la deuxième moitié du XXe siècle.
A travers le paysage changeant de la nature à travers les saisons, c’est sa propre aptitude à la création qu’explore le poète. Non sans un certain humour, à travers phrases et métaphores, il nous livre sa pensée.

« Ce qu’il y a à dire du printemps
Le printemps le dit »

Plusieurs lectures sont possibles. On peut simplement se laisser aller à ressentir les émotions, au cœur des paysages et des saisons. Ou bien, on peut aller plus loin dans la réflexion philosophique qui tend l’œuvre.
Les poèmes sont courts et rythmés, l’écriture est précise, concise, et ne s’embarrasse pas de fioritures.

« Les insectes grignotent
L’aridité
On reconnait maintenant
L’extrême indigence de
L’éblouissement. »

A travers cette nature changeante au fil des saisons, c’est toute une humanité qui transpire avec ses failles, ses faiblesses, ses illusions mais aussi sa lucidité.

« La nostalgie est l’enluminure
D’une existence qui ne fut
Jamais vécue. »

La brièveté de ses poèmes peut paraitre brutale, mais elle le rend plus profond et plus limpide dans son énoncé. Point de lyrisme acharné chez ce poète du décharné.

« L’existence cède au paradoxe
De la pierre. »
Une promenade prend l’aspect
D’un combat au burin. »

J’ai trouvé une certaine âpreté dans ces vers où, parfois, se glisse une tendresse, une mélancolie.

« La flemme de l’âtre enchante
Les yeux aux heures closes
De la nuit. »

J’ai lu fragments par fragments ce recueil de plus de 200 pages. La pensée du poète n’est pas toujours facile à suivre. Pour aller plus loin et mieux connaitre le cheminement de François Jacqmin, il faut lire la préface de Guy Vaes et la postface de Frans de Haes : « pensée et parole dans les saisons ».

Commenter  J’apprécie          570
Terre, planète impériale

Je découvre Arthur C. Clarke avec ce roman. Intentionnellement, je ne voulais pas commencer par une série.

Eh bien "Terre, Planète Impériale" est un excellent roman d'un des maîtres de la Science-Fiction.

Le récit nous narre la vie de Duncan, né sur Terre mais ayant passé toute sa vie sur Titan une lune de Saturne. Il est lui même le fils de Colin, Duncan est un clone génétique de son père, et est le représentant de la dynastie McKenzie du satellite de Saturne. Le père fondateur, le grand-père de Duncan se prénomant Malcom à fait fortune en dans le commerce et le prélèvement d'hydrogène dont toute l'humanité a besoin pour ses voyages spatiaux.

En cette année 2276, sur Terre, les États-Unis vont fêter le cinquième centenaire de leur nation. Ce sera l'occasion pour Duncan de découvrir la Terre, planète où il a vu le jour mais ne l'ayant jamais connu, ayant quitté celle-ci pour Titan alors qu'il n'était qu'un nourrisson.
Ce sera pour lui aussi l'occasion de cloner à son tour un autre être pour perpétrer la dynastie McKenzie.

Alors le début de roman est déroutant, avec beaucoup de descriptions sur la vie et l'environnement titaniène avec énormément d'informations à ingurgiter en début de récit. Pareil pour le voyage spatial de Titan jusqu'à la Terre.
Mais une fois arrivé sur la planète bleu, on est happé tout comme le personnage de Duncan par un émerveillement que l'on suit à travers le regard et les émotions de celui-ci.
La vie sur Titan est morne et aseptisée. Et quand Duncan débarque sur Terre c'est à la limite de l'exo-anthropologie. Tout est nouveau pour lui, la pluie, les océans, les animaux et les insectes. Cette partie du roman occupe toute une partie du livre.

Car oui, dans ce livre, il n'est ni question de batailles spatiales de grandes envergures ni de sabres lasers. On y suit le cheminement d'un humain qui découvre l'humanité.
Et c'est seulement dans le dernier quart du livre que les choses bougent un peu et transforme le récit en une sorte de petit polar avec une grande fin.

Si vous cherchez de l'action, passez vôtre chemin. Mais si vous cherchez une histoire A Richest Man in Babylon à travers les yeux de Duncan découvrant son monde originel alors je ne peux que vous le conseiller.
Commenter  J’apprécie          572
L'étrange Odd Thomas

Odd Thomas voit les morts (Oui comme Cole Sear, Oda Mae brown ou Frank Bannister, un don récurrent dans la culture populaire). Mais lui, il voit aussi les Bodachs, des entités malveillantes qui se collent aux mauvais présages comme les mouches sur la merde. Ils se nourrissent des souffrances humaines et apparaissent en grand nombre avant des évènements catastrophiques ou des actes de violence extrême. Leur présence annonce un malheur imminent et Odd Thomas se trouve alors dans une course poursuite contre la montre pour découvrir ce qui va se passer. Au-delà du frisson, ce roman est également une magnifique histoire d’amour. Odd et Stormy (le bizarre et la tumultueuse), inséparables depuis leur rencontre, incarnent un amour pur et inébranlable, une lueur d’espoir dans ce contexte sombre et tourmenté. Dean Koontz mélange plusieurs genres, entre le surnaturel, l’histoire d’amour, le suspense, l’humour et la tragédie : un tour de force réussi.
Commenter  J’apprécie          569
Pour un oui ou pour un non

C'est un ami comédien qui m'a prêté cette pièce de Nathalie Sarraute, me permettant de me réconcilier avec l'auteure. Qui ne connaît pas Nathalie Sarraute, pionnière dans l'art du "Nouveau Roman" et c'est justement dans ce contexte-là que je l'avais moi-même étudiée en faculté mais de ses pièces de théâtre, j'ignorais jusqu'alors tout et c'est bien dommage mais bon, je me rattrape !

Ici, c'est l'histoire de deux homme, H.1. et H.2. qui, bien qu'ayant été extrêmement proches par le passé, se sont brouillés sur des non-dits. Si le premier homme paraît sûr de lui, le deuxième, selon le premier, le jalouserait. H.1. lui reproche même d'être condescendant mais ne serait-ce pas plutôt ce manque de confiance en lui qui donnerait cette apparence ? Tous deux vont enfin s'expliquer et essayer de comprendre ce qui a fait qu'ils se sont ainsi éloignés l'un de l'autre.

Avec des phrases hachés, des points de suspension à longueur de phrase, c'est au lecteur d'essayer de lire entre les lignes et de comprendre le pourquoi de cette brouille, basée essentiellement sur des non-dits, des silences. Quoi de pire en effet que ce silence face à des explications pures et franches au moment-même des faits ? A trop vouloir trop garder pour soi au lieu de s'exprimer calmement, l'on en oublie parfois la raison de ce qui nous a éloigné de l'autre. Aussi, ensemble vont-ils tenter de comprendre quand cet éloignement a commencé à se produire et surtout pourquoi ! Ni de responsabilité sur tel homme plutôt que l'autre puisque la responsabilité en est partagée, du moins c'est la conclusion que le lecteur (enfin, là, je parle en mon propre nom) peut se faire.

Un texte court mais extrêmement bien construit et il y a beaucoup de morale à tirer de ce dernier. Celui-ci ne se veut d'ailleurs pas moralisateur mais tout simplement préventif, comme une mise en garde face à ces silences que nous nous imposons dans la vie de tous les jours face à des mots qui peuvent être blessants, mais, qui, s'ils sont dits au moment opportun, peuvent au contraire nous éviter bien des maux !

Un texte à découvrir et à faire découvrir et j'imagine que sur scène ou simplement lu à voix haute, cela doit être une pure merveille !

Commenter  J’apprécie          562
La terre, le ciel, les corbeaux

Mars 1943, îles Solovetskij. Si les monastères de ces îles ne sont plus un goulag mais une base militaire, certains prisonniers y sont encore enfermés afin d'y creuser des fosses et construire des baraquements. Fuchs, un Allemand, est l'un d'eux. Ne supportant plus les lamentations, le vent sifflant et désireux de voir le ciel et de marcher, il décide, sur un coup de tête, de s'enfuir. Ayant mis de côté de la nourriture pendant des jours, échangé une paire de chaussures avec un jeune fraîchement arrivé, c'est en pleine nuit qu'il s'échappe, avant que la fonte des glaces ne ramène les îles Solovetskij à leur isolement. Après avoir tué quelques gardes, pourtant sur le qui-vive, il ne remarque pas qu'un autre prisonnier le suit. Attilio, un Italien, veut que Fuchs l'emmène avec lui, sinon il jure qu'il se met à hurler. Bien malgré lui, il n'a d'autre choix que d'accepter. Ce n'est qu'une fois sortis enfin du monastère que les deux hommes tombent nez à nez avec un autre garde. Si Attilio empêche Fuchs de le tuer, par peur que les autres n'entendent le coup de feu, ils le font alors prisonnier et le contraignent à les suivre dans leur fuite...

Attilio, Fuchs et Ivàn, un Italien, un Allemand et un Russe. Trois compagnons d'infortune qui, bien que n'ayant rien en commun, vont devoir s'unir s'ils veulent retrouver la liberté et rejoindre le village du soldat russe, tout en tentant d'échapper aux patrouilles lancées à leur recherche. Ne parlant pas la même langue (Teresa Radice n'ayant, d'ailleurs, pas traduit les propos en russe et en allemand pour bien mettre en avant la barrière de la langue), soupçonneux et méfiants les uns à l'égard des autres, ces trois hommes vont, au fil de leur longue marche à travers les forêts enneigées, s'unir et s'apprivoiser alors que l'on pressent le danger qui rode et la tension monter. Ce récit de survie, cette quête de liberté, fort, émouvant, éprouvant parfois, fait montre d'une rare sensibilité et d'une force insoupçonnables. La voix off d'Attilio se révèle immersive et prégnante. L'auteure met magnifiquement en avant les valeurs humaines et fraternelles et l'entraide. En flashback, l'on découvre peu à peu la vie passée d'Attilio, empreinte de bonheur mais aussi de blessures. Un album fort bien rythmé, profond, parfois poétique, qui laisse les silences s'exprimer. Graphiquement, tout en aquarelle, Stefano Turconi nous offre de magnifiques planches enneigées en Carélie mais aussi ensoleillées et radieuses en Italie. Son travail, délicat et fin, apporte force et poésie à ce riche et puissant souffle narratif...

Commenter  J’apprécie          562
La vie n'est pas un roman de Susan Cooper

J'ai eu l'immense privilège de rencontrer Stéphane Carlier lors de la deuxième édition du Salon du Livre organisé dans ma ville il y a quinze jours et je suis tout de suite tombée sous le charme de cette couverture et en général, je ne m'y trompe que rarement et une fois encore, le charme opéra ici.

Que feriez-vous si vous receviez un message d'une parfaire inconnue vous annonçant qu'elle vient de tuer un homme, qu'elle-même ne connaissait pas quelques heures plus tôt et qu'elle a besoin d'aide ? Y répondriez-vous ? Probablement pas ! Mais Susan Cooper, étant auteure de romans policiers à succès se laisse intriguer ! Etant invitée à recevoir une récompense pour le salon du livre de Monaco où elle doit se rendre prochainement, elle répond. Entre les deux femmes -puisque l'émettrice de cet étrange message est une femme, jeune étudiante, Nora- va alors s'installer une sorte de complicité malsaine. L'étudiante en question lui demandant son aide puisqu'elle a lu cela dans l'un des ouvrages de la romancière, que celle-ci ne se souvient pas d'avoir écrit d'ailleurs, ne reste pas insensible à la détresse de la jeune femme t va lui prodiguer des conseils pour effacer toute trace du crime afin de ne pas se faire arrêter par la police. Jouant à son propre jeu, elle se plonge alors tel qu'elle le ferait dans l'une de ses propres histoires afin de lui venir en aide à la seule différence près est qu'ici, nous ne sommes pas dans un polar de Susan Cooper (le nom de la romancière) mais dans la vraie vie. Nora, étant persuadée que cette femme qui écrit si bien et sait si bien résoudre dans ses ouvrages des affaires criminelles pourra être sa sauveuse. Cependant, Susan ne s'attendait pas à ce que Nora la rejoigne à Monaco et s'invite dans sa propre vie, la mettant, bien malgré elle, dans cette propre affaire et faisant d'elle par la même occasion sa complice. Lorsque fiction et réalité se rejoignent, cela fait souvent des étincelles mais encore faut-il savoir s'en méfier !

Un roman policier qui n'est pas un roman policier, un roman qui n'est pas un roman mais qui est tout cela à la fois ! Un ouvrage extrêmement bien écrit, rempli d'humour et de suspense et le lecteur (moi la première) se laisse facilement embarquer dans cette histoire et s'attache très facilement aux personnages, que ce soit à cette sexagénaire qui a connu et connaît encore quelques heures de gloire grâce à ses récits qu'à cette jeune femme en détresse !

Ce qu'il y a de drôle, c'st que lorsque je me suis présentée à Stéphane Carlier en tant que correspondante de presse pour le journal pour lequel je gais des piges (tel était l'une de mes raisons de me rendre à ce salon en plus d'y découvrir des nouveaux auteurs et d'assister à leurs conférences pour mon plaisir personnel), et que je lui ai ai demandé si il connaissait babelio, il m'a tout de suite répondu par l'affirmative mais je ne savais pas qu'il citait à plusieurs reprises ici-même ! Une très belle rencontre donc avec l'auteur mais aussi avec son dernier roman et je crois que je vais d'ailleurs m'attarder plus longuement sur ses autres écrits !

Une lecture légère...bien que...écrite à l'anglaise (Susan Cooper ne pouvait pas être autre qu'anglaise, vous l'aurez compris) que je ne peux que fortement vous recommander !
Commenter  J’apprécie          551
Une prière pour les cimes timides

Apaisant et mignon

Suite directe de "Un psaume pour les recyclés sauvages". Dex et Omphale le robot reviennent à la « civilisation ».

La nouvelle société imaginée par Chambers est belle. On a du mal à comprendre comment elle peut fonctionner mais passons. Une espèce de retour aux sources d’une vie bucolique et simple. L’immersion est charmante, les interrogations des protagonistes nous font réfléchir (un peu) et on passe un excellent et trop court moment avec eux.

Un exemple type de la SF humaniste, positive inclusive.
Commenter  J’apprécie          550
La Dernière allumette

Whaouh...
Je rechignais à le lire à cause du début du résumé [ "Abigaëlle vit recluse dans un couvent en Bourgogne" ]. Je me disais qu'une histoire de bonne soeur ne devait pas être folichonne, et bien, ça c'était avant, parce que c'est bien plus complexe et surprenant que cela.

Abigaëlle, du coup, observe le monde bruisser de loin, elle surveille juste son frère, qui vient la voir régulièrement, comme un métronome, et qui se raconte lors de ses visites. Et elle a peur pour lui (ou de lui, on ne sait pas trop...)
Et un jour Gabriel, rencontre une jeune femme lumineuse ...
Vous dire de quoi parle ce roman serait trahir le résumé qui est , ma foi, bien mystérieux. Tant mieux ! L'effet de surprise n'en a été que plus époustoufflant.. Et on plonge, on dévale la pente, on la remonte, puis on s'enfonce. (Dans la forêt...)
On tremble mais pas forcément pour les bonnes raisons. On place notre confiance en des personnages, puis Marie Vareille, fait "pshitt" et toute l'histoire en est modifiée.
J'avais deviné une des directions prises par l'autrice, mais pas l'autre : autant dire que j'estime m'être faite avoir comme une bleue ! Marie Vareille réussit avec ce roman un tour de magie, une pirouette, que dis-je : un virage, une fin majestueuse, aussi belle qu'une aurore boréale...
Marie Vareille, je la suis depuis ses tout débuts et c'est fascinant de la voir évoluer, s'emparant de sujets toujours différents. Là, le thème est grave, d'actualité, pesant, violent...
Pour contrebalancer les faits, les passages d'extraits de journaux d'Abigaëlle enfant, sont d'une naïveté désarmante, presque poétiques. Ils font penser aux contes pour enfants. [ "C'est absurde , on dirait un conte pour enfants" , page 224 ]. Mais certaines fois, les contes sont cruels, Marie Vareille ne l'est jamais, mais réaliste, certainement.

Une intrigue parfaitement maitrisée.
Un roman nécessaire, traité avec légéreté, délicatesse, bienveillance et brio .
Eblouissant...
Commenter  J’apprécie          546
Sauver le feu

« Il arrive un moment où il est nécessaire d'abandonner nos vieux habits qui ont épousé la forme de notre corps et d'oublier les chemins qui nous ramènent toujours aux mêmes endroits. C'est le moment de la traversée. Et si nous n'osons pas l'entreprendre, nous serons restés à jamais en marge de nous-mêmes. » Fernando Pessoa

Mexique, établissement pénitentiaire d'Ixtapalapa…
J'ai franchi les portes d'une prison, à la rencontre des moins que rien, des laissés-pour-compte, la fange de la société, ceux qui sont nés sans vie, sans futur, ceux qui croupissent dans l'air putride des cellules, ceux qui n'en sortiront jamais ou peut-être un jour les pieds devant, mais qui sont plein de rage, n'ont jamais peur, n'ont plus rien à perdre, invincibles, toujours libres…
Écrou n° 29846-8. Celui qui est derrière cette porte métallique s'appelle José Cuauhtémoc, colosse blond, métis dont le père est issu de la communauté des Nahuas, qui purge une peine de cinquante ans de réclusion pour homicides multiples, dont un parricide.
José Cuauhtémoc participe à des ateliers d'écriture animé par un écrivain qui commence à avoir une certaine renommée, un certain Julián Soto, se démarquant de ses contemporains. Mais leurs manières d'écrire n'ont rien de commun : Julián a un talent indéniable au style féroce et abrupte, tandis que José Cuauhtémoc exprime le génie dans une écriture qui foudroie. Son manifeste des premières pages nous a déjà assené un uppercut. C'est grâce à Julián que Marina Longines, danseuse professionnelle, qui mène par ailleurs une existence bourgeoise bien rangée, est invitée à présenter une chorégraphie derrière les murs de cette prison. José Cuauhtémoc va en devenir le spectateur fasciné.
« Je savais que mes chorégraphies étaient fluides, harmonieuses et même hardies. Il leur manquait cependant cette petite touche qui transforme une création en avalanche. Voilà ce que je recherchais : une force qui emporte les spectateurs, qui leur coupe le souffle, les empêche de réfléchir, de se distraire. Une avalanche qui les engloutisse deux heures durant pour qu'en sortant, ils ne soient plus les mêmes qu'en entrant. Une avalanche qui les transporte vers un lieu qu'ils n'avaient jamais imaginé. »
Comment sauver le feu ? J'ai découvert dès ces premières pages brûlantes un roman polyphonique comme je les aime, au rythme effréné, qui se dévore et qui dévore aussi. Ce livre m'a englouti…
L'alternance des styles qui composent cette dimension chorale est un va-et-vient incessant : entre le récit de la narratrice Marina, celui de José Cuauhtémoc dont on pressent déjà que leurs trajectoires vont se rencontrer, celui du frère de José dont le texte qui s'adresse au père immolé paraît presque hors du temps, hors de la temporalité du récit et puis ces textes des détenus qui surviennent, traversent les pages du livre comme des respirations, des cris de rage, des chants d'amour…
Je découvre ici en Guillermo Arriaga un auteur masculin qui dépeint avec acuité et sensibilité un magnifique personnage de femme, Marina, engagée dans la discipline qu'elle exerce en tant que chorégraphe, inhibée dans ce quotidien aseptisé et bien ordonné duquel elle parvient de temps en temps à s'échapper grâce à son art. Mais cela n'a aucune commune mesure avec le destin qui l'attend… Marina entrant pour la première fois dans cette prison est à des années-lumière de ce qu'elle a vécu jusqu'à présent.
En toile de fond, l'auteur nous livre le contexte social et géopolitique rude qui porte cette belle et improbable rencontre : un pays gangrené par la violence, la corruption, les guerres de gang entre les narcotrafiquants et aussi la situation dramatique à l'intérieur des prisons mexicaines. Il le fait même parfois avec humour, certes un humour trash, mais un humour qui permet de rendre moins lourdes les situations d'horreur convoquées, à tel point que par moments les dialogues entre certains personnages m'ont rappelé l'univers des Tontons flingueurs pour mon plus grand plaisir.
L'ensemble est couturé à merveille pour nous livrer un récit magistral qui se tient d'un bloc. C'est un récit digne d'une tragédie antique, on y rencontre la passion, le malheur, la vengeance, les élans et la culpabilité, la folie, une manière de retourner les vents contraires pour s'emparer du destin…
Entrer dans cette prison, y faire entrer l'amour, c'est forcément ouvrir un gouffre gigantesque. Un désir d'amour et de liberté se construit comme un fil tendu au-dessus de cet abîme de malheur avec des images d'une incroyable sensualité : les regards, les voix, la sueur, l'odeur des corps à la fois pure et brute aussi... Sur ce fil épris de vertiges, deux funambules vont venir l'un à l'autre, se désirer, s'aimer peau contre peau, se mettre en danger aussi… Aller plus loin hors des limites qu'ils n'imaginaient peut-être jamais franchir un jour. C'est comme si Marina s'apprêtait à rejoindre le Minotaure au bout du labyrinthe avec la certitude qu'il n'y a pas de retour en arrière possible. Immodérément, ils vont se rencontrer.
C'est bien une histoire d'amour, mais de rage aussi, qui va au-delà d'une histoire d'amour classique.
Il y a bien autre chose, à commencer par le lieu où naît et où se déploie cet amour ; plus qu'un lieu, c'est un chemin de transgression à deux pas de la folie, c'est la prison.
Guillermo Arriarga connaît la rue, connaît la rage de la rue, la rage de la prison, ce qui se vit derrière les barreaux, ce qui se vit dans le coeur d'un détenu, dans son ventre, ce qui se vit aussi dans le coeur et le corps d'une femme. Guillermo Arriaga connaît l'amour pour en parler aussi bien.
Marina et José inventent alors quelque chose qui est nouveau pour eux deux et qui va se jouer dans l'entrelacement de leurs destins. Ils inventent une forme d'amour, deviennent sismiques sous l'émotion de cet amour.
Tout assassin qu'il est, José Cuauhtémoc va donner à Marina ce que jamais aucun homme ne lui encore donné dans sa petite vie confortable, bien agréable. Et Marina va devenir l'évasion de cet homme, briser les barreaux de sa cellule, déchirer le ciel et le faire descendre en lui.
José Cuauhtémoc est dans le souci constant de l'autre, capable d'assumer sa part de féminité derrière la carapace de colosse et d'assassin, d'apporter à cette femme qu'il aime et qui l'aime ce qui va les transformer tous deux en profondeur.
Choc des classes, transgression sociale... Dans cette confrontation, ils se jettent des ponts, des passerelles, des lianes, appelez cela comme vous voulez, tissent un chemin qui n'existait pas jusqu'à présent et qui devient possible par le seul pouvoir d'un amour fou, incandescent, fulgurant, abyssal, à quelques pas de la folie, un chemin pour se connecter à soi, aux autres, au monde, toucher l'authentique, le sens de la vie, ramasser au passage une poignée d'étoiles et les jeter dans un geste sublime qui dépasse la simple dimension esthétique de l'art, mais convie à son sens premier, Marina dans la danse, José dans l'écriture, se rencontrer soi-même, amener au noyau même de la vie, de CHAQUE vie.
Dans cette confrontation, c'est un amour qui transcende l'autre, parvenant à le hisser plus haut, plus loin, plus vrai. C'est ainsi que Marina et José vont se retrouver de l'autre côté du versant. Côtoyer l'abîme, prendre des risques, prendre peur, se confronter de manière éperdue à la vie et à la mort… L'amour, parce qu'il est transgressif, permet de révéler ce qui sommeille dans la gangue étroite d'une vie ordinaire.
Dans cette lecture, Guillermo Arriaga m'a invité à devenir phalène, attirée irrésistiblement par la lumière d'une flamme qui, dans un va-et-vient constant, hésite entre tenir sa distance c'est-à-dire perdre l'attrait de cette lumière ou bien s'approcher de plus près, au risque de brûler ses ailes, peut-être mourir.
Il y a tout dans ce roman : la violence et la grâce, l'intensité d'un désir irrépressible, l'immanence de l'instant, le manque douloureux et aussi la joie qui transpire dans la fusion des étreintes, celle de vivre quelque chose d'inébranlable, quelque chose qui rend la vie plus dense, plus accomplie enfin, mais peut-être plus loin encore quelque chose d'indomptable et qui se rebelle.
J'ai aimé entrer en connexion avec les mots de cet écrivain, j'ai aimé entrer dans un univers peuplé de soleils ardents qui dévorent le ventre, de battements de coeur qui réveillent les peaux, de rugissements, de cavalcades, de faim, de furie indomptable, l'amour quoi ! Mais un amour qui ne tombe pas comme cela du ciel, puis s'en va sans rien dire sans rien laisser derrière lui après avoir tout dévoré sur son passage, non c'est un amour qui porte, qui transcende, qui métamorphose, qui donne sens à la vie. Il se dégage de ce roman un esprit de liberté qui d'emblée secoue.
Alors, parmi ces pages pétries d'orgasmes à rendre jalouses les constellations, m'est venue l'empreinte du vivant, du sauvage, ce qu'il y a d'authentique en nous et que nous avons perdu, qui sommeille peut-être encore. Comment dire autrement que, durant le temps de sa lecture, ce livre m'a rendu à moi-même, comme dans une sorte de cri primitif ?
Sauver le feu n'est pas qu'un roman fascinant, c'est un vertige, c'est un cri, c'est un brasier.

« Toute rencontre fortuite est un rendez-vous. » Jorge Luis Borges

Je remercie une fois encore ma fidèle complice Anna (@AnnaCan) qui m'a accompagné dans la lecture incandescente de ce roman magistral.
Commenter  J’apprécie          5248
Plus grands que le monde

Alstead, dans le Maine. C'est dans la ferme héritée de son père que Tup, faisant valoir son droit d'aînesse, décide de s'installer avec Doris. Entre les vaches, les poules, le potager, le verger, la remise en état de la ferme qui, aujourd'hui, en cette année 47, retrouve sa noblesse, le couple ne manque pas de travail. D'ailleurs, leurs trois enfants, Sonny, Dodie et Beston, après l'école, les jeux en plein air, les balades au bord de la rivière, ne rechignent jamais à leur donner un coup de main. Toute la famille vit dans une bulle de bonheur et d'amour, ne manquant pas de partager des moments de complicité et de bonheurs tout simples. Malheureusement, cette bulle va éclater suite à un terrible drame qui va déchirer et anéantir cette famille ...

La ferme des Senter pourrait ressembler à un véritable jardin d'Eden. Un jardin au cœur duquel chaque membre de la famille y puise le bonheur et l'amour et où le travail quotidien est récompensé. Jusqu'au jour où ce quotidien enchanté et bucolique est frappé d'un horrible accident. Comment faire face à ce deuil aussi inimaginable qu'insensé ? Certain tente d'y faire face, de surmonter la douleur, en commettant quelques erreurs ; certain s'y plonge et s'y noie, jusqu'à suffoquer face à tant de souffrance ; certain culpabilise mais tente de se construire au cœur de cette famille dorénavant éclatée. Sur presque 20 ans, Meredith Hall déroule, avec beaucoup de finesse et de sensibilité, l'histoire de la famille Senter, donnant la parole, à tour de rôle, à Tup, Doris et Dodie. Une histoire aussi belle que tragique, aussi déchirante qu'émouvante, aussi sombre que lumineuse, portée par des personnages forts, marqués, intensément dépeints. Au cœur de ce roman, l'auteure aborde, intelligemment et avec une certaine élégance, divers thèmes tels que l'amour familial, le deuil, le pardon, la reconstruction...

Un premier roman remarquable et envoûtant...
Commenter  J’apprécie          522
Regarde-moi

Regarde-moi ou plongée dans un esprit malade. L’exercice est éprouvant pour le lecteur car le narrateur est (attention à l’accumulation) voyeur, raciste, drogué aux médocs, solitaire, complotiste, extrémiste… je pourrais continuer mais cela risquerait de gâcher l’intrigue. Et le pire, c’est que malgré tous ces qualificatifs, on ne peut pas éviter l’écueil d’une certaine empathie. Quand vous découvrez une histoire, un quotidien, par le prisme de ce genre de personnage, vous ne pouvez que finir par comprendre certaines de ses obsessions, les justifier par son vécu, par ce que la société semble lui faire subir… Puis vous vous ressaisissez et vous vous dites « Mais non, il est taré, ne te fais pas avoir »… et puis vous avancez un peu et vous refaites avoir… Le va-et-vient est assez épuisant psychologiquement, et on sent bien que c’est tout à fait le projet de l’auteur.

Il nous piège par certains regards humanistes qu’il porte sur l’objet de son voyeurisme, cette jeune fille de l’autre côté de la rue. Il se donne pour mission de la sauver de sa famille, de ce père et de ses deux frères machiavéliques… mais comment serait-elle sauvée en tombant dans les griffes de ce détraqué ? L’atmosphère de malaise est renforcée par un magma d’incertitude : incertitude géographique car on met du temps à situer le lieu de l’action, pensant d’abord qu’il est volontairement indéfini puis comprenant bien les différentes allusions avant de découvrir en même temps la confirmation et la raison de l’endroit choisi ; incertitude narrative car un projet final nous est annoncé, mais il reste lui aussi dans le flou, ne se définit que peu à peu, ne se clarifie que pour être mieux remis en cause par les soubresauts de l’action. Même les derniers rebondissements nous plongent dans le doute, jamais certains de ce qui relève des hallucinations, des délires paranoïaques ou de la réalité.

L’auteur est colombien, petit-fils de juifs ashkénazes d’Autriche et de Hongrie, il choisit de vivre un an dans la jungle amazonienne, puis de parcourir le monde… avant de se poser à Ramallah, puis Jaffa, avec son épouse… palestinienne. Un tel parcours romanesque et à contre-courant a forcément influencé ce style déstabilisant et puissant, nous offrant ainsi un thriller aux qualités littéraires bien supérieures à la moyenne du genre, en tout cas à la moyenne de ce que j’ai lu. Tout cela est une invitation à découvrir le reste de l’œuvre, trois romans apparemment pas tous du genre thriller… et je l’espère une œuvre qui continuera à fleurir, vu le relatif jeune âge de son auteur.
Commenter  J’apprécie          5210
La Dernière allumette

Suite à un traumatisme survenu pendant son enfance, Abigaëlle vit, depuis maintenant 27 ans, à l'abbaye Sainte-Marie-de-la-Saône, à Genevigny, en Bourgogne. Si elle a fait vœu de silence, elle reçoit malgré tout la visite de son grand frère, Gabriel Mancini, deux samedis par mois. Auteur, illustrateur et peintre reconnu, il a, notamment, reçu de nombreux prix pour sa série d'Abi Colibri. Un personnage dont Abigaëlle en est la source d'inspiration. Pendant ces visites, il ne manque pas de lui parler de sa vie, de ses projets et, fait nouveau, de sa petite amie, Zoé Boisjoli. Une jeune institutrice lumineuse et pleine de joie. Mais Abigaëlle connaît son frère mieux que personne, elle sait les démons qui l'habitent, elle sait le traumatisme qu'il a subi aussi. Bien que sa mémoire défaille par moment, Abigaëlle tient à raconter son histoire, son enfance, notamment à travers son journal intime, et son frère...

Elle a un don, Abigaëlle, pour nous saisir dès les premières pages puisque l'on assiste à un enterrement. De qui ? On l'ignore mais on le suppose. Puis se dessine, à travers ses confidences et son journal, commencé alors qu'elle a 7 ans et que le Dr Hassan lui a conseillé d'écrire, son enfance au sein d'une famille dysfonctionnelle (son papa qu'elle adore, sa maman la fée et son frère qui l'enferme et lui met des torgnoles), le drame qui a bouleversé sa famille et qui a entraîné le départ de son frère. Ce frère, justement, qu'elle connaît, dont elle redoute les agissements et dont elle voudrait tant protéger la belle Zoé. Elle a un don, à coup sûr, Abigaëlle, puisque l'on croit (naïvement ?) tout ce qu'elle nous confie. Pourtant, l'on était prévenu : sa mémoire est défaillante... Et ces confidences passées et présentes, entre lesquelles s'entremêlent les épanchements d'une patiente dans le cabinet du docteur Garnier, nous bousculent, nous heurtent, nous bouleversent, nous emmènent sur des chemins tortueux, boueux, malsains, et nous font voir, petit à petit, une toute autre vérité insoupçonnée et inimaginable. Avec justesse, malice et intelligence, Marie Vareille nous plonge dans une intrigue retorse, implacable, vertigineuse et brillamment mise en scène. Si l'ambiance (de par ses sujets traités) est sombre et tendue, elle n'en reste pas moins lumineuse.
Un roman diabolique et captivant...

Commenter  J’apprécie          522
Champions des J.O.

Champions des J.O. est un excellent petit livre qui arrive à point nommé grâce à Éric Chevreau et aux éditions SEDRAP Jeunesse.
S’il cible les jeunes de 7 à 10 ans, l’histoire vraie de quatre champions peut intéresser tout un chacun, quel que soit son âge, tellement c’est bien écrit et agrémenté d’informations étonnantes.
Sur les quatre sportifs choisis, deux nous ramènent à Berlin en 1936, des Jeux marqués par la présence d’Adolf Hitler et du nazisme, ce qui ne manque pas d’inquiéter Betty et Noël.
L’auteur a bien fait de débuter avec le cas extraordinaire de Spiridon Louis, un berger grec qui remporta le premier marathon, le 5 avril 1896. C’est même lui qui, à 63 ans, offrit à Hitler un rameau d’olivier en signe de paix… On connaît la suite…
Betty Robinson, après avoir été la première femme médaillée d’or sur 100 m et médaillée d’argent aux 4 x 100 m des J.O. d’Amsterdam en 1928, réussit une prodigieuse performance à Berlin, en 1936. En effet, un terrible accident d’avion l’avait fortement handicapée. Impossible pour elle de s’agenouiller pour prendre le départ du 100 m. À Berlin, elle ne peut que participer au 4 x 100 m comme troisième relayeuse et c’est la médaille d’or qui vient récompenser son extraordinaire courage.
Quant à Maria Runyan, non voyante, après cinq titres décrochés aux Jeux Paralympiques de Barcelone puis d’Atlanta, elle choisit de courir le 1 500 m avec les meilleures. Pour cela, elle se qualifie pour les J.O. de Sidney (2000) et finit huitième de la finale.
Enfin, retour à Berlin, en 1936, avec Noël Vandernotte qui n’a que 12 ans. Il est sélectionné comme barreur du bateau de ses oncles, Fernand et Marcel. Éric Chevreau raconte cette expérience folle dans les lettres que Noël, devenu la mascotte de l’équipe de France, écrit à sa maman. Lors de la cérémonie d’ouverture, il défile même juste derrière le porte-drapeau et il est fortement marqué par le décorum ostentatoire du régime nazi. Sur le bassin de Grünau, il devient le plus jeune médaillé français de l’histoire avec deux médailles d’argent, en deux et quatre barré.
Ces quatre destins hors normes de sportifs méritaient vraiment d’être mis ou remis en mémoire. C’est pourquoi je remercie Babelio et les éditions SEDRAP Jeunesse qui m’ont donné l’occasion de me mettre dans l’ambiance qui va monter de plus en plus avant l’ouverture des J.O. 2024, en France, le 26 juillet prochain.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          510
Histoires à mourir de vous

La dernière virée d' Horusfonck chez Jacques Sternberg.
C'est le feu d'artifice Sternberg, toutefois presque monochrome!
Les femmes défilent, surgissent, disparaissent au gré de relations brèves, torrides ou en forme de retrouvailles...
Les femmes sont là, diverses, mystérieuses. Elles passionnent Sternberg, au travers d'un choix multiple et affolant. Tellement de femmes, femmes...
Les accords et les désaccords d'une musique du tendre qui vire parfois à la cacophonie lorsque le narrateur se perd.
La vie de l'auteur affleure, dans ces textes parfois très brefs, mais tellement diserts et précis avec des bords tirés à la voile, des livres sans succès, la vie qui passe et qui s'émousse, la mort au bout et son inconnu néant. Le bruit d'un Solex, de temps en temps. Des souvenirs d'un passé cruel, parfois.
On peut en raconter, en détailler, en peindre en autant de nouvelles!
Le feu de la passion immédiate et les brouillards de la mélancolie voisinent
dans ces lignes qui ne sont pas sans rappeler certains Fellini ou Buzzati d'italienne mémoire.
C'était la dernière virée chez Sternberg, mais non, loin s'en faut l'ultime!

Commenter  J’apprécie          512
Le héron de Guernica

26 avril 1937. A Guernica, dans le Pays Basque espagnol, le front de la guerre civile se rapproche, mais les habitants de la ville sont loin d'imaginer que dans quelques heures le ciel va littéralement déverser sur leurs têtes un déluge de bombes.

Ce matin-là, Basilio, jeune artiste-peintre amateur, se rend comme souvent au bord de l'étang pour y observer les hérons, qu'il tente ensuite de reproduire sur la toile. Il rêve de terminer un de ses tableaux pour l'offrir à Celestina, la jeune fille dont il est amoureux.

La guerre en décidera autrement.

« le héron de Guernica » est un court roman qui se veut poétique et contemplatif, et qui pose le thème de l'art face à la guerre (à travers l'épisode lié au Guernica de Picasso), de la beauté de la nature et de la pureté des sentiments face à la folie meurtrière des hommes, le tout vu à travers le regard d'un jeune homme naïf au coeur simple.

Il y a un curieux décalage dans ce texte entre, d'une part, le langage familier des personnages (entre autres Basilio) et d'autre part, le langage soutenu utilisé dans les descriptions et l'observation du héron et de la nature (une narration à la 3ème personne du singulier mais qui rend compte du point de vue du même Basilio). Je doute que ce personnage ait les capacités intellectuelles de formuler de telles réflexions. Curieux aussi qu'un être aussi sensible et placide apparaisse cependant déçu de ne pas avoir réussi à se faire enrôler dans les rangs républicains, alors qu'apparemment rien ne l'y obligeait.

En dehors de ce manque de cohérence, et malgré des descriptions presque millimétriques, je n'ai rien éprouvé de ce que l'auteur s'est efforcé de susciter : l'horreur du bombardement, la passion, la sensibilité ou la souffrance de Basilio.

Je n'arrive pas à expliquer ce qu'il y a en trop ou en trop peu dans l'écriture, mais je l'ai ressentie davantage comme un exercice un peu forcé et artificiel dans lequel la forme, peu convaincante, finit par l'emporter sur le fond. Décevant.
Lien : https://voyagesaufildespages..
Commenter  J’apprécie          511
D'où viennent les nuages

L'Histoire que l'on nous a apprise est une imposture.
Lentement le niveau des mers a tout submergé.
Les étoiles se sont toutes éteintes.
De l'immense bibliothèque, seuls restent quelques souvenirs et une poignée de livres échappés au désastre.
Celui-ci m'a été donné par le vicomte de Kassoulé-Toulouzène, le secrétaire du grand explorateur Travelling-Robinson, qui l'avait trouvé dans les ruines de Paris avec quelques autres dont "La Vénus d'Asnières" d'André Reuse et "Les vaisseaux du temps" de Stephen Baxter.
J'ai toujours aimé "les vieux textes poussiéreux et les auteurs tombés dans l'oubli"*.
Mais tout ceci ne nous dit pas d'où viennent les nuages ...
"D'où viennent les nuages" est un recueil d'une dizaine de nouvelles écrites par Régis Goddyn.
Il a été publié en avril 2024 aux éditions nantaises de "L'Atalante".
Le premier texte, "Les comptes fantastiques de Paris" est une splendide variation de l'Histoire.
Au milieu du XIXème siècle, à Paris, tout est faux semblant.
Le diable peut-être attend de sortir de sa boîte !
C'est intrigant, inventif et très original.
A partir de là, Régis Goddyn va alterner les genres sans se soucier d'imposer la moindre homogénéité à l'ensemble de son recueil.
Les décors se succèdent au fil des courts récits qui s'enchaînent.
C'est bien écrit et imaginatif.
Mais s'il est, comme l'a précisé Régis Goddyn dans son avant-propos, difficile pour un non-historien d'enfiler une époque comme son propre costume, il est parfois aussi ardu pour un lecteur de s'approprier une suite de courts récits prenant le contre-pied les uns des autres.
J'ai adoré le premier texte, beaucoup aimé le second et dans les suivants mon enthousiasme s'est pourtant un peu dilué.
"D'où viennent les nuages ?"
Dans quelles inspirations se sont-ils chargés de récits ?
Ces textes sont tous captivants et rédigés efficacement.
Cependant ils manquent parfois de contextes, d'accroches et se révèlent très courts, trop courts pour avoir le temps de s'y plonger, de s'y plaire vraiment et d'en sortir assez repu pour apprécier le suivant.
A certaines de leurs entournures, ces nouvelles résonnent comme autant d'exercices de style.
Et l'ensemble du recueil prend alors des airs d'un de ces vieux ouvrages d'extraits ou le lecteur virevolte entre les meilleures pages de son auteur.
Ça donne le tournis.
C'est parfois même un peu confus.
Cependant si l'on croit la quatrième de couverture, pour écrire ce recueil, Régis Goddyn s'est inspiré des "mystères et de la magie dormante du quotidien".
Il fallait bien ça pour nous offrir cette dizaine de récits atypiques et inhabituels ...

* Extrait d'Albédo" la quatrième nouvelle
Commenter  J’apprécie          511
Quand l'abîme te regarde

Avant toute chose, un grand merci à Babelio et aux éditions Récamier pour l'envoi. C'est toujours un beau cadeau !
.
J'ai aimé ce bouquin, j'ai été prise par l'histoire. Mais je vais quand même commencer par mon étoile en moins. La présentation du livre associait Yougoslavie, siège de Sarajevo, crimes de guerre et traque des criminels en question. Mon petit bémol tient au fait que ces sujets ne sont pas aussi exploités qu'attendus (par moi). En effet outre ce sujet, vous aurez du suprémacisme blanc européen, des secrets de famille, du complotisme terroriste.... Un peu trop sans doute, ce qui peut parfois perdre.
.
Ça c'était mon bémol. Car sinon j'ai dévoré le bouquin, plus particulièrement les pages sur Sarajevo, son siège, la position des troupes françaises sous l'égide de l'ONU, les répercussions de l'ancienne et historique amitié franco-serbe. Une sacrée piqûre de rappel !
Des personnages bien dessinés : Rhino officier français en charge de la traque des criminels, ancien casque bleu en Yougoslavie. Tout ce qui tourne autour de ce personnage est clairement maîtrisé par l'auteur qui a exactement le même passé. Donc très intéressant.
Autour de lui vont graviter son fils, une jeune arriviste, des anciens soldats français et des criminels de guerre Serbes.
Une histoire un chouia alambiquée mais prenante. 650 pages que je n'ai pas vu passer !
Commenter  J’apprécie          516


Suivez toutes les critiques de la presse Voir plus

Actualitte

3316 critiques

LeFigaro

4091 critiques

LeMonde

5789 critiques

Lhumanite

509 critiques

Liberation

2725 critiques

Bibliobs

2510 critiques

LePoint

1269 critiques

LesEchos

1341 critiques

Lexpress

4153 critiques

Telerama

3482 critiques

LaPresse

2670 critiques

LaLibreBelgique

2194 critiques










{* *}