Là on est vraiment en immersion, rien à voir avec les séjours de
Johnny Hallyday aux Antilles, univers surfait où on passe carrément à côté de ces valeurs locales et typiques.
Pour qui n'a pas connu cette ambiance locale au temps de la colonie ou même au temps qui lui a succédé, il me paraît difficile voire présomptueux d'apprécier toute la dimension d'une fraîcheur exquise de ce chef d'oeuvre que l'on doit à
Joseph Zobel, homme du cru et écrivain martiniquais. Pourquoi cela, parce que tout ne peut pas relever d'un monde imaginaire pour le lecteur novice si on n'a pas un peu trempé dans le ti-pays. Il faut se mettre à l'heure antillaise, et vivre au champ quand la journée est au travail, et à danser quand l'heure est à l'amusement, etc, et surtout etc quand on laisse sa plume sans évoquer le plaîsir de tuer le cochon ou d'aller pêcher la langouste et tout ce qui s'ensuit comme cette sauce chien qui fera la différence, sans oublier le décollage..
Il faut bien sûr être introduit et se faire connaître. Pourquoi pas sous la peau d'un loup de Ramaioli auteur de l'Indien français, pour mieux accéder aux secrets de l'âme antillaise, mais sûrement faire un grand pas de soi franchement vers son endroit.
Joseph Zabel né en 15 à Riviere-Salée au sud de la Martinique. Il est un élève brillant, élevé dans son enfance par sa grand-mère , ouvrière agricole dans une des riches plantations coloniales. Devenu grand, il rejoint sa mère à Fort-de-France, les ressources vont vite manquer pour qu'il entreprenne des études supérieures. Par défaut, outre l'enseignement, il deviendra écrivain.
Dans
la rue Cases-Négres, son deuxième roman, il se raconte chez sa grand-mère d'une truculence inouïe, dans les terres riches de la Martinique, pleines de cannes à sucre, entre les Trois Îlets qui rappellent Joséphine et le rocher du Diamant qui rappelle l'anglais, nous sommes au sortir de l'esclavage où la vie dans les anciennes cases est encore active. le pas vers la liberté est résolument entr'ouvert, mais le passé colonial est encore bien présent .. Si vous traversiez par là encore dans les années 70, empruntiez ces routes intérieures qui sentaient la canne, il n'était pas rare de voir des cannes au sol qui tombaient des chargements. . Aujourd'hui ça ne risque pas avec ces camions haut perchés sur roue qui filent comme des zombies vers les distilleries exploitées de père en fils par les békés. Eh oui, toujours ! Il arrive qu'au cours de leur histoire ancienne ces distilleries ont changé de nom pour divers prétextes, mais il y a toujours la légende d'un patriarche à l'origine qui prévaut encore par rémanence aux destinées de ces hauts lieux respirant non pas que le rhum, mais une main de fer à la Tatcher. C'est toujours impressionnant, on se sent basculer au temps de la colonie avec ses valeurs paradoxales .. l'effet du rhum de dégustation cette fois y est certainement pour quelque chose !..
« Quand la journée avait été sans incident ni malheur, le soir arrivait, souriant de tendresse.. »
Ne doutons pas que
Joseph Zobel est un conteur, c'est ostensiblement visible dès qu'on aborde son oeuvre ; son heure de gloire n'est pas encore arrivée, mais elle aura lieu, et aujourd'hui pas moins, Joseph fait figure de monument de la littérature antillaise, comme Roumain à Haïti.
Personnellement je le range aux Antilles, ce qu'est Jakes Helias pour la Bretagne. de cette intelligence rare qui appartient aux poètes ! Je ne saurais lui faire plus d'éloge