Quel mystère ... Pourquoi un livre aride parvient à vous captiver au point de vouloir le relire encore et encore ? C'est la vision de son auteur, et sa capacité à transmettre son propre désarroi devant la difficulté d'exister.
Le procédé d'écriture est d'une rigueur insensée et complètement anti-naturel : le personnage principal ne s'exprime jamais, il est pris comme témoin par les autres protagonistes, qui lui racontent (souvent dans une langue qu'ils lui pensent étrangère) les histoires qui les déchirent et les rapprochent.
Tout cela se passe pendant un colloque scientifique sur les oiseaux migrateurs dans des montagnes caucasiennes battues par la tempête, et les réflexions sur les volatiles sont autant d'occasions d'évoquer les populations déplacées, l'inné et l'acquis, l'attirance de l'homme pour la destruction et celle de la femme pour cet homme.
Traversant ces réflexions philosophiques, c'est l'écriture même et le verbe qui sont au coeur de ce livre, où chacun ne cesse de se raconter, et où le témoin est indispensable pour rendre réelles ces passions contradictoires.
Un très grand livre pour celui ou celle qui peut s'y perdre.
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Et les recherches sur le pourquoi du chant des oiseaux sont d’une perversion tout à fait particulière en France. Rien d’idyllique, disent vos auteurs, dans le chant des oiseaux, au contraire même. Et je pense comme eux. Les « beautés » du chant chez les oiseaux ne sont qu’une aberration, une dégénérescence du sifflement primordial du serpent dont l’oiseau descend directement. Il n’y a pas d’art dans le chant de l’oiseau, ni art ni plaisir, mais cri uniquement, cri physiologique.
Si nous entendions vraiment le chant des oiseaux, nous serions terrifiés. Seul Kafka a su entendre le chant du rossignol : il l’a trouvé terrifiant. Quelle oreille écoute le chant de l’oiseau ? La stupide sentimentalité humaine a transformé ce cri physiologique en prétendue « beauté ». Il n’y a pas de « beauté » naturelle. La nature est sans aucune « beauté ». Seuls l’œil, l’oreille humaine ont désiré à toute force accorder de la « beauté » là où il n’y a qu’abjecte manifestation d’un phénomène par rapport à un autre phénomène.
Nous sommes des présences répulsives. Je vous répugne, vous me répugnez, tout nous répugne si nous ne l’interprétons. C’est en interprétant le chant du rossignol que nous réussissons à nous rassurer.
Ces cris dans la nuit sont cris de petite viande en travail de répulsion. Petite viande ailée qui palpite et crie, accrochée à une branche, pendant qu’une autre petite viande ailée couve une sécrétion destinée à reproduire l’absurde espèce… et ainsi de suite. Toute manifestation du vivant n’est que répulsive. Par tous les moyens on écarte, on écarte, on répulse ! On délimite une zone personnelle autour de soi avec la même obstination que nous mettons à rejeter hors de nous ce que nos cellules ne tolèrent pas. Et en même temps nous voulons furieusement nous emparer de l’autre. Le dévorer pour le déjecter…
- Nous vivons au carrefour de deux civilisations, poursuit-il toujours en français, celle du silence,l'Asie, celle du bruit, l'Europe.Terrible mélange de bruit et de silence . Partagés entre un certain mysticisme et un certain besoin d'efficacité, nous sommes un mélange d'eau et de feu, d'immobilité et de féroce activité. Rien n'est plus approprié à l'étude des oiseaux que notre tempérament d'Eurosiates.
( Belles Lettres, 2011)
Compositeur de certains des plus grands refrains de la chanson française, il a imaginé une version pacifiée de la Marseillaise. Rencontrez Serge Rezvani, artiste “pluri-indisciplinaire”.
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