“Garde la merde à hauteur de tes chaussures. »
À Plainview dans les faubourgs de Denver-Colorado, le jeune Randy a disparu. Bon début pour un thriller ? C'est mal connaître
Benjamin Whitmer qui dans
Dead Stars – traduit par
Jacques Mailhos – nous en fait un sacré bon roman noir !
Mais Randy est un Turner, et c'est peu de dire que personne en ville ne se précipite pour chercher l'adolescent, tellement la famille sent le soufre. La faute à Robin, le grand-père, qui a autrefois mis la ville sous sa coupe pour masquer ses trafics d'alcool et de stups. La faute à Whitey, l'oncle, « plus fainéant que le type qu'a dessiné le drapeau du Japon » et qui a repris le business familial en mode petits bras.
Mais aussi la faute à Hack, le père de Randy, qui travaille comme toute la ville dans l'usine de traitements nucléaires et a assisté à l'accident du bâtiment 771 causé par du plutonium qui n'était pas sensé y être. Un scandale étouffé que Hack a commencé à révéler à un journaliste d'investigation.
Et en cette année 1986 où Reagan fait son Président sur fond de menace communiste persistante et de course à l'armement nucléaire, fait pas bon l'ouvrir un peu trop contre la big company qui fait vivre toute la ville tout en la faisant crever.
« On est des Turner, (…) on était là avant leur ville et leur usine. »
Dead Stars est une réussite totale et permet à Gallmeister de renouer avec le noir – très noir – qui fit son succès et qui nous manquait. Whitmer s'y montre hyperréaliste de désillusion dans ses descriptions de cette Amérique « entre-deux » des années Reagan, qui traine encore des relents de guerre froide sans avoir basculé dans le repli.
Il excelle dans les portraits, qu'ils soient de salopards (Robin), de paumés (Whitey) ou de sages (le shérif). Avec pour point d'orgue ce Hack magnifique qui lutte contre ses démons et pour ses enfants, ou ces femmes à l'avenir sombre (Nat), parfois points d'équilibre d'une famille dont elles ne sont pas issues (Autumn).
Pas de rebondissement à deux balles, de twist ni de fins de chapitres ouverts en questionnements chez Whitmer. du minimalisme, de l'épure et une économie de mots assez bienvenue chez ces taiseux qui savent les limites du dépassement de la loi, juste ce qu'il faut pour garder la merde à hauteur de chaussures.
Du grand Whitmer !