Wow! Quelle découverte!
J'ai adoré lire un livre dans lequel les rôles et les places des genres sont complètement chamboulés; la beauté de la fantasy repose dans la création de l'impossible, de mondes imaginaires grandioses où tout devient concevable, où la pire des violences peut naître et prendre racine mais aussi où la beauté et l'amour sont illimités; lire une oeuvre ayant tant de femmes protagonistes, toutes libérées des entraves que sont la barbarie et la misogynie des hommes, est terriblement rafraîchissant. Bien que la violence et la souffrance soient au premier plan dans une grande partie du livre, sous la forme de la peur, du froid, de la faim,... l'auteure a fait le choix de ne pas y incorporer les horreurs qui ciblent principalement les femmes, comme notament le viol, que l'on retrouve dans de si nombreuses oeuvres ou celles-ci sont faites victimes et enchainées à leur condition.
Je me suis toujours demandé la raison pour laquelle les auteurs incorporaient la haine des femmes et le sexisme dans des oeuvres de fantasy... pourquoi perpétuer de telles valeurs dans des mondes qui n'existent pas? Pourquoi les femmes doivent-elles toujours être la cible de blessures supplémentaires terribles?
Les protagonistes (dont Wulf (le pluriel l'emporte sur le masculin)) sont toutes aussi vaillantes qu'elles sont intelligentes et attachantes; toutes viennent de coins éparses du monde et sont reliées par le devoir de protéger leur peuple contre le mal incarné, dit
Le Sans Nom. Tunuva, Glorian, Dumai et Wulf, tant de noms que d'expériences et parcours uniques qui donnent vie au récit: Tunuva, guerrière du Prieuré de l'Oranger, ébranlée d'un côté par sa dévotion à la Mère et de l'autre par un terrible drame qui la hante depuis 20 ans; Glorian, héritière d'un royaume au bord du gouffre, accablée par les dilemmes que son rôle lui impose; Dumai, secrète héritière d'un empire mourant et d'un pouvoir mystérieux, remuée par des responsabilités trop importantes; Wulf, l'enfant maudit que la mort semble suivre partout. Leurs relations et les liens qui les unissent sont très complexes et profonds, au point que je leur enviais par moment! On retrouve entre eux différents types d'amour, que l'auteure semble explorer en même temps que nous: l'amour absolu et charnel entre Tunuva et Esbar, l'amour interdit et brûlant entre Dumai et Nikeya, l'amour amical et inconditionnel entre Glorian et Wulf... il y en a pour tout les goûts.
Les dimensions de leur monde sont colossales, et l'on se voit voyager à travers les continents et les océans à dos de créatures fantastiques à leurs côtés, démêlant et incorporant les différentes croyances et religions qui régissent en ces lieux. du nord au sud, de l'est a l'ouest, tant de périples essouflants dans le but de se retouver et vaincre le mal avec ceux qu'ils ont juré de protéger coûte que coûte. L'univers et les lois en vigueur sont tout à fait crédibles, et l'on se retrouve immergé dedans dès la première page. La plume douce et poétique de l'auteure ne fait que renforcer les bases de ce monde magnifique et enchanté.
J'ai aimé m'interroger sur les religions dans ce monde, sur les combats et les conflits menés en quête d'endoctriner son prochains et de maintenir son ordre religieux, qui reflètent les différends de la réalité depuis des milléniares; certes, les reflections soulevées sont assez simples et élémentaires (une religion a tout de même été prouvée comme véritable et véridique dans le livre), mais une introspection reste une introspection, aussi épaisse soit-elle... du moment qu'elle mène à réfléchir de soit-même, j'imagine.
J'ai quand même trouvé quelques aspects un peu confus. J'apprécie énormément lorsque les ennemis ne sont pas méchants juste pour être méchants, mais qu'ils ont soit un motif soit une raison valable de l'être; ici, la fine ligne entre le bien et le mal, les dragons divins et les wyrms maléfiques, semble assez floue. Tous sont des animalisations des forces de la nature, des êtres sans âges aux origines mystérieuses, et les deux créatures semblent être de la même espèce, de part leur similarités physiques et leurs pouvoirs. Pourtant, alors que les dragons sont dits être aussi froids et impersonnels que la nature, ne comprenant pas ni ne s'intérressant aux émotions volatiles des hommes, les wyrms semblent être, au contaire, sujets à la haine et au désir de vengeance. Dans un même registre, les dragons entendent apparemment aussi bien à la surface que les hommes entendent sous l'eau, mais les wyrms sont doués de parole et s'adressent aux humains sans aucun problème, ce qui m'a paru plutôt bizarre et m'a finalement moins effrayé que s'ils avaient été des forces surnaturelles dévastatrices et inarrêtables, sans aucn motif autre que la faim d'engloutir le monde de magma.
Peut-être cela m'a t-il échappé, mais je n'ai pas compris la raison pour laquelle les wyrms, et surtout Feùdel, le plus imposant d'entre eux, ont déplacé leurs assauts sur le monde le jour où la comète allait traverser les cieux? Dragons et humains étaient au courant de son passage, mais les wyrms, apparemment ignorants, ont décidé d'attaquer le jour même où celle-ci apparaîtrait?
Lire ce livre était pour moi comme lire un mythe ancien. J'ai été hypnotisée par cet univers magique et je recommande cette lecture à tout les adorateurs de fantasy.