Chaud devant ! chaud !
C'est le coup de feu, les clients sont présents et dans les cuisines, tous s'activent. Pas de place pour l'improvisation, tout est calibré, tout est millimétré. Ça suinte de partout, des fours chauds qui exhalent de délicieuses odeurs de focaccia, des poêlons où rôtissent des tendres osso-bucco, des verres où se réchauffent des préparations glacées et alcoolisées mais surtout des chemises et autres vêtements de travail. le rythme est dingue, l'ambiance est surchauffée.
C'est dans ce climat infernal que se présente le narrateur. Il a besoin d'un job pour couvrir ses dépenses, ses frais, ses besoins... de l'argent, il lui en faut plus, toujours plus. Il emprunte mais ne rembourse jamais. Il ment à chacun, s'enfonce dans son délire. Il claque tout dans les machines à sous. C'est son addiction, sa malédiction. Il se croit tombé au fond du trou, mais le travail de plongeur qu'on lui propose dans ce grand restaurant montréalais va lui révéler une autre facette de lui-même. Entre espoir et désespoir, le lecteur suit la trajectoire de ce jeune étudiant en graphisme, fan de musique (metal) et lecteur assidu.
Jamais, je n'ai ressenti une telle intensité de ruche bourdonnante.
Stéphane Larue décrit, avec forces exemples, les multiples tâches qui incombent au personnel de cuisine. Tout y est décortiqué avec précision. Une avalanche de mots submerge le lecteur et le noie dans le travail à accomplir et le tout à un rythme hallucinant. Et quand le coup de feu s'apaise et s'éteint, quand la nuit est bien présente ou que l'aube pointe déjà, l'auteur nous entraine cette fois dans les bars où la bière coule à flot pour soulager l'âme et le corps meurtris par ces heures d'activité intense.
Mais ce n'est pas tout ! L'addiction au jeu y est également décrite de manière très physique, presque fiévreuse, ainsi que la musique metal qui entre en résonance avec le corps. Brrrr, que des décharges d'adrénaline !
Il y a du
Zola dans ces descriptions. On y retrouve les ambiances de Germinal ou de l'Assommoir. L'écriture est riche, le rythme intense. La play-liste metal est fournie et les références littéraires bien présentes.
Un premier roman réussi pour cet auteur, et quelle claque !
Ce jeune auteur est canadien, québécois plus précisément. le roman est donc truffé d'expressions typiques du langage de nos cousins d'outre-atlantique, ce qui le rend encore plus réaliste. C'est son premier roman et la restauration il connaît très bien puisque c'est dans ce domaine qu'il travaille. Et j'avoue que la plongée dans les coulisses d'un restaurant est remarquablement décrite. Malgré tout, je lui souhaite d'autres succès littéraires pour le sortir de cet « enfer ».