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4.22/5 (sur 23 notes)

Nationalité : Belgique
Né(e) à : Liège
Biographie :

Fabrice Schurmans, originaire de Liège, est chercheur précaire au Centre d’Études Sociales de l’Université de Coimbra. Ses recherches portent sur les littératures francophones contemporaines, les théories postcoloniales et le théâtre. Il a traduit des dramaturges portugais du XXe siècle, a publié deux livres, des articles (disponibles sur academia.edu et Researchgate) ainsi que des nouvelles dans des revues.

Source : Novelliste
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
La situation dans laquelle l'humanité se trouve aujourd'hui n'est que le résultat de presque deux siècles de choix centrés sur l'individu. C'est d'ailleurs toujours comme cela qu'elle fonctionne actuellement : après la crise de l'énergie, la montée des eaux et le blackout télécom, plus que jamais, c'est la loi du chacun pour soi qui régit le monde.
-Mère promise- par Simon Jeanmart- p46-
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J'entasse les algues mortes au pied du lampadaire. Un ramasseur s'occupera de venir les récolter d'ici moins d'une heure. Il les emportera aux dépôts de la recyclerie, où elles seront brûlées, transformées, et viendront nourrir les générateurs de la Ville. En fin de cycle, les cendres deviennent la poudreuse qui allume nos lampadaires de bord de mer. Et si, par la suite, la fumée des dépôts brûle la gorge de ceux qui y travaillent, si les algues se vengent une dernière fois des hommes en leur volant leur voix, c'est le prix à payer pour l'électricité dans la cité.

Chanteur d'Océan-Nina JACOBSON- p93-
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Que reste-t-il de l'art quand tout est fini ?
Jouir de Guernica pour soi seul ne tient-il pas de l'absurde, du geste inutile ?
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Tu te rappelles ce que j'ai écrit ? Que pour bâtir, il faut d'abord détruire tout ce que l'on connaît ? Je crois que cette idée me fait de moins en moins peur. Peut-être que détruire devient inévitable en grandissant.
Juste Phi- Je déteste le bleu- p65-
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Le café est froid, la pièce blafarde et la feuille blanche. L’avocat m’a dit de prendre mon temps. De tout raconter. Les illusions, les coups, la chute. Ecrire me convient même si, jusqu’à présent, je n’ai publié que des articles et des essais. Marquants pour quelques-uns, qui m’ont valu une certaine reconnaissance. Parler de moi, des autres, des monstres, me paraît un exercice plus complexe. En principe, l’histoire devrait couler de source, mais s’improvise-t-on écrivain ? Il faudrait peut-être que je sorte de mes gonds. Que je déborde. Me trouve un style, classique ou flamboyant, voire un mélange des deux, au risque de me prendre les pieds dans la syntaxe. Dans la vie, je fais partie de ceux qui trébuchent, s’étalent, se redressent. Et repartent pour un tour. C’est pour cela que j’ai pris le train de l’espoir à Bruxelles-Nord. Ce jour-là, je n’ai pas vu les pauvres types tendant la main. J’avais des circonstances atténuantes : Paris n’attendait que son petit Belge.
Quand j’ai débarqué au Centre de recherches pluridisciplinaires en sciences sociales, je me suis dit que l’Olympe s’ouvrait à moi. On y travaillait un peu pour soi et beaucoup pour le monde. En théorie, pour le Sud. Contre le Nord capitaliste, colonial, patriarcal. Le couplet est connu. En pratique, on rabat de la matière pour le sommet de la pyramide. C’est-à-dire que si vous lisez une histoire de l’Afrique en plusieurs volumes, vos résumés ne vous appartiennent plus. Même chose pour le charbon : les entretiens et les archives que les Sans-grades débroussaillent au profit des gradés. La noblesse vampirise la matière brute, pompe jusqu’à plus soif, siphonne les disques durs et les clés USB. Le prolétaire de la recherche s’échine sans posséder son outil et le capital de la caste dominante gonfle à mesure que s’épuise le premier. Les embauches à durée très limitée, six mois, un an maximum, autorisent la ponction en continu. Les gueux partent, leurs notes restent.
Le statut aurait dû m’alerter. Boursier. Pas de contrat. Pas de sécu. La patronne a dit « c’est mieux pour toi. Ça te fera plus à la fin du mois ». Cela permet surtout au Centre d’équilibrer les comptes. Les cotisations en moins dans une colonne entraînent un solde positif dans l’autre. Dans ce monde-là, le langage signifie autrement que dans la vie de tous les jours. Le directeur adjoint a dit « les charges sociales et patronales sont élevées dans ce pays ». Je comprenais, n’est-ce pas ? Dans un monde idéal, si un type parlait de « charges » au lieu de « cotisations », une alarme s’enclencherait qui avertirait le candidat d’un risque potentiel. Dans un Centre de recherche en sciences sociales, où les monstres critiquent le capitalisme et le libéralisme à pleines pages académiques, on se berce d’illusions, les mots glissent et le néophyte signe ce que l’on appelle à tort un contrat. C’est à ce moment-là que tu glisses aussi, dérapes, mets un stylo-bille dans l’engrenage.
J’étais cuit. Chercheur en postdoctorat. Boursier postdoctoral. Postdoctoral Researcher. Au bas de l’échelle. J’allais entreprendre un long voyage, grimper en compagnie des meilleurs. Atteindre les sommets de la chaîne académique. Sauf que dans ladite chaîne, les sherpas se coltinent le matériel tandis que les alpinistes plantent leur drapeau au terme d’une ascension à la fois complexe et linéaire. L’histoire se souvient des seconds au détriment des premiers. Or, sans les petites mains, la cordée des sous-fifres, les porteurs de serviettes, il y aurait beaucoup moins de monde sur les cimes maculées de la recherche.
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Pearl avait décroché un financement européen pour un projet portant sur les représentations artistiques et littéraires de la colonisation. Decolonisation Identity Arts and Memories. DIAM’S. Un acronyme aguichant. Un truc qui scintille, appâte les costumes deux pièces de Bruxelles. La recherche tente de se vendre, donc elle se farde avec les moyens du board. Une proposition en béton, trois ou quatre concepts-clés scandant le texte. Un soundbite qui s’ancrera dans l’inconscient du jury. Des paragraphes courts, des mots en bold, des références à la pelle. Pas lues, mal lues, ou lues à travers les recensions d’autrui ? Aucune importance. Qu’importe le flacon pourvu qu’on ramasse le pognon.
Une Consolidator Grant en l’occurrence. Une sacrée bourse, en effet. Plus de deux millions de boules afin d’étudier la façon dont romans, récit, films, bandes dessinées transmettent la mémoire du colonial selon une perspective comparée. Sur le papier, une trentaine de pages A4 en anglais de Brussels Senior Official, le truc possède une certaine gueule. Au terme d’un lustre, on saurait comment et pourquoi à partir de la Belgique, de la France et du Portugal, des hommes et des femmes transforment en oeuvres une histoire de larmes et de sang. Vous imaginez la hauteur de la barre avec un machin pareil. Margaux Pearl glatissait à tout va.
– Un projet d’excellence ! L’European Research Council nous confie deux millions, c’est une responsabilité qui nous honore et dont nous rendrons compte…
Pas de doute là-dessus. Quand une institution publique vous confie deux briques, elle attend un retour sur investissement. Dans le milieu, ça s’appelle des Outputs. Vous y fourrez les ingrédients habituels – articles scientifiques, chapitres, recensions, communications, entretiens à la radio et à la télé -, vous ficelez le tout dans des rapports intermédiaires et un rapport final, avec le nom de la chercheuse responsable cité trois fois par page et vous atteignez l’immortalité académique. La voie royale vers un nouveau projet à presque trois millions. La colonisation reste un « putain de filon ! » – j’emprunte l’expression à un professeur reconnu. Un beau boulot de marketing. Pas d’arêtes ni d’aspérités. Que du positif, de l’excellence, des retombées pour la société. Faut que l’ensemble ait de l’allure. Donc ça maquille à tour de bras. À l’instar de la Camorra tripotant la comptabilité des entreprises-écrans. Les services habilités n’y verront que du feu. Un truc parmi d’autres : vous vous rendez compte que le nombre d’articles scientifiques n’atteint pas le niveau annoncé au préalable. Eh bien, il suffit de créer une Lettre d’information, que vous prendrez soin de dénommer News Letter, d’inviter des spécialistes et des collègues à pondre six mille signes à la quinzaine et de transformer ceux-ci en articles. Ça marche d’autant mieux que parmi les évaluateurs des rapports, il est probable de retrouver l’un ou l’autre des contributeurs invités. De la verroterie fourguée au prix de l’émeraude. L’important, c’est que ça chatoie. Irradie. Éblouisse. Le serpent se mord la queue.
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Ils firent l’amour sans un mot, dans la nuit et la chaleur de leurs camarades épuisés avec l’énergie de ceux qui ne connaîtront pas de lendemains heureux. A plusieurs reprises, le train changea de ligne et ni Fernand, ni Lucìa ne savaient plus où ils se trouvaient. Il s’agissait d’une expérience neuve, excitante, pleine de possibilités. Se battrait-on du côté de Madrid ou en Catalogne ? Au moment où épuisés, les corps sombrèrent dans le sommeil, bercés par la douce musique du rail, cela n’avait aucune importance. Il n’y avait plus là que de magnifiques vaincus.
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– Marie-Gertrude, as-tu mal quelque part ?
– Partout, docteur, m’entends-je dire d’une voix faible. Ce corps brûle…
– Mon corps, répond-il en insistant sur « Mon », il faut dire « Mon » quand on parle de son propre corps. Comprends-tu ?
Ensuite, il tourne la tête vers l’uniforme kaki pour ajouter deux phrases qui me transpercent. Surtout « Elle est à vous ».
– Ils ont encore des problèmes avec la grammaire, mais avec le temps, nous en tirerons quelque chose. Elle est à vous, Édouard.
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L’ivresse des débuts m’a saisi dès les colonnes de l’entrée, les murs dégoulinant d’Histoire et de grands noms, l’odeur des boiseries et des vieux vernis. Originaire de Bruxelles, Paris-sur-Mythes pourrissait mes rêveries. Rispa, Pantruche, la ville-monde où s’encraient bien des destinées. Aujourd’hui le mirage s’est dissipé, aussi évanescent qu’une volute. Les fumeurs ont de la chance. Une image violente les avertit du danger encouru. Dommage que le billet de train ne comporte pas une annonce similaire. «Prenez garde ! Paris peut vous consommer. La ville-monstre engloutit les ingénus. » On débarquerait Gare du Nord un flingue à la main, mieux disposé à négocier la transition du rêve à la réalité.
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Derrière lui, on referma la porte coulissante, celant l'étreinte, les mots échangés, les silences. Et la porte prit la forme d'une parenthèse. Et cette parenthèse s'éloigna, puis disparut au sortir d'une courbe.
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