AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de jvermeer


*****

« Mais quand donc ferai-je le ciel étoilé, ce tableau qui toujours me préoccupe ? »

Quel plaisir de retrouver dans le livre de Jean-Pierre Luminet, astrophysicien, mon ami Vincent van Gogh ! L'ouvrage mêlant art et science est une passionnante enquête de reconstitution et d'observation astronomique des magnifiques toiles de nuit de l'artiste.

Lorsque j'avais croisé Vincent à Auvers-sur-Oise, il m'avait conté les deux derniers mois de sa courte vie dans cette petite ville de la région parisienne. J'en avais fait une biographie romancée. Il revenait de 27 mois passés en Provence où sur les conseils de son ami Toulouse-Lautrec il était parti découvrir la lumière et les couleurs du Sud : longs mois de création intense et de souffrances intolérables qui l'avaient épuisé.
Vincent m'avait parlé d'une obsession qui le poursuivait depuis ses débuts en peinture : le crépuscule, les couleurs de la nuit activaient son imagination. Dans le Midi, ses plus grandes oeuvres avaient été le fruit de sa fascination pour ce monde nocturne.

En septembre 1888, Vincent réalise une première toile de nuit étoilée servant de fond au portrait de son ami qu'il appelle « le poète » : « le portrait d'Eugène Boch ». Il s'agit à ses yeux du plus beau portrait peint par l'artiste dont il écrit : « Je voudrais dire quelque chose de consolant comme une musique. Je voudrais peindre des hommes ou des femmes avec ce je-ne-sais quoi d'éternel ». Dans cette toile, Vincent cherche à évoquer le lien qu'il perçoit entre peinture, musique et poésie : « je fais un fond simple du bleu le plus riche, le plus intense, que je puisse confectionner, et par cette simple combinaison la tête blonde éclairée sur ce fond obtient un effet mystérieux comme l'étoile dans l'azur profond ».

Le même mois, Vincent s'installe un soir, en extérieur, devant la terrasse d'un café qu'il fréquente et peint « Terrasse du café le soir ». Les nuits étoilées de ce mois de septembre sont favorables à son projet : « Souvent il me semble que la nuit est encore plus richement colorée que le jour ». le motif est illuminé par une grande lanterne de gaz jaune avec, dans un angle de maison, un coin de ciel bleu constellé d'étoiles.
Jean-Pierre Luminet, s'est installé au même endroit et cherche. Grâce à un logiciel de reconstitution astronomique, il parvient à vérifier, d'après les déclarations épistolaires de Vincent, son souci de représenter un ciel réel et non imaginaire.

Toujours au cours de ce mois de septembre 1888, Vincent passe la nuit assis devant son chevalet au bord du Rhône et peint un ciel plus ample dans « Nuit étoilée sur le Rhône : « La ville est bleue et violette, le gaz est jaune et ses reflets sont or roux et descendent jusqu'au bronze vert. Sur le champ bleu vert du ciel, la Grande Ourse a un scintillement vert et rose, dont la pâleur discrète contraste avec l'or brutal du gaz ».
Comme pour la « Terrasse du café », le scientifique arrive à reconstituer le ciel vu par Vincent dans cette nuit du 20 septembre 1888 et ainsi démontrer que le peintre peignait ses paysages de nuit dans la réalité du moment : la correspondance entre la position des étoiles du tableau et la reconstitution est assez stupéfiante.

Je vais m'attarder sur l'étude la plus intéressante de Jean-Pierre Luminet, celle du tableau de Vincent que le monde entier connait : la « Nuit étoilée » peinte de sa chambre à l'hospice Saint-Paul-de Mausole en 1889 où l'artiste est interné à sa demande. Il s'agit d'un paysage nocturne impressionnant, le tout éclairé par les étoiles, la lune, et un ciel astral tourbillonnant au-dessus d'une ville en miniature.
Je suis fasciné : la démonstration du scientifique pour ce tableau est éblouissante. Il dispose en 1995 du logiciel astronomique Voyager qui lui permet de découvrir la date de la seule nuit de ce printemps ou été 1889 présentant une configuration proche de celle peinte par Van Gogh : le 25 mai 1889 à 4h 40 heure locale. La superposition entre la toile et le vrai ciel est si frappante que le hasard est impossible.

L'auteur aurait pu en rester là et considérer son étude comme parfaitement satisfaisante. Mais il lui manquait quelques informations importantes. Il examine la correspondance du peintre et, surtout, visite le monastère de Saint-Paul-de-Mausole, lieu où Vincent voyait le paysage de sa chambre. La fenêtre à barreaux de fer est toujours orientée de la même façon, vers l'est, avec la vision tôt le matin du lever du Soleil et de Vénus. Vincent le dessine au réveil et le peindra plus tard. Jean-Pierre Luminet parvient à une conclusion surprenante : « La Nuit étoilée » de Vincent est composée d'éléments réels comme le positionnement des astres vus ce 25 mai au matin et de plusieurs composants qui sont imaginaires. Étonnant ! : le village du bas de la toile avec une église au clocher pointu ne serait pas le Saint-Rémy de l'époque mais une simple référence aux paysages de maîtres hollandais comme van Ruysdael ou van Goyen qu'appréciait Vincent. Par ailleurs, la volute astrale qui anime le ciel ne serait pas une nébuleuse spirale, élément astronomique que connaissait le peintre, mais plus probablement une représentation de nuages comme il est souvent observé dans plusieurs autres toiles peintes dans les mêmes mois de 1889 : « Champ de blé avec cyprès » et « Oliviers avec les Alpilles à l'arrière-plan ».

Une dernière observation d'une magnifique toile peinte le 20 avril 1890 « Route avec cyprès et ciel étoilé », peu avant le départ de Vincent pour Auvers, fournit à Jean-Pierre Luminet une confirmation de son approche précédente sur le travail du peintre : celui-ci faisait parfois, suivant les circonstances, des compositions d'atelier à partir de sa vision réelle du motif, puis s'en écartait avec des rajouts imaginaires quand son intuition artistique le lui indiquait, comme un contraste de couleurs ou le jaune domine après le bleu dans « Nuit étoilée ».

Ce livre superbement illustré devient exceptionnel lorsque, d'une étude scientifique sérieuse, il rapproche les formes et les couleurs pour les transformer en poésie :
« Van Gogh a fait un long voyage onirique vers les lumières du firmament et rendu leur beauté plus accessible. »

***

Lien : http://www.httpsilartetaitco..
Commenter  J’apprécie          298



Ont apprécié cette critique (28)voir plus




{* *}