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Critiques de Salman Rushdie (473)
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Les versets sataniques

Ça fait plusieurs années que j'avais de la curiosité pour ce livre. Les échos pouvaient être soit très bons, soit très mauvais. Finalement, le meilleur moyen de s'en rendre compte et de le lire par soi-même.



Le début de ma lecture a été assez laborieuse - d'autant plus que je me suis collée à la version originale ; le style de Salman Rushdie est très déroutant quand on ne le connait pas. J'avais parfois l'impression de ne plus arriver à suivre, d'être brinquebalée dans une histoire chaotique où je n'arrivais pas à discerner où l'auteur voulait en venir.



Ma lecture a fini par s'éclaircir petit à petit. Mais j'ai gardé jusqu'au bout une impression de rester en "surface" et de ne pas toujours comprendre là où on m'emmenait. Sans doute parce que beaucoup de références culturelles ne me parlaient pas beaucoup. Sans doute aussi parce que le style de Rushdie semble nous garder dans l'incertitude, entre rêve et réalité. J'ai parfois perdu mes repères, ne sachant plus que croire.



C'est peut-être là le but de l'auteur qui renverse certains grands principes moraux. Dans ce roman, il interroge les notions de Bien et de Mal. Qu'est-ce que le Bien ? Qu'est-ce que le Mal ? Nait-on bon / mauvais ou le devient-on ? Est-on prédestiné à être l'un ou l'autre, obligé de devenir ce qu'on nous impose d'être ?



Ce pan du roman m'a beaucoup interpelé et plu. J'ai beaucoup aimé la façon dont Salman Rushdie bouleverse les certitudes et malmène les deux principaux personnages pour nous amener à nous interroger sur ces questions de Bien et de Mal.



Et bien que parfois déconcertant, son style un peu décousu, passant d'une histoire à l'autre, nous plongeant dans la légende puis dans le cours d'un récit entre rêve (cauchemar ?) et réalité, revêt un côté "conte", "récit de légende" que l'on raconte au coin du feu.



Une lecture mitigée au final, car je reste sur une frustration : l'impression de ne pas avoir réussi à saisir toute la richesse du message de Rushdie.
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La Cité de la victoire

Salman Rushdie est connu pour son style mêlant mythe, fantaisie et la vie réelle, ce roman n'échappe pas à la règle. Sous un aspect de conte, où une déesse prend possession du corps d'une enfant, où une femme créé une ville avec un sac de graines, où elle chuchote aux habitants leurs propres histoires de son cru, ou encore elle se transforme en oiseau... 



L'histoire de Vijayanagar est bien réel, l'auteur s'inspire en effet du dernier grand royaume hindou de l'Inde, créé en 1336 par deux frères Sangama, et le récit portera sur l'histoire de ce royaume et du règnes de ces rois se succédant sur quatre dynasties, jusqu'à la disparition du royaume en 1565.



C'est sur ce fond historique que Salman Rushdie ajoute sa fantaisie : Pampa Kampana ! Une enfant de neuf ans qui sera habitée par une déesse durant 247 ans. C'est par son existence que l'auteur retracera l'histoire et prendra des libertés. C'est aussi à travers Pampa Kampana qu'il portera sa sagesse et sa vision des religions.



Salman Rushdie dénonce, en quelque sorte, le narcissisme élitiste, le racisme, l'intolérance, l'instinct de l'homme... Mais il est question aussi du droit des femmes, il a beaucoup d'importance dans ce récit à travers Pampa Kampana, les femmes y sont représentées fortes pour la plupart. Quand au peuple, je dirai qu'il est représenté comme un troupeau, il n'a, et peut-être n'est-ce que mon impression, qu'une place relative.



Comme on peut s'y attendre de la part de Salman Rushdie, il est beaucoup question de religions, de fanatisme, de conversion...



Cela fait longtemps que je voulais lire Salman Rushdie. Je me demandais bien ce que pouvait écrire un homme qui pouvait lui valoir à ce point une fatwa, que peut-il donc écrire qui fasse si peur. à un fanatique religieux. Je n'ai pas lu les "Versets sataniques" pour le moment, mais rien que dans ce roman, les idées de l'auteur transparaissent et sa subtilité est piquante, pertinente...



"Ainsi étaient les hommes, se disait Pampa Kampana. Un homme philosophait à propos de la paix mais dans sa façon de traiter la pauvre jeune fille sans défense qui dormait dans sa grotte, il n'agissait pas conformément à sa philosophie."



"- Ce qui veut dire, commenta Ka-ah-eh-va, que Bisnaga sera désormais dirigée par un fanatique religieux conseillé par un autre extrémiste."



"Pouvait-on imaginer que le monde serait meilleur sans rois ? Pourtant le monde animal se choisissait des chefs de clan, des chefs de meute, des chiens dominants. Alors la question la plus pertinente était peut-être de savoir comment choisir de tels chefs. La manière des animaux, par le combat, n'était pas la meilleure. Existait-il un moyen, était-ce seulement possible, de laisser le peuple choisir ?"



Il y a notamment une allusion à des singes hostiles qui m'a fait sourire, est-ce moi qui y est trouver un double sens ? Peut-être... 





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Langages de vérité : Essais 2003-2020

Langages de vérité est un recueil d’essais écrits entre 2003 et 2020. Du 11/09 au COVID 19 en fait.

L'ensemble de textes est hétéroclite, on passe d'essais sur Héraclite, à d'autre sur la photographe Taryn Simon, on discute de Liberté, des interventions du Pen Club Amerique.

Cela permet au petit lecteur de Rushdie que je suis de découvrir un écrivain un peu différent de l'image que je m'en été faite, petit en entendant parler de la fatawa des Versets Sataniques, puis en lisant les Enfants de Minuit, puis en rencontrant et écoutant le bonhomme lors d'une rencontre littéraire où la salle était quasiment vide...

J'ai découvert une très grande culture, des appétences littéraires et artistiques très variés, une vie riche, des engagements profonds et durables.

Une précédente critique relevait le manque d'article relatif aux attentats de Charlie Hebdo. Si cet évènement m'a personnellement atteint, je comprends en revanche tout à fait qu'un indien, vivant à New York, n'ai pas eu l'occasion d'écrire à ce sujet. Mais je ne doute pas de son soutien et de sa compréhension des problèmes soulevées à ce moment, vu ce qu'il explique de la situation politique indienne.



Ceci étant dit, Rushdie nous dresse un portrait un peu sombre de l'humanité, du moins allant dans des directions obscures, mais toujours en distillant, grâce à ses artistes et hommes de bien, des raies de lumière...

Et ici je rejoins une autre critique qui parlait de "gentil", et c'est exactement ça, Salman Rushdie semble profondément gentil, et bien-pensant quelque fois. Mais comment lui en vouloir, il défend des causes on ne peut plus justes et humaines !

Peut être cet effet est-il créé par l'empilement de textes écrits à 20 ans d'écart dans un seul livre, où les mêmes idées sont rebrassées sans cesse.



Il faut donc peut être lire ce livre en prenant le temps plutôt que d'un traite pour en apprécier toutes les qualités. Mais il faut le lire.
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Langages de vérité : Essais 2003-2020

Un essai, une analyse, une histoire, une réflexion ? Disons un peu tout cela.

Ces textes rédigés entre 2003 et 2020 se lisent plus facilement si l'on pose de temps en temps le livre de côté, puis qu'on le reprenne après un bon polar ou autre lecture plus légère.

Salman Rushdie a rassemblé ici des écrits que l'on peut qualifier d'essentiels. C'est une mine de connaissances indéniablement gigantesque. Cet homme a une mémoire culturelle immensément vaste, une photographie des évènements extrêmement précise.

Il parle aussi bien de son enfance à Bombay en Inde que de son vécu en Occident ou de sa vie aux States. Il passe d'histoires venues d'ailleurs comme "Les Mille et Une Nuits" à celles de l'amour, de l'art et de la mort au XXIème siècle. Il a une opinion sur tout ... et c'est bien là que je me suis sentie légèrement piégée. L'intelligence de cet homme m'aurait fait le suivre jusqu'au bout du monde si, tout d'un coup, je n'avais pas pris un peu de recul. Mon admiration pour cet homme est et reste indéfectible, mais j'ai dû veiller à conserver mes propres points de vue.

J'y ai retrouvé une somme folle de fictions, de livres, de contes, de mythes, de films dont je ne connaissais pas toujours le sens profond ou caché. Pareillement j'y ai redécouvert des faits et des grands hommes dont la signification pour les uns ou l'objectif pour les autres m'avaient échappés.

En refermant le livre je me suis dit, qu'au fond, c'était bien là une oeuvre de Rushdie, entre croyances et incroyances, entre faits divers et contes, entre rêves et réalités. Oui, le tout est bien à mettre au pluriel tant la densité de ce recueil est marquante.
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Quichotte

J'ai lu ce roman en VO : voyant sa date de traduction en français décalée d'un an par rapport à la sortie en anglais, je n'ai pas pu attendre... La tentation était trop forte : Don Quichotte revisité par Salman Rushdie, celui qui jongle avec les contes, les fables et les mythes, tout en parlant de notre monde actuel, c'était un rendez-vous à ne pas manquer. Et quel plaisir ce fut de lire ce roman picaresque dans le texte !

Au travers de deux histoires imbriquées (celle de l'auteur et celle du personnage), on revit différentes facettes de l’œuvre de Cervantès, revisitées, réinventées, magnifiées, transposées dans l'Amérique de Trump, le pays où tout est possible. Jubilatoire !
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Deux Ans, Huit Mois et Vingt-Huit Nuits

Une fable merveilleuse qui convoque philosophie et humour, fantastique, magie et qui sonne pourtant si réel. Ce conte est envoûtant, les personnages sont nombreux et très atypiques, et nous assistons à un combat époustouflant entre jinns (inspirés par le philosophe Al Ghazali ) et descendants de Ibn Rushd (Averroes), entre deux philosophies islamiques contraires, les premiers semant la terreur, les seconds prônant la raison, se battant pour un monde indépendant de la volonté de Dieu, pour sauver les Hommes du fanatisme religieux et du terrorisme.



«Imaginons la race humaine comme il s'agissait d'un seul individu [...] l'enfant ne comprend rien et se cramponne à la foi parce qu'il ne dispose pas du savoir. La lutte entre la raison et la superstition peut être considérée comme la longue adolescence de l'humanité et le triomphe de la raison sera sa maturité. Ce n'est pas que Dieu n'existe pas mais c'est que comme tout parent fier de sa progéniture il attend le jour où son enfant peut tenir debout sur ses deux pieds, faire son propre chemin dans le monde et se libérer de toute dépendance à son égard.»

«Les tyrans ne sont jamais originaux et ils ne tirent pas la leçon de la disparition de leurs prédécesseurs. Ils se montreront brutaux et étouffants, ils engendreront la haine et détruiront ce qu'aiment les hommes et c'est qui causera leur perte. Toutes les batailles importantes sont, en fin de comte, un conflit entre la haine et l'amour, et nous devons nous raccrocher à l'idée que l'amour est plus fort que la haine.»



J'ai beaucoup aimé ce roman, et pourtant j'ai bien failli l'abandonner. J'ai mis beaucoup de temps à rentrer dans cette oeuvre; complètement déroutée au début, l'auteur a su me ramener à l'intrigue, dans laquelle j'ai fini par plonger sans pouvoir la lâcher; elle est porteuse d'un optimisme puissant, et empreinte de beaucoup d'humour.



Un roman complètement fou, qui nécessite un peu de concentration tellement l'auteur part dans tous les sens, mais un roman qui vaut le coup à mon humble avis !



Je suis très admirative du courage de ce grand monsieur.
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Les versets sataniques

God bless you ...lui dit la reine!

"Tombés des nues : une énorme explosion,un big bang suivi d'étoiles filantes. Un commencement universel, l'écho miniature de la naissance du temps... le jumbo jet Bostan AI-420, explosa sans prévenir,très haut au dessus de la cité(...) et l'air pur se remplit de corps,qui descendaient de l'Everest de la catastrophe vers la paleur laiteuse de la mer.

(...) "Vole" hurla Chamcha à Gibreel, mets-toi à voler tout de suite" et il ajouta sans savoir d'où cela venait:"Chante"..."

La fable s'ouvre sur une chanson de Gibreel Farischta, jaillissant du fond des nuages : " Pour renaître (...) il faut d'abord mourir. Ho, hi ! Avant de se poser sur le sein de la terre, il faut d'abord voler. Ta- taa Takadoum ( Progrès) . Comment sourire à nouveau si l'on ne veut pas pleurer d'abord? ...° Si tu veux renaître, baba...."

Et c'est ainsi que tout au long de la partie intitulée: "l'ange Gibreel", le récit oscille entre la chute angélico-satanique et le rappel des souvenirs de la vie des deux personnages à Bombay.

S'arracher par nécessité, par accident ou par plaisir à un espace auquel on s'est habitué, à la chaleur familière, pour un autre, est un fait qui soumet toute personne à diverses pulsions, à de multiples brûlures, d'interrogations et à la manifestation de plusieurs états d'âmes... le désir de retour, d'évasion, d'oubli, de souvenirs rythme la vie quotidienne de l'exilé..

C'est en quelque sorte à cette situation que sont confrontés les deux personnages Saladin Chamcha et Gibreel Farishta et, chacun traverse à sa manière l'épreuve du déracinement.

Le premier finira par se réconcilier avec lui-même, en revanche le second deviendra la proie d'une extrême déchirure telle qu'elle le ménera au suicide.

La condition, de l'expérience de ce déracinement, est constituée dans une narration qui se tisse dans un emboitement de contes de dialogues et de rêves éveillés.Quelque chose des "Millle et une nuits"...

Et, à travers les dédales de la mise en abîme, se dessine une réflexion sur les éléments de la personnalité des protagonistes et une analyse des fondements de deux cultures avec leurs vices et leurs vertus; deux mondes : L'Inde et l'Angleterre.,l'Orient et l'Occident.

C'est là, la perspective nodale, dans l' approche de la lecture des Versets Sataniques.

Mais Rushdie déplace le récit sur la transcendance et le déracinement existentiel, et il fait preuve d'une grande audace, en ayant recours à l'usage des événements inauguraux de l'Islam dans un récit de fiction burlesque.

A l'instar de Rabelais,il se sert du réalisme au seul bénéfice de son imagination.



le roman doit son titre à une sourate du Coran relatant l'épisode où le prophète, trompé par Satan, voue un culte aux figures polythéistes pré-islamiques,dénonçant le message vicié, révélé à Mahomet et porté par le livre sacré.

Ce feuilleton allégorique illustre la lutte éternelle du Bien et du Mal, à travers deux personnages, Gibreel Farishta - qui représente l'ange Gabriel - et Saladin Chamcha - l'incarnation terrestre du Diable.

Il y a certainement un peu de Salman Rushdie dans Saladin Chamcha, indien anglophile en conflit avec ses origines, mais c'est le personnage de Gibreel qui est le plus intéressant,et sera, par là même, le plus décrié par les Islamistes.

Les anges sont-ils des démons déguisés?



le racisme sous le gouvernement Thatcher, y est aussi évoqué lors du long périple et des mauvais traitements subis par Chamcha, qui devient "l'insecte" sur le plancher du car de police". Mais, c'est par l'art de la digression de Rushdie que cette situation est décriée:

"Ils nous décrivent, chuchota l'autre d'un ton solennel. C'est tout.

Ils ont le pouvoir de la description et nous succombons aux images..."



le récit de Rushdie rappelle aussi, l'univers chimérique de Cervantes,en alternant le réel et l'onirique, le rationnel et l'irrationnel,dans une configuration où interfèrent le fait divers, le propos symbolique ou mythique, le souvenir d'enfance, le motif historique, le signe politique.

Des voix s'entremêlent dans l'évocation des rencontres féminines des deux personnages. Avec Saladin Chamcha dans l'incarnation du diable,objet d'obsession sexuelle et de toutes les perversions. le langage évolue alors en images...

La description de l'Imam est digne d'une satire à la Jonathan Swift, usant du jeu de la mystification et de la parodie,le narrateur traite avec ironie le dogmatisme religieux, et en dénonce l'onde tragique en cours.



"Dans les rares occasions où l'Imam sort prendre l'air de Kensington, au centre d'un carré formé par huit jeunes hommes portant des lunettes noires et des costumes où l'on distingue des bosses, il croise les mains et les fixe des yeux, pour qu'aucun élément, aucune particule de cette ville haïe - cette fosse d'iniquités- qui l'humilie en lui offrant un refuge, ce qui l'oblige à un sentiment de reconnaissance malgré sa luxure, son avarice et sa vanité, ne puisse lui tomber comme une poussière, dans l'oeil".

On rapporte que L'Ayattollah Khomeiny s'est reconnu dans ce portrait, ce qui l'aurait poussé à édicter sa fatwa le 14 février 1989. Joyeuse St Valentin !



le "Retour à la Jahilia" (Ignorance) marque la mort du poète Baâl qui s'opposait à la Soumission que le prophète Mahound a réussi à imposer.

Baâl a rejoint, dans sa clandestinité, un bordel et s'est marié à ses douze prostituées qui ont changé leur vrais noms pour porter chacune celui des femmes de Mahound.

Et c'est à ce moment là, que le personnage Salman le Perse se révolte contre l'autorité de ce prophète. Cette partie du récit a attisé les foudres des islamistes.

le récit s'achève sur le suicide Gibreel à Londres et le drame de la noyade des fidèles à "la prophétesse" Ayesha - Iznogoud-

Et le retour du fils indigne- Chamcha- auprès du père mourant à Bombay.

Les démons peuvent ils "s'angeliser"?

"Kan ma kan fi qadim azzamane"...

Ce fut ainsi, ce ne fut pas ainsi, dans les temps d'autrefois...

Un roman "modern'retro" délirant et enchanteur...Je dis ça,je dis rien et c'est pas rien de le dire...



J'ai une pensée pour Pascal:"L'homme n'est ni ange ni bête,mais le malheur a fait que celui qui veut faire l'ange,fait la bête."



NB:L'auteur dit avoir puisé son inspiration de "l'oeuvre majeure" de Laurance Sterne, "Vie et opinions de Shandy Tristam,le gentleman" publiée en 1776 en France,en 9 volumes.D'après wikipedia.Je ne connaissais pas,mais ça me semble très intéressant..

Merci à Ahasverus !





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Joseph Anton

« L’amour de la littérature était une chose impossible à expliquer à ses adversaires qui n’aimaient qu’un seul livre, dont le texte était immuable et fermé à toute interprétation puisque c’était de toute éternité l’œuvre de Dieu. »

Le 14 février 1989, tombait sur la tête de Salman Rushdie une fatwa, sentence mortifère émanant de l’ayatollah Khomeiny, alors président de la république islamique d’Iran. C’est le point de départ de cette autobiographie dense qui traverse dix ans d’une vie d’assignation à résidence pour Rushdie, éclairée par quelques échappées hors de son bocal, non sans peine et sans crainte.

Contraint de vivre en permanence entouré d’une garde de policiers de la Special Branch britannique, le célèbre auteur des Versets sataniques voit son existence familiale et professionnelle complètement chamboulée du jour au lendemain, interdit de séjour dans son pays d’origine, l’Inde, ostracisé par les citoyens de confession musulmane du monde entier, persona non grata de tout événement public et bloqué par la plupart des compagnies aériennes. Ce que raconte Rushdie est profondément choquant et bouleversant, et il le fait sans concession et avec grande ouverture.

J’ai d’abord été déroutée par la narration distanciée qu’il emploie, se livrant au lecteur à la troisième personne du singulier. « Il était un homme sans armée contraint de se battre en permanence sur plusieurs fronts. » L’appui et le soutien de ses éditeurs, de ses amis écrivains et de sa famille lui ont permis de résister à la tempête médiatique, et ce, malgré l’inertie et l’attentisme des politiciens au pouvoir à cette époque. Le récit n’est pas sans humour, le genre pince-sans-rire, et qui s’avère ici salutaire à la lecture, donnant un peu d’air frais au huis-clos littéraire.

Joseph Anton (son pseudonyme issu des prénoms de Joseph Conrad et d’Anton Tchékhov) offre plus de 700 pages de papier bible sur les méandres de l’imagination et de l’écriture, éloge de la littérature sous toutes ses formes et quête absolue de la liberté d’expression chère à tout artiste.

Salman Rushdie a déjà prouvé sa résilience et son courage et je souhaite qu’il en trouve encore à puiser en lui-même pour l’avenir de la littérature.



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Joseph Anton

Un livre étonnant. Je vous avertis, il est long. Sans doute, trop long. Mais si vous voulez comprendre ce qui se passe aujourd’hui avec la montée de l’intolérance religieuse, ce livre peut être intéressant. C’est un style très particulier puisqu’il s’agit d’un mélange de mémoire et de réflexions philosophiques. Salman Rushdie nous raconte sa vie suite à la fatwa qui a été lancée contre lui en tant que auteur des « Versets sataniques ». Je n’ai pas lu ce roman donc je n’ai pas d’avis sur le roman. Par contre ayant lu d’autres livres de Rushdie où la religion joue un rôle important, il me semble que son écriture est un moyen de dénoncer des positions extrémistes.



Dans tous les cas, je ne peux comprendre les fatwas, ni toutes ces manifestations de haine, ces menaces de morts. Comment une religion peut amener de tels débordements ? Cela restera un mystère pour moi.

Pour revenir à Joseph Anton, le titre fait référence au patronyme choisi par Salman Rushdie pendant toutes ces années passées caché. Il s’agit de la combinaison des deux prenoms de ses auteurs favoris Conrad et Chekhov

Plusieurs points sont intéressants dans ce roman / mémoire en dehors de la narration des évènements. J’ai aimé l’analyse de Rushdie sur la montée de l’intolérance religieuse et comment il est venu à la rédaction des versets sataniques. La narration de son enfance et de sa relation avec son père, la religion (sa famille est musulmane depuis plusieurs générations) et le racisme britannique est éclairante dans le sens où il connait la religion musulmane. Il est devenu athée mais il n’a pas de haine ni contre la religion, ni contre les Anglais. Son éclairage des relations géopolitiques et des relations avec les services secrets internationaux, non spécialisé et bien entendu d’un point de vue très personnel, permet de mieux comprendre les petites lâchetés et compromis pris pour faire des affaires as usual !!



Il raconte la guerre menée contre les libraires, éditeurs, traducteurs (assassinat du traducteur Japonais), et sa famille. Il narre comment la gauche ne va pas le soutenir alors que les conservateurs vont le faire. Tous pour des mauvaises raisons mais dans tous les cas il doit subir des critiques car il aurait cherché cet opprobre. C’est l’histoire de la lumière qui laisse la place à l’obscurantisme car il ne faut pas faire de vagues !

Par contre, ses déboires amoureux et familiaux sont lassants. Bien qu’il batte sa coulpe régulièrement et se reconnaisse certains torts, il est des pages où son attitude est vraiment limite et ses plaintes le rendent peu sympathiques.



En dehors de ce bémol, c’est un livre puissant, éclairant, à lire !



Pour ceux qui pensent qu’il ne faut pas faire de vagues : suite à la publication de Joseph Anton, la récompense promise à celui qui tuera Salman Rushdie a augmenté de 500 000 USD et est maintenant de 3,3 millions de dollars.



La première phrase « Afterwards, when the world was exploding around him and the lethal blackbirds were massing on the climbing frame in the school playground, he felt annoyed with himself for forgetting the name of the BBC reporter, a woman, who has told him that his old life was over and a new, darker existence was about to begin.”
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Quichotte

Quichotte est un représentant commercial qui adore la télévision depuis tout petit.

Il est amoureux d'une vedette du petit écran qui habite aux États-Unis alors Quichotte se lance dans une traversée de l’Amérique pour atteindre sa belle qu'il courtise déjà en lui envoyant régulièrement des lettres.

Dans son road trip, Quichotte est accompagné de son fils imaginaire, Sancho, qui a du mal, lui-même, à se situer par rapport à ce père qui l'a inventé et avec lequel il ne sait pas comment se comporter. Sancho, c'est un peu Pinocchio, d'ailleurs il a même Criquet, son compagnon.

Quichotte est un personnage inventé par un écrivain, DuChamp qui rapproche son personnage de celui du classique de Cervantes et qui prend régulièrement la parole pour nous parler de lui, de son enfance, de sa soeur.

Quichotte est un être un peu naïf mais amoureux et déterminé qui a du mal à distinguer le réel des émissions de télévision qui sont des références pour lui. A ce flou entre le réel et la réalité de Quichotte s'ajoute le flou entre l'œuvre et la vie de DuChamp.

Pour conter joliment cette histoire étrange, mêlant œuvre et vie de l’auteur (celle de DuChamp), il fallait la plume de Salman Rusdie. Les mises en scènes et les dialogues entre personnages réels ou imaginaires sont jubilatoires. Les arguments fusent pour que chacun défende sa réalité.

C’est un doux rêve que nous offre Salman Rusdie. Sa plume nous faisant passer du réel à la fiction, de l’oeuvre à la vie de l’auteur. Le tout avec un style imagé, de délicieuses tournures maîtrisées auxquelles s’ajoutent des touches subtiles d’humour.

Laissez-vous charmer par Quichotte. Il vous fera rire, vous serez indigné, il vous fera espérer, vous serez touché. Mais surtout, vous serez envouté par la plume de Salman Rushdie que vous savourerez et qui vous guidera par sa beauté.
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Joseph Anton

Le livre s'ouvre sur ce jour de la Saint-Valentin – en 1989 – où Salman Rushdie reçoit un appel téléphonique d'une journaliste lui annonçant que l'Ayatollah Khomeini venait de lancer contre lui une fatwa (décret religieux) suite à la publication de son dernier ouvrage, Les Versets sataniques. Les réactions vives de la communauté musulmanes ne se font pas attendre. Condamné à mort pour son irrespect envers le prophète Mahomet, l'écrivain est dans l'obligation de vivre caché durant de longues années. Sa tête mise à prix, la police britannique détache une équipe pour assurer sa protection au quotidien.

En accord avec le titre donné à son autobiographie – Joseph Anton, prénoms de Conrad et Tchekhov, nouvelle identité qu'il endossera pendant une dizaine d'années garantissant sa sécurité –, l'auteur s'exprime à la troisième personne. Une prise de distance nécessaire afin de narrer au mieux son histoire et qui fait de lui un personnage, une sorte de double.

Salman Rushdi revient sur ses origines, son enfance en Inde, sa famille, son départ pour l'Angleterre avec son père, ses brillantes études, ses premiers pas professionnels dans la publicité, et sa quête d'écriture, ses inspirations, son premier succès littéraire avec son livre Les enfants de Minuit. Extrêmement sincère, il évoque sans tabou l'ivrognerie de son père, les nombreuses femmes qui traversent sa vie, les maladies qui se déclarent autour de lui, ses angoisses, ses doutes, ses emportements... des détails qui alourdissent considérablement les propos et entraînent inévitablement l'ennui.

Il met en évidence les conséquences et la violence engendrée liées à la publication des Versets sataniques à travers le monde entier ; les assassinats de traducteurs et d'éditeurs et attentats perpétués dans les librairies, sa rencontre et le soutien d'écrivains, d'artistes et de hauts dignitaires de nationalités différentes, la difficulté de voir son fils Zafar, les changements de domicile fréquents, l'effroyable impression de se sentir prisonnier, ses relations avec les policiers qui le surveillent nuit et jour, son rapport à l'écriture, sa vie amoureuse durant cette période... Le lecteur chemine avec lui sur ce parcours tortueux de 1989 à 2001.

Une autobiographie foisonnante remplie d'anecdotes de tout ordre (des plus légères aux plus bouleversantes), de lieux, de situations, de personnes connus et moins connus, d'intime, d'universel... Dans ce livre, Salman Rushdie se livre tout entier père, fils, amant, écrivain, apostat, athéiste, immigré. Un témoignage essentiel pour la liberté d'expression.

J'avoue que Joseph Anton m'est tombé des mains à plusieurs reprises au cours de ma lecture. La profusion de détails et de noms, des passages longs et ennuyeux, ma méconnaissance de l'oeuvre littéraire de Salman Rushdie ont entraîné de nombreux sauts de pages.


Lien : http://lesmotsdelafin.wordpr..
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Le Couteau : Réflexions suite à une tentative d..

Je n’ai pas lu Les Versets sataniques, tout comme ne l'a pas lu non plus celui qui a tenté d’assassiner Salman Rushdie, un américain de 24 ans.



33 ans après la sortie de ce livre -qui a entraîné à sa sortie manifestations, autodafés, condamnations de la part de certaines personnalités (l’ancien président Jimmy Carter ou l’écrivain Roald Dahl par exemple) mais surtout une fatwa contre lui- alors que l’écrivain est sur scène pour intervenir lors d’une conférence à Chautauqua, il est poignardé à de multiples reprises et laissé quasi pour mort.



Parce qu’il ne pouvait pas faire autrement qu’écrire sur cette tentative d’assassinat, est né Le couteau



Le couteau, celui utilisé par son meurtrier. Le couteau peut-être aussi pour dire que lui aussi à une arme, les mots et que le livre est, si ce n’est un droit de réponse, une façon de reprendre le contrôle sur le cours des choses.De ce moment où sans voir pour autant la fameuse lumière, il a pensé qu’il était en train de mourir (avec une tristesse liée au fait que ses proches n’étaient pas là) au retour à la vie publique dans une soirée avec d’autres écrivains en passant par toutes les étapes physiques et morales vécues, Salman Rushdie nous livre ses réflexions.



Si le second chapitre est consacrée à sa femme actuelle, la poétesse et romancière Eliza Griffith, ce n’est pas seulement pour nous raconter leur rencontre assez romanesque mais parce que l’écrivain, face à cette haine que quelques pages des Versets sataniques ont provoqué, ce qui l’a sauvé, selon lui, est l’amour. L’amour de sa femme, celui de ses proches (famille).



Sur les motivations de l’acte de celui qu’il appelle « le A. », Salman Rushdie ne s’attarde pas réellement mais il consacre tout un chapitre à des conversations imaginaires avec son assassin où il l’interroge tout de même sur le pourquoi de son acte, sur les notions de vérité et d’ennemi.



Avec une plume d’une clarté impeccable, un sens de l’humour toujours présent, Salman Rushdie réaffirme de manière aussi percutante que bouleversante le rôle des écrivains face au fanatisme. Magnifique.
Lien : http://www.baz-art.org/2024/..
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Les versets sataniques

J’ai rarement été autant dérouté, perdu, largué, frustré par un livre 



Je crois bien que c’est la première fois que ça m’arrive mais d’une part je n’ai globalement rien compris et d’autre part je n’ai pris aucun plaisir de lecture !



Je voulais lire quelque chose de cet auteur qui, tout de même, est reconnu sur le plan international comme l’un des grands écrivains contemporains et si j’ai choisi « les versets sataniques », c’était pour essayer de comprendre pourquoi cet auteur a déchaîné la colère du monde musulman et pour quelles raisons l’ayatollah Khomeini a lancé une fatwa à son encontre.



J’ai d’ailleurs été surpris de le trouver en librairie, format poche. Je pensais que la fatwa avait eu raison de toute nouvelle réédition de ce livre



J’ai senti dès le début que ça n’allait pas le faire : complètement largué, je ne comprenais rien de ce que je lisais. En temps normal, on arrête les frais et on passe à autre chose ! C’est probablement stupide mais je m’étais dit que j’irai jusqu’au bout : 750 pages tout de même. Alors quand on voit passer les chapitres (9) et qu’on est à la ramasse, c’est dur. C’est une souffrance et de l’agacement que je me suis infligé pour pas grand-chose car, maintenant que je suis allé jusqu’au bout de ce livre, je n’en retiendrai rien.



Mes 2 étoiles sont anecdotiques. On a tout de même affaire à une pointure internationale ! Mieux vaut rester humble et ne pas rejeter un livre parce qu’on n’a pas pu rentrer dans l’univers de l’auteur. Néanmoins je m’interroge : quel intérêt y-a-t-il pour un auteur d’écrire un livre illisible pour le commun des mortels ?



Je considère que ce livre n’est accessible que pour celles et ceux qui veulent faire des études poussées en théologie. Dans ce domaine, les connaissances personnelles de Salman Rushdie sont énormes. Il est le fruit de la culture indienne dans laquelle cohabitent de nombreuses religions dont l’islam.



L’histoire est tellement tarabiscotée que je serai incapable d’en faire un résumé personnel. Je suis allé voir Wikipédia à de nombreuses reprises histoire de raccrocher les wagons, d’essayer de comprendre le pourquoi du comment. Alors si vous voulez vous faire une idée du contenu de ce roman, allez jeter un œil sur Wikipédia.



L’autre complexité de ce roman, c’est le style assez indigeste, parfois de longues phrases, parfois des phrases sans ponctuation, des mots qui se touchent sans espace entre chaque mot, une pluie de noms indiens à en perdre son sens cartésien, bref, c’est chaud !



Pour terminer, je ne résiste pas à vous livrer un passage de ce roman, histoire de vous donner une idée du style. J’espère que vous compatirez à ma frustration ! Attention, j’ai respecté le graphisme tel quel.



« Si les effets spéciaux – la transparence, etc – ne marchaient pas, et que la silhouette du type qui volait était soulignée d’une frange bleue, comment en accuser l’acteur ? Delamêmefaçon, si son angélité était insuffisante, à qui la faute, s’il vous plaît ? La sienne, personnellement, ou celle de quelque autre Personnage ? - Des enfants jouaient dans le jardin de ses doutes, parmi les nuages de moucherons et les rosiers et le désespoir. Un deux trois soleil, ghostbuster, chat. Ellehœenne Déèreheuesse, Londres. La chute des anges, se dit Gibreel, n’était pas du même tonneau que la Chute de la Femme et de l’Homme. Dans le cas des humains, il s’agissait de morale. Du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal dont ils ne devaient pas manger, et qu’ils mangèrent quand même. La femme tout d’abord, et, sur sa suggestion, l’homme, acquirent les modèles éthiques verboten, parfumés à la pomme : le serpent leur apporta un système de valeurs. Leur permettant, entre autres choses, de porter un jugement sur la Déité Elle-même, rendant possibles en temps voulu toutes les questions maladroites : pourquoi le mal ? Pourquoi la souffrance ? Pourquoi la mort ? - Alors dehors ! Il ne voulait pas que Ses jolies petites créatures s’élèvent au-dessus de leur statut.



Vous comprenez ? 750 pages du même acabit ou presque !!!

Bon courage !
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Les enfants de minuit

Je ne connaissais absolument pas le style de Salman Rushdie avant d'attaquer ce roman, que j'ai choisi un peu par hasard mais également sur ses excellentes notes. Quelle surprise et quelle claque ! Je ne m'attendais pas du tout à cela. Un roman-récit délirant, foisonnant, luxuriant, décalé, iconoclaste... la liste de qualificatifs pourrait s'allonger encore, mais un récit pourtant parfaitement maîtrisé dans sa construction, dans ses obsessions, dans sa logique bancale sans faille et sa langue incroyable. J'ai pensé à beaucoup de livres dont la lecture m'avait également frappé, sans qu'ils aient pour autant de point commun avec celui-ci, hormis peut-être ce côté inclassable, cette grande tendresse pour le genre humain, inévitablement mélée d'une salutaire et jubilatoire méchanceté. Une de ces expériences de lecture qui nous font nous demander si toutes nos autres lectures, depuis la méthode Boscher, n'avaient finalement pour but que de nous amener, et peut-être nous préparer à celle-ci, pour autant qu'il soit possible de s'y préparer. Certainement un de mes coups de coeur de l'année.
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Les versets sataniques

Un jumbo jet (Bostan AI-420) explose en plein ciel (pour l’anecdote : fait divers réel datant de 1985 …) pendant que deux des passagers, des acteurs indiens : Gibreel Farishta et Saladin Chamcha (ou plutôt un acteur et un chanteur, aussi différents l’un de l’autre que le sont le jour et la nuit …) tombent sans la moindre protection (ni parachute, ni gilet de sauvetage, ni masque à oxygène …) vers une plage enneigée d’Angleterre. Une chute qui va – à coup sûr – les aplatir au sol comme deux chapatis !



Premier « miracle » : les deux comparses vont inexplicablement survivre à cette vertigineuse dégringolade (non sans avoir eu le temps de cogiter sur leur périlleuse situation …) : voilà comment débute cet improbable récit de notre ami indien, Salman Rushdie, écrivain aussi facétieux que brillant !



Dès lors, nous allons suivre les pérégrinations passées et à venir des deux compères, à travers les époques et les références religieuses – ou non – (le malheureux Gibreel Farishta a un sommeil très « perturbé » : il est constamment poursuivi par des rêves énigmatiques, voire des cauchemars qui le hantent …) Une narration emplie d’humour, de causticité et de dérision. Des récits tout en symboles et paraboles qui nous échappent parfois. Un voyage religieux, philosophique et politique entre l’Inde, l’Iran et la Grande-Bretagne …



Si vous lisez ce roman dans le but de découvrir de « légitimes » (?!…) raisons, qui auraient pu être la cause directe de l’acharnement d’un grand imbécile (dont je ne citerai pas le nom : tout le monde connait ce triste sire …) qui a réclamé à d’autres sombres crétins « la tête » de l’auteur des « Versets Sataniques » il y a plus de trente ans, sous prétexte d’irrespect envers le prophète (mais surtout d’atteinte à sa propre image …) : vous risquez fort d’être déçus ! À moins d’être un spécialiste des dérives sectaires ou « Docteur ès intégrisme » vous avez peu de chance d’y parvenir …



Si vous le lisez – juste pour le plaisir de l’intrigue loufoque – le style enlevé et l’écriture tonique ou encore les incroyables « espiègleries » des nombreux protagonistes, (le tout basé sur des évènements véritablement survenus ou des contes religieux) alors vous passerez un très bon moment avec Gibreel Farishta et Saladin Chamcha. Tel fut mon cas et je ressors de ce texte quelque peu perplexe mais heureuse d’être arrivée à mes fins ! Je vais à présent prendre un peu de repos avec un livre moins « cérébral » !
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Quichotte

Après la tentative de meurtre sur Salman Rushdie, tentative de réduire à néant la liberté d’expression, de création, j’ai voulu -seule chose que je pouvais faire- le relire.

Mon choix s’est porté sur Quichotte, le seul que je ne possédais pas et n’avais pas encore lu. Fort heureusement, il en restait quelques exemplaires sur un site bien célèbre.



Je n’avais pas encore lu le livre, ne sachant pas à quoi m’attendre, après tout il n’y a qu’un seul Quichotte !

En cours de lecture je me suis fait la réflexion que j’avais des aprioris sur un livre que je n’avais pas lu… Décidément pauvre Rushdie !

J’ai vraiment adoré cette lecture. Folle, ébouriffante, drôle (très drôle !). Tout y passe. Les illusions de la télé réalité, la perte de sens entre réel et fiction, les réseaux sociaux, l’Amérique de Trump, le racisme et le rejet de l’autre.



À travers la (triste) figure de Quichotte, Rushdie nous entraîne dans un Road Trip à la Thelma et Louise sur les routes américaines de la société actuelle. Entre fictions (Ionesco, Orwell, Pinocchio…) et réalité, on voit une société de délabrer, arrêter de penser, confondre le faux et le vrai en étant abreuvée de fake News.



J’ai ressenti, étonnement, ce que j’avais ressenti lors de ma lecture de Don Quichotte. Le même sentiment d’être embarqué dans un périple fou, un attachement aux personnages, une forme d’angoisse et d’amusement. Rushdie a su recréer l’univers de Don Quichotte à la sauce moderne, tout en gardant son style à lui (réalisme magique, humour…). Un grand roman psychotique, halluciné, bariolé, jubilatoire ! Plus le livre avance, plus on a l’impression de basculer dans la folie. Tout ce qui est faux est vrai et ce qui n’existe pas est la réalité. Du moment que ça brille !



Vraiment un grand livre de Rushdie. Je regrette de l’avoir jugé avant de l’avoir lu !

Au total, un de ses meilleurs romans. Je lui souhaite de pouvoir continuer d’écrire le plus longtemps possible, de vivre, de résister.
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Deux Ans, Huit Mois et Vingt-Huit Nuits

Salman Rushdie surprend une nouvelle fois avec un roman singulier, tempétueux, drôle et érudit. Comme souvent, il scrute notre société en y mêlant histoire et contes fantastiques. Les 1001 nuits servent ici de trame et de décors pour mieux renverser les perspectives sur nos croyances, nos certitudes, notre vision du bien et du mal.

Dans son autobiographie Joseph Anton, l'auteur expliquait que son père avait choisi son patronyme en hommage à Averroès, dont le nom arabe est Ibn Rushd. C'est donc tout naturellement qu'il fait partir son histoire de la dialectique qui opposait ce philosophe érudit, défenseur des sciences profanes, à Al Ghazali, mystique dogmatique. De cette lutte philosophique naîtra toute une guerre entre les djinns blancs et les djinns obscurs avec la terre comme champ de bataille et les humains comme marionnettes de ces combats qui les dépassent.

Par son érudition, sa folie, son humour, Rushdie nous emmène très loin sur son tapis volant, au pays des rêveurs et des conteurs.

C'est un roman "fantastique" dans tous les sens du terme.
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Joseph Anton

"Joseph Anton, une autobiographie" est un grand et magnifique livre dont la traduction du titre commençait par une erreur : le traducteur comprend de travers le sous-titre original,, "a memoir", un mémoire (des Mémoires), non une autobiographie. Les mémoires (le traducteur ignore que le mot est masculin en français) sont un genre particulier, où le mémorialiste raconte, au détriment de sa vie privée, les effets sur lui de la grande histoire, celle des hommes et des sociétés . Il peut certes y parler de sa vie personnelle, voire intime, mais l'objectif n'est pas la confession subjective, parfois pleurnicharde, ni l'appel au voyeurisme du lecteur. Ce parti-pris de dignité se voit dès le début, puisque l'auteur emploie la troisième personne, comme César, et non la première. Ce choix grammatical n'est pas seulement une affaire de dignité, il a une résonance dans l'histoire elle-même, puisque l'auteur est dépossédé de son nom, devenu insulte, pancarte brandie, objet de haine et de meurtre rituel ("Rushdie") et doit vivre une semi-vie protégée de prisonnier ou de gardé à vue sous le nom de Joseph Anton, dont il signale sans regret le "décès" dès que les menaces des musulmans se calment. Ce dédoublement aliénant est le fond du livre, qui raconte comment Salman Rushdie reconquiert son droit de vivre sur terre que "Joseph Anton" lui déniait.





Une autre beauté, un autre intérêt de ce beau livre, sont d'ordre sociologique et politique. Salman Rushdie est membre de cette frange de la bourgeoisie anglo-indienne, extrêmement cultivée et à l'aise partout dans le monde, qui adopte pour marqueur socio-culturel des opinions politiques d'extrême-gauche. Le livre est une galerie de grandes figures de l'intelligentsia politique, intellectuelle, artistique, des pouvoirs de la gauche, de Tony Blair ou Mandela à Harold Pinter ou Vaclav Havel, et bien d'autres grands noms politiquement corrects. Nous lisons bien un livre de mémoires : Saint-Simon nous faisait voir les Grands à Versailles, et Rushdie, de même, fréquente les grands des années 1980-2000, entre Londres, New-York et Hollywood. C'est dire qu'avant l'affaire des Versets Sataniques, l'auteur était à la pointe du combat pour "les damnés de la terre", immigrés musulmans d'Angleterre par exemple. Lui-même se définit comme un "immigré", d'ailleurs. Et c'est eux, à l'instigation de l'Iran (où une révolution au nom des damnés de la terre a eu lieu) qui vont le menacer de mort pendant de longues années. Il comprend, dit-il, la mauvaise grâce avec laquelle le gouvernement Thatcher ("de droite") le protège, mais il est assez honnête pour voir et découvrir qu'une large partie de cette gauche internationale, politicienne ou intellectuelle qui est sa patrie idéologique, lui donne tort, donne raison à l'islam "des déshérités" et le voit comme un bourgeois oppresseur. Cela conduit cet auteur tiers-mondiste gauchiste à faire l'éloge de ... l'Amérique, patrie de la liberté, et à compatir avec elle aux attentats du 11 septembre, en de très belles pages finales du livre.





Enfin, ces mémoires sont une réflexion sur la littérature et sur la liberté d'expression. Ceci devrait intéresser le lecteur français de 2016, qui aura milité pour la liberté d'expression de ceux qui ont la parole (Charlie et autres) et qui aura vu les derniers attentats musulmans en date. C'est dans sa réflexion sur la littérature que le gauchisme de Rushdie subit sa plus profonde transformation : il saisit la valeur humaine de la littérature, il parle d'elle en humaniste (l'humanisme est l'ennemi n°1 de toute la gauche néo-marxiste), en termes merveilleux qui font écho à ceux de son ami Milan Kundera, romancier victime du communisme dont les essais exaltent la liberté de l'imagination et le droit de blasphémer.





Enfin, la lecture de ce livre est à conseiller à toute personne qui veut en savoir plus sur les mécanismes de peur de l'islam à l'oeuvre dans nos pays et dans nos esprits. Cette peur, Rushdie la déchiffre en particulier dans les comportements et dans le vocabulaire que les médias, vecteurs principaux de la peur, nous imposent : les mots "respect", "islamophobie" ou "colère", en particulier, avec d'autres éléments de langage, font l'objet de remarques éclairantes.





Il y a encore une infinité de bonnes raisons de lire ce livre, dont la qualité littéraire et la profondeur d'écriture survivent bon an mal an à la traduction. J'ai insisté sur les aspects socio-politiques de ces Mémoires, au détriment d'autres facettes. Je suis habituellement opposé aux trop longues critiques, paraphrases et étalages, mais je crains d'avoir été trop long moi-même.
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Les versets sataniques

Est-ce l'ambiguïté qui a tant choqué? Est-ce le doute constant qui plane sur ce roman? Où est le bien? Où est le mal? L'ange est-il démon? Est-ce le contraire? Qu'est-ce qui est réel? Qu'est-ce qui est cinéma? De multiples récits s'entremêlent et se rencontrent, à travers Gibreel et Saladin, hommes tombés du ciel qui se prennent pour des anges ou des démons, qui se transforment (ou pas...), puis redeviennent humains, trop humains. Les putains de La Mecque singent les femmes du prophète pour un poète. Une femme-papillon entraîne un village à suite pour une marche illusoire. Une alpiniste aux pieds plats rencontre ses fantômes au sommet de l'Everest. Une vieille dame revit son épopée argentine. Un producteur de cinéma bégaie. Un faux meutrier de petites vieilles est arrêté. Tout cela, et tout le reste, oscille entre rêve, réalité et surnaturel, dans une folie où le fantastique religieux se démystifie, où les humains changent sans cesse, où l'Orient et l'Occident se combattent dans l'esprit habité ou défait des personnages. Y a-t-il un sens à ce fatras? La condamnation semble répondre non. Le lecteur, comme l'auteur peut-être, reste dans le doute.

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Le Couteau : Réflexions suite à une tentative d..

Je n'ai lu "le" roman sur bien après sa sortie, quand, naïvement, je pensais - et Rushdie lui-même- que la violence, la polémique et l'angoisse semblaient éteintes. Je l'avais jugé pour ses qualités littéraires, pas pour ce qu'il représentait, l'ayant trouvé un peu long et inégal, sans percevoir d'ailleurs ce en quoi il avait pu être interprété comme subversif. Bref, j'avais lu un roman, je l'avais jugé comme ainsi, pour l'histoire, le style, les personnages

Et puis... Il y a eu ce douze août, l'attentat, le couteau - et "A", celui qui le tenait, mais qui ne mérite pas d'être considéré. Il n'a pas de nom, car il ne mérite pas de devenir un personnage, il ne mérite pas d'être dans le roman - ou l'autobiographie, ou l'essai... qu'importe - qu'a écrit Rushdie, celui-là même que l'on est en train de lire, dans une démarche quasiment proustienne.

Le couteau donne son titre au livre, non l'assassin, parce que, lui, est érigé en personnage du livre, il est plus réel et matériel que cet homme sans identité, sans humanité - Rushdie l'appelle aussi "l'âne", qui n'est réduit qu'à être le figurant imaginaire d'un dialogue dans la tête de Rushdie, enfermé dans son esprit comme dans sa prison. Ce couteau renvoie à d'autres dans l'histoire, la mythologie ou la littérature, dans les mains d'autres assassins prétendant agir par idéologie. Ayant été atteint corporellement, Rushdie raconte donc longuement ses souffrances physiques et sa lente reconstruction, sans pudeur mais sans pathos, cliniquement mais avec de l'humour parfois.

L’œil aurait aussi être cité dans le titre, l’œil de Rushdie devenant un personnage également. Cet œil perdu symbolise lui seul l'attaque et ses séquelles - voire, pour certains fanatiques, la e caractère diabolique de Rushdie. Mais c'est l’œil de l'écrivain, celui qu'il pose sur le monde sur les hommes, sur ses personnages. Comment écrire donc s'il ne peut plus observer ses semblables ?

Tout le livre est une réponse, et une victoire. Une victoire sur la mort : Rushdie a survécu. Et une victoire sur le fanatisme et l'ignorance qui voulaient le faire taire : il écrit et publie à nouveau, et c'est son héroïsme.

Rushdie écrit sur la vie et ses plaisirs physiques : contempler un lever de lune sur un lac, manger au restaurant, boire, profiter de ses amis, sur la famille - son fils qui le rejoint, sa petite-fille qu'il rencontre à sa naissance, sur l'amour. Le texte est une déclaration d'amour a sa femme, qui commence par une rencontre digne d'une comédie romantique, et qui l'assiste "pour le meilleur et pour le pire".

Cela pourrait être un essai fastidieux sur le fanatisme, c'est un conte de fée qu'on lit, avec certes son méchant, mais aussi ses bonnes fées - les docteurs et infirmières, sa princesse et sa fin qui pourrait être "et ils vécurent heureux, très longtemps".

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