Partout aux frontières de l'Europe s'érigent des murs de barbelés, de vrais murs. Moi citoyenne ordinaire je m'insurge quand j'entends un Trump vouloir construire à la frontière du Mexique, je m'énerve devant les frontières que construit Israël avec les territoires palestiniens mais c'est pareil ici en Europe.
Carlos et Guillermo sont respectivement photographe et grand reporter. Tous les deux sont bardés de prix. Quand ils entreprennent d'enquêter sur les portes de l'Europe et les passages par lesquels les migrants arrivent ils ne s'attendaient pas à passer de l'enclave espagnole de Melilla au Maroc à Ivalo au dessus du cercle polaire en Finlande.
Un rapide tour d'horizon du « pourquoi et du comment » de cette situation installe le décor : guerre de 40, paix entre les anciens ennemis, construction d'une Europe sûre, solidaire avec une monnaie unique. La crise économique de 2008 va réellement signer la fin d'une époque et indigner toutes les populations européennes. Ce mouvement de révolte va déborder vers le Maghreb et le Proche Orient, une explosion démocratique (les printemps arabes) qui va se terminer dans des bains de sang avec comme point d'orgue la guerre en civile en Syrie. A partir de la chute des régimes totalitaire (Ben Ali en Tunisie, Moubarak en Égypte et Kadhafi en Libye) des vagues de migrants vont essayer de rejoindre l'Europe, cette terre de paix. La Méditerranée frontière sud de l'Europe devient un immense cimetière de migrants.
Avec des photos que le traitement chromatique rend magnifiques, les deux reporters nous montrent preuve à l'appui que l'Europe est entrée dans une grande crise de paranoïa et d'indifférence à l'égard d'humains que les guerres ont jetté sur les routes. Barbelés, police militaire, camps de fortune... tout démontre
la peur de l'envahissement. En Espagne, c'est
la peur de ceux qui arrivent de l'Afrique Sub-saharienne, en Ukraine l'envahisseur craint ce sont les russes, en Grèce ont bloque les syriens. Bref, les portes de l'Europe sont prises d'une frénésie de fermeture pour autant malgré la violence et le danger des familles entières tentent l'aventure simplement pour survivre.
Si les deux reporters se contentent de montrer et de raconter sans juger, cela n'empêche un sentiment de découragement face à cette absence de politiques intelligentes, à
la peur qui tient lieu de réflexion.
En exergue, les auteurs ont choisi une phrase de
Stefan Zweig qui fuya le nazisme avant de se suicider découragé devant la marche du monde.
«Quant aux rechutes dans al barbarie telles que les guerres entre les peuples européens, on y croyait aussi peu qu'aux sorcières et aux fantômes : nos pères étaient pétris d'une confiance persistante dans le pouvoir de la tolérance et de l'esprit de conciliation qu'ils voyaient comme une obligation à laquelle tout le monde serait tenu de souscrire. Ils pensaient sincèrement que les lignes de divergence entre nations et confessions s'estomperaient progressivement pour se fondre dans une dimension humaine commune et que les biens suprêmes que sont la paix et la sécurité deviendrait le lot de l'humanité entière ».
Stefan Zweig - le monde d'hier, 1941