Peut-être ne fait-on jamais que repriser ces trous de l'enfance. Réparer les blessures des premiers moments de la vie, soigner l'enfant que nous étions et qui nous empêche parfois de devenir pleinement adulte à notre tour. On répare les choses pour nous réparer nous-mêmes, on reprend le récit en première personne pour retrouver notre voix, on écrit notre histoire, pour rétablir notre perspective.
Il est des rencontres éphémères qui nous bouleversent profondément, nous interrogent sur notre identité bien plus intensément que des années d'introspection. p. 112
On a parfois ce sentiment d'être pris dans notre quotidien comme dans un piège dont on ne peut s'extraire sans s'amputer d'une partie de soi, sans déchirure ni perte. p. 58
Peut-être ne sommes-nous en réalité jamais que dans l'entre-deux, entre deux mondes, entre deux temps, entre deux manières d'être soi.
Dans la marge
C'est l'ambition de l'enseignant et sans doute de l'écrivain de transmettre à d'autres cette envie d'aller voir ailleurs qui ils sont.
Ainsi, lisant un livre, je le poursuis. Je l'annote, le souligne, je lui donne un relief particulier et me l'approprie, j'y laisse les traces de ma lecture et les échos personnels que j'y entends. J'écris dans les marges. Notre existence elle aussi se trame sans doute dans ce dialogue entre le texte central et nos remarques marginales. On ne coïncide jamais tout à fait avec le récit de notre vie.On se construit aussi en brodant à côté, dans les espaces de la page laissés vierges.
( p.227)
Il faudrait parler de ce plaisir d'être nomade, de n'être que de passage, de découvrir ce que d'autres terres, d'autres visages, nous font devenir. Celui que l'on devient au contact de la différence et de l'altérité. Ce plaisir de n'être jamais installé, d'être toujours sur le départ, dans la projection d'un nouvel ailleurs. p. 47
Il ne faut sans doute pas accorder d’importance à cette place qui m’échoit au fil des circonstances. Je découvre ainsi ma place dans le désordre, elle est le fait de différentes perturbations existentielles plus que d'une volonté ferme, d’une destination ou d’un ordre cosmologique. Je suis là un peu par inadvertance.
Pourtant, on peut comprendre ce besoin de sortir des cases, qu'il s'agisse de prendre l'air ou de s'extraire de places trop étroites.
Penser le déplacement
(***en exergue , phrase de J.B. Pontalis, " Traversée des ombres")
Que serait une pensée qui ignorerait le déplacement ? Une pensée qui ferait du surplace.
Ce serait une pensée qui voudrait que les choses soient comme elle les pense, une pensée peu généreuse à l'égard de la richesse infinie de la polysémie du monde sensible
Le rêve d'une place, d'un lieu défini qui nous correspondrait et nous exprimerait tout à la fois trahit plusieurs inquiétudes : l'errance qui nous fragilise, l'indétermination de notre existence, l'indécision fondamentale de notre être.