Maintenant, votre maman est la femme d'un fantôme, les filles, nous dit tante Clover en même temps qu'elle se redressait et parvenait à trouver assez rapidement son eye-liner bleu au milieu de tout son fatras sur la table basse.
Elle ne sera plus jamais jeune.
Il y a quatre éléments dans l'univers, nous dit un jour mamie Milkweed, à Daffy et moi. La terre, l'air, le feu et l'eau. Vous avez le feu dans vos cheveux. Vous avez l'air dans vos poumons. Et vous avez la terre dans votre oeil vert et l'eau dans votre oeil bleu.
Seules les cicatrices d’une femmes sont assez solides pour supporter qu’on leur roule dessus sans arrêt.
Nous autres, les êtres humains, avons toujours connu la douleur. L’histoire nous le dit dans les vestiges que les différentes civilisations ont laissés derrière elles. La douleur est là, dans les vases brisés dans les fractures de la poésie, dans la musique sublime que nous jouons depuis des siècles. Nous appartenons au chagrin jusqu’à ce que la machine s’arrête. Ensuite, nous appartenons à la terre, nos corps ne se distinguant plus des autres choses mortes.
L’incendie fera rage mais pas toi. Ce qui aura essayé de te consumer n’aura fait que te fortifier et te dresser sur tes jambes. Et une femme campée sur ses deux pieds a hérité de l’antique espoir que tout ira bien.
J'appelle la police tous les jours (...) Ils réagissent comme si je prenais trop de leur temps. Comme si j'appelais à propos d'une chaussette perdue. Quelque chose qu'on peut remplacer aussi facilement que ça. (...) Ils n'essaient pas de trouver des témoins. Pour eux, elle n'a aucune importance. Un caillou. Une brindille. Un tas de terre. Qu'est-ce que ces choses ont en commun ? Je vais te dire ce qu'elles ont en commun. La police ne les recherche pas quand elles disparaissent. Des femmes comme ma fille. Comme toi. Tu es un caillou. Une brindille. Un tas de terre. Et tu peux disparaître comme si tu n'avais jamais eu de nom.
Ma tante. Une femme avec un espace laissé par une dent pourrie qu'elle avait perdue et par lequel elle faisait gifler de l'eau pour vous asperger. Ma mère et elles étaient des femmes qui auraient pû être des reines dans un tout autre décor, si elles ne s'étaient pas senties à ce point chez elles dans le trou qu'elles semblaient creuser elles-mêmes chaque jour davantage.
Une fille sans sa mère est une femme perdue en mer.
- Qu’est-ce que tu as mis dans le cercueil avec elle, Arc ?
- Un caillou.
- Pourquoi tu l’as peint avec du rouge à lèvres ?
- Pour le transformer en pierre précieuse rouge. Comme ça, si sa tombe est fouillée un jour par une autre civilisation, dans le futur, ils la verront et sauront que c’était une reine. (p.213)
Une fille sans sa mère est une femme perdue en mer. C'est sa mère qui la sauve. Mais si la mère n'est pas là, la fille sera toujours perdue.