recommandé par Dick Annegarn
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Ce recueil complet est évidemment utile pour connaître de façon « minutée » l’évolution de la sensibilité et de la pensée de Nietzsche. Mais la question essentielle demeure : celle de la place, du statut et de la « valeur » de la poésie dans son œuvre philosophique.
Lire la critique sur le site : Liberation
« Pensées nocturnes »
Je fixais la bougie, du murmure léger
D’une mouche entourée ; affalé en arrière,
J’avais parcouru le cercle coutumier
Et bu jusqu'à la lie les joies coutumières,
Aimablement offert ma chevelure au vent,
Au fleuve ma poitrine et mon cœur au couchant,
Et le sang animé et doucement ému,
Des morts, des très chers morts je me suis souvenu.
Je les voyais debout sur le bord du nuage –
J’étais seul et les observais de tous côtés.
Sont-ce leurs traits si chers ? En un frisson léger,
Le vent nocturne alentour secoue son plumage.
C'est eux, c'est eux ! Et toi là, au milieu, aussi ?
Tu es donc mort pour moi, toi que j’ai plus aimé
Que tout autre en mon cœur ? Toi aussi es parti ?
Non, ton amour est mort, lui seul a trépassé !
Silence autour de moi. Par la croisée voilée
Le pâle visage du clair de lune épie.
Que cherche-t-il ici ? Tels de furtifs esprits
L’entourent, fines, vaporeuses, les nuées.
Elles fuient sur mon mur et y sont reflétées
Elles passent – j’ai plaisir à les voir qui filent –,
Je crois apercevoir la danse des pensées
Qui vont et viennent autour des tombes tranquilles.
Des livres grand ouverts gisent là devant moi ;
Ainsi, en leur milieu, qu’une page remplie ;
Les livres sont si morts – et pourtant, plein d’émoi
Je saisis cette lettre : l’écrit est jauni,
La main a bien blanchi qui l’avait composé,
Le cœur qui commande à cette main.
Tout mon amour à cette lettre est attaché,
Et à ces traits est attaché tout mon chagrin.
Et pourtant ! Vous n’êtes pas morts, volumes forts,
Ventres pleins de sagesse, vous n’êtes pas morts ;
Affectueusement je te prends dans mes mains,
Toi qui m’as consolé, m’as donné vin et pain,
Mon Shakespeare, quand les souffrances m’accablèrent !
Que de mon âme ce souvenir ne s’efface :
Ils s’en sont allés tels des ombres lunaires,
Tu m’es resté fidèle, impénétrable face !
Presque brûlée, la bougie – elle se renflamme
Et tout devient plus clair dans la chambre, dans l’âme :
Éveille-toi, mon cœur, et marche hors du tombeau
Et baigne-toi dans la joie d’un matin nouveau !
L’huile de ton esprit n'est pas toute brûlée,
Tu peux encore semer des étincelles claires,
Dans le sable repose ton glaive rouillé –
Prends donc, pour l’aiguiser, rochers, éclairs, tonnerre !
L’ultime éclat de la bougie s'est effondré,
Les ombres lunaires glissent de tous côtés.
La croisée bâtiment – la nuit y jette un regard pâle,
La brise nocturne s’ébroue, en un soupir.
La main s'est arrêtée, lasse à la fin d’écrire,
Les yeux se remplissent de nostalgie, se voilent,
La mouche émet son chant du soir, tout doucement –
Sur ma chaise, je plonge en moi, profondément.
1864
II Poèmes de jeunesse 1854-1870
7. OCTOBRE 1859-FÉVRIER 1860
II. LE MONDE EST TROP PETIT POUR LE NOBLE ESPRIT…
Extrait 2
Là règne la paix, règne le plaisir bienheureux,
Et chaque cœur sent la proximité sacrée de Dieu.
Là le rêve de jeunesse plein d’espoir
A traversé une nouvelle fois le cœur fatigué
Le mai fleuri de la vie se rajeunit une nouvelle fois
Avec le chant du rossignol et le parfum des violettes
Avec le tourbillon des alouettes et le vert de l’espérance.
Et cette patrie, où tu es né,
Où tu as joui richement de la félicité de la vie,
Tu l’as perdue !
p.237
DANS LE SUD
Perché sur un courbe rameau,
Me balançant, tant je suis las,
Me voici l’hôte d’un oiseau,
C’est un nid, j’y prends du repos.
Où suis-je donc ? Loin ! Loin, hélas !
La mer somnole, blanche, étale ;
Purpurine, s’y dresse une voile.
Rochers, figuiers, havre, beffroi,
Idylles alentour, moutons mêlant
leurs voix, — Sud innocent,
accueille-moi !
Mais aller pas à pas —
ce n’est pas une vie,
Pied à pied, cela rend germanique
et lourdaud.
J’ai demandé au vent de m’élever bien haut,
J’ai appris à voguer aux côtés des oiseaux, —
Vers le Sud, sur la mer, j’ai volé, moi aussi.
(dans le Gai Savoir)
Dans l’automne allemand
C’est l’automne : il – te brise encore le cœur !
Prends ton vol ! Prends ton vol ! –
Le soleil s’insinue dans la montagne
Et grimpe, grimpe
Prenant repos à chaque pas.
Pourquoi le monde s’est-il tant flétri ?
Sur des fils tendus harassés
Le vent joue sa chanson.
L’espoir a fui –
Sa complainte est pour lui.
C’est l’automne : il – te brise encore le cœur !
Prends ton vol ! Prends ton vol ! –
Oh fruit de l’arbre,
Tu trembles, tombes ?
Quel secret t’enseigna
La nuit,
Qu’un frison glacé recouvre la joue,
Ta joue purpurine ?
Tu te tais, ne réponds pas,
Qui parle encore ? –
C’est l’automne : il – te brise encore le cœur !
Prends ton vol ! Prends ton vol ! –
« Je ne suis pas belle
- ainsi parle l’aster –
Mais j’aime les humains
J’ai confiance dans les humains –
ils doivent encore voir des fleurs à présent
se courber vers moi
hélas ! et me briser –
dans leur œil s’éclaire alors
un souvenir
souvenir de plus beau que moi : -
- je le vois, je le vois – et je meurs ainsi. » -
C’est l’automne : il – te brise encore le cœur !
Prends ton vol ! Prends ton vol ! –
/ Traduit de l’allemand par Guillaume Métayer,
Dithyrambes de Dionysos (1889)
* RIEN QUE FOU ! RIEN QUE POÈTE !
Extrait 3
Ça – le promis de la Vérité ?…
Pas placide, figé, plat, glacé,
devenu sage comme une image,
tourné en dieu-le-fût,
pas dressé devant les temples,
planton d'un dieu :
non ! ennemi de ces vertus statues,
plus chez soi dans les lieux sauvages que dans les temples
riche en félines malices
sautant par toutes les fenêtres
hop ! dans tous les hasards,
flairant toutes les forêts vierges
flairant, dépendant-ardent,
afin dans les forêts vierges
parmi des prédateurs aux houppes de couleurs,
p. 49
* Rien que fou, rien que poète, écrit Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra, livre IV.
Fabrice Midal vous présente "La théorie du bourgeon", son nouveau livre, disponible en livre audio !
Résumé :
Le découragement est le problème majeur de notre temps. Là où nous pourrions avancer, nous baissons les bras. Là où nous pourrions être victorieux, nous partons perdants. On nous a fait croire que nous devions être dans le contrôle permanent, dans l'efficacité absolue. Mais la vie ne se contrôle pas, elle ne se gère pas. Comment inverser le mouvement ? Comment retrouver l'élan pour sortir de la paralysie qui nous guette, pour rejoindre enfin le monde et essayer de le réparer ? Se fondant sur les enseignements de philosophes qui, comme Nietzsche, Bergson ou Hannah Arendt, ont affronté ce péril majeur avec lucidité, Fabrice Midal nous amène à reprendre confiance en nous et en l'humanité. Avec La théorie du bourgeon, il nous apprend à cultiver la vie dans son surgissement, ce bourgeon qui réside en nous et qui ne demande qu'à croître pour donner des fleurs, pour donner des fruits. C'est ce remède anti-découragement que je vous invite à découvrir.
"Écoutez un extrait" : https://www.lizzie.audio/content/la-theorie-du-bourgeon
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