Les vieux fourneaux sont de retour pour une sixième aventure, et ils sont en pleine forme ! C'est que Mimille leur fournit l'occasion rêvée de déserter un peu leur petit train-train quotidien pour aller explorer de lointaines contrées. Direction la Guyanne française ! Seulement Pierrot, lui, son environnement, c'est Paris, et les aéroports, la nature, et les expéditions en pirogue, ça a le don de l'énerver. Surtout qu'il était en train de mener avec son collectif anarchiste « Ni yeux ni maître » une sympathique petite opération de représailles contre la police pour venger leur camarade Geneviève, tombée sous les coups des bourrins lors d'une manif. Alors ça donne quoi, un anarchiste presque aveugle dans la jungle ? Et bien ça râle ! Beaucoup. « Sympa de nous avoir organisé une visite des sites les plus contaminés de la jungle. Ça c'est des vacances ! Je suis libre à Noël, pour le cas où tu voudrais nous emmener à Tchernobyl... » Heureusement que les autres sont plus sensibles au charme des paysages qui les entoure, ainsi qu'aux problématiques environnementales que ne manque pas de soulever leur visite dans ce paradis menacé. Car ce n'est pas juste pour profiter du soleil que Mimille a convoqué la petite bande : le vieux briscard a une idée en tête, et celle-ci implique des souvenirs d'enfants turbulents jouant aux pirates et un merveilleux trésor enfoui sous la terre. La recette est la même que dans les précédents tomes et se révèle toujours aussi efficace : des vieux révoltés et tout sauf résignés, des dialogues drôles et décalés et une intrigue qui met en lumière les ravages du capitalisme. Nos trois compères n'ont décidément rien perdu de leur charme, qu'il s'agisse du discret Mimille, du rebelle bougon Pierrot ou du sympathique Antoine. Sophie se fait pour sa part plus discrète mais poursuit malgré tout sa mission de divertissement et d'éducation populaire auprès des jeunes enfants.
Au delà des personnages, c'est aussi bien évidemment le ton et les thèmes abordés qui font le charme de la BD. Qu'il s'agisse des violences policières, de la destruction de la biodiversité, du racisme ou encore du mythe du « ruissellement »,
Lupano dénonce avec lucidité tout ce qui cloche avec le capitalisme, le tout avec humour. Loin de se révéler déprimant, l'ouvrage nous met au contraire un grand coup de pied dans le derrière tant l'exemple de ces vieux anars toujours aussi inventifs et revendicatifs se révèle inspirant. Ici, c'est la question écologique qui se retrouve à nouveau au coeur du récit, un sujet cher au coeur de l'auteur puisque déjà abordé précédemment dans « La magicienne » (qui mettait en scène la création d'une ZAD pour lutter contre la construction d'une usine sur une zone naturelle particulièrement riche), mais aussi via le parcours d'Émile en Polynésie et les spectacles qu'en a tiré Sophie. Cette fois,
Lupano se penche sur l'orpaillage sauvage et les ravages qu'il cause à la fois pour la nature et les habitants, mais aussi sur les projets de mines d'or toujours d'actualité en Guyanne et qui, bien que légaux, s'avèrent eux aussi être des désastres environnementaux et sociaux. Heureusement nos papis rebelles sont dans la place et se livrent à des discours enflammés toujours aussi tordants : « Eh bien ça ne va pas se passer comme ça ! Je vais alerter mon collectif, on va rappliquer ici et vous allez voir ce que vous allez voir ! On fera une ZAD au milieu de la jungle s'il le faut. On crèvera ici, s'il le faut, mais les camions ne passeront pas. Et si on meurt, ça fera du compost ! »
Même après six volumes nos trois vieux tiennent toujours autant la forme et parviennent une fois encore à nous faire rire tout en alertant sur des problèmes de société et en se livrant à une critique acerbe du capitalisme. Un vrai petit bonheur en ces temps moroses !
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