Bon, bah, non. Vraie belle déception que ce diptyque d'un de mes chouchous,
Jean-François Kierzkowski (la saga s'arrête là). C'est ma faute, j'en attendais tellement ! Je ne peux en vouloir qu'à mon affection maladive : j'ai le béguin facile, la bluette immédiate, ça devait bien me jouer des tours. Que voulez-vous, on est là, on aime un auteur de tout son coeur, les yeux fermés, aveugle à tout nuage, comme un adolescent lors d'une première passade, oublieux du fait que l'auteur a une famille, il ne nous attend pas lui, et qu'il faut bien la faire vivre - cette famille - et que pour ça, faut parfois vendre du bouquin, au risque d'abréger un peu la besogne, de simplifier un chouïa l'intransigeance habituelle, de donner davantage dans le "grand public". Oh, ça n'est pas un gros mot. Non. C'est humain. Et ça peut certainement fidéliser de nouveaux adeptes pour les vieux jours.
Alors, attention, l'ensemble de "
La suite de Skolem" est bien ficelé, c'est propre, un joli labeur et clôt amplement le concept. J'aurais lu ça à quinze ans avec passion. On est tout de même sur une BD intelligente, efficace, construite, globalement inventive dans son synopsis de base, qui mérite que l'on s'y penche. Il y a de toute façon, dans ce duo d'artistes, un service minimum qui ne sombrera jamais dans l'avilissement, nous avons affaire à des gens qui savent faire, des artisans à la dextérité aiguisée.
Mais quand on lit du
Jean-François Kierzkowski, on est en quête de la claque, le grand chambardement, la risette à chaque page et les applaudissements en fin de lecture. On attend beaucoup. On attend qu'il révise les codes de l'absurde et déboulonne les habitudes du lecteur. On veut du caviar et du foie gras dans la même bouchée. du rire et des larmes. Un arc-en-ciel de couleurs. le trésor et la fille du pirate.
Or, ici, je regrette de n'avoir retrouvé cette plume aiguisée qui me fait tant apprécier
J-F. le scénario est sympatoche (bien qu'un peu étiré), on ne boude pas son plaisir, mais la prose m'est un peu trop aseptisée, banale, convenue. Les citations ne fusent pas, le bon mot ne décolle pas, on nous sert l'histoire un peu trop simplement à mon goût. En découle une lassitude à la lecture, les pépites manquent, l'ennui guette, puisqu'on ne s'attache donc que peu aux personnages qui n'existent pas tant que ça, ayant tous un langage proche, les personnalités ne percent pas. Des facilités de scénario (on ne croit pas à la folie naissante de l'oncle), des passages longuets, des actions vaines, impression de remplissage, tout ceci tourne un peu à vide.
Je me pose alors la question : à qui - finalement - l'ouvrage s'adressait-il ? Peut-être que les éditions Pirates visent un public jeune/adolescent, ce qui expliquerait une certaine charte pour les auteurs (
J-F. K. écrit régulièrement pour la jeunesse). Je cherche une explication.
Voilà. Critique sévère, peu coutumière pour cet excellent auteur (j'insiste). Cela reste un joli bijou, qui n'a pas le brillant attendu. Certain que l'homme Kierzkowski nous offrira prochainement un diamant dont il a secret. En tout cas, il garde ma fidélité et ma curiosité à son égard intactes, car il y a toujours à prendre avec lui, et même ces déceptions restent appréciables.