Voici la citation exacte qui donne son titre à ce numéro spécial de la Revue dessinée: "Ne parlez pas de répression et de violences policières, ces mots sont inacceptables dans un état de droit." (E.Macron)
On peut effectivement se cacher derrière son petit doigt et se dire "je ne les vois pas, je ne connais pas de victime, donc ça n'existe pas". On peut aussi rejeter systématiquement la faute sur la violence qui fait face aux policiers et policières et légitimer donc leurs réactions, même si elles sont disproportionnées.
Mais Mediapart et la Revue dessinée ne sont pas les seuls médias à avoir enquêter, et les faits sont tenaces et s'enchaînent dramatiquement. C'est ce qui est dit dans la revue: sorti en 2023 mais construit en 2020, ce numéro est dangereusement d'actualité. D'autant qu'on pourrait malheureusement rajouter un certain nombre d'événements qui montrent que ça ne s'arrange pas, loin de là: les manifestations contre les retraites avec l'usage immodéré des lacrymos, des nasses et la volonté des forces de l'ordre de dissuader les manifestants de sortir exprimer leurs revendications en leur faisant peur pour leur sécurité (quand on en arrive à ça, on est encore dans un état de droit?...), et puis il y a eu Sainte Soline, où la gestion des forces de l'ordre et les choix répressifs ont été dramatiques, et puis les Zad de Notre Dame des Landes ou plus récemment du chantier de l'A69....
Autrement dit, si on voulait mettre à jour ce numéro de la Revue dessinée, on aurait encore énormément de matière, beaucoup trop. C'est triste, c'est grave, c'est scandaleux.
Voilà sur le fond, et pour finir là-dessus, je pense avec effroi à cette police et à ce que ça pourrait donner si elle était "aux mains" d'un pouvoir abusif. Et l'horizon est menaçant...
Maintenant sur la forme et le contenu, je trouve que c'est très équilibré: enquêtes illustrées, témoignages, interviews; styles des dessins très différents (pour terminer avec
Marion Montaigne et son regard sur le flic du futur, on ne sait pas si on doit en rire ou en pleurer!); cas individuels et collectifs et même quelques témoignages de l'intérieur du dispositif, sous couvert d'anonymat et on les comprend.
Je terminerai sur une anecdote personnelle récente: en début de printemps, une manifestation s'organise dans ma ville ( la revendication importe peu vu que l'ensemble des manifestations est dorénavant gérée sur le même modèle... sauf pour l'extrême-droite nostalgique du nazisme a priori!). Bref: le parcours n'est pas le même que d'habitude pour éviter les débordements, tout est extrêmement paisible, les manifestant·es sont de tous âges, il y a de la musique, aucun problème donc. A l'avant du cortège des lycéen·nes tiennent des bouquets de fleurs, une référence historique pacifique. Et en face plusieurs centaines de "robocop", armés, énervés, prêts pour l'affrontement. Quand je dis en face, c'est pas la rue d'à côté, c'est à 5 mètres. J'ai pris une photo hein pour les rageux qui ne me croiraient pas! Et c'est ce que dit la revue, il faut essayer d'inverser l'impunité, il faut des traces, des preuves, et un peu d'espoir que les choses changent (pas facile quand on voit les prochains équipements et les budgets alloués à la répression).
Ce livre, comme d'autres enquêtes, est d'utilité publique et on pourrait le dédier à Steve, Maria, Cédric, Rémi, Adama, Nahel, Zineb, Geneviève et tant d'autres♥
Merci à Babelio pour cet envoi!