Si je devais citer des textes qui m'ont vraiment beaucoup marquée en fantasy, outre Les Trois Gardes de
Damien Mauger, ce texte en fait vraisemblablement partie. Je suis tombée amoureuse de l'univers, des personnages, de l'intrigue et du style de l'auteur, si bien qu'arriver au bout m'a brisé le coeur, sérieusement. Je ne voulais juste pas que ça s'arrête. Ce livre a beau faire six cents pages d'amour, impossible de le lâcher. Tout, des premières lignes jusqu'au point final, est un véritable plaisir pour les yeux et je vous jure que j'ai lâché un gros « QUOI C'EST FINI ? » rempli de panique lorsque ce foutu ebook a atteint les 100%.
Pour commencer, ce texte est un roman de fantasy qui joue avec des tas de codes. L'ambiance qui prédomine est celle de la fantasy victorienne, avec une partie très steampunk certes avec beaucoup d'usages de machines à vapeur, mais aussi tout simplement dans l'ambiance, le contexte « historique » de l'histoire et les personnages. On y discerne aussi des inspirations western, auxquelles se mêlent une dark fantasy, avec un monde aux connotations à la fois très Sapkowskiennes et très éloignées, bien appuyée et des codes de la fantasy épique. Bon, déjà, qui dit mélange de genres dit Myfanwi excitée, vous le savez, mais là l'univers est tellement bien ficelé que ça a été le gros coup de foudre. J'ai bien aimé le trio humains – nains – elfes, auquel s'ajoute quelques créatures supplémentaires comme les Drudes ou les Demi-Ogres. Tous diffèrent totalement de ce que l'on a l'habitude de voir, et la redondance avec d'autres univers est inexistante. Comme quoi, c'est pas si compliqué de réinventer.
On se retrouve plongé dans un gros conflit entre deux grandes factions : l'une maîtrise la magie, l'autre la technologie, et chacune des deux essaie de prendre l'ascension sur l'autre. La partie politique de ce roman est extrêmement bien développée. On y voit autant les coulisses sordides que le champ de bataille, les débats décisifs que les trahisons intérieures. Tous les personnages présentés dans cette partie de l'histoire sont incroyables. Il y en a un nombre considérables, mais je peux vous dire qu'on les dissocient tous les uns des autres sans la moindre difficulté. J'ai adoré le général Wolfdagger et son ascension plus que chanceuse, Somas Athossi et sa fidélité indéfectible à l'ancien vicaire, Dame Morville et ses méthodes d'interrogatoire… discutables, et bien sûr les Scramasaxe et leur passion pour l'argent. Chacun des personnages connait un joli arc de cercle au niveau de leur développement, certains plus courts que d'autres. Bien sûr, qui dit intrigue politique dit nombreux rebondissements. Chaque personnage a le potentiel d'être un génie et le plus sombre des connards, et tout se joue pour deviner de quel côté la balance va pencher.
A côté de ça, on a ce chasseur de primes qui vit sa propre vie. Luther Falkenn est incroyable. C'est un personnage toujours posé, aussi bon bretteur mentalement que physiquement. J'ai retrouvé quelque part en lui un petit quelque chose de
Sherlock Holmes dans ses déductions et son maintien, mais un
Sherlock Holmes bien plus sombre et violent que l'original, et avec aussi beaucoup moins de morales et de remords. Il fait partie des types de personnages de fiction que j'aime le plus. On ne sait jamais à quoi s'attendre, parce qu'il garde toujours une part de mystère, même après la lecture du livre, mais dans le même temps, il se dévoile un peu plus à chaque chapitre. Et à côté de ça, tout comme
Sherlock Holmes, on retrouve un fidèle associé qui, pour le coup, n'a rien à voir avec ce bon vieux Watson. Boniface, c'est le coup de génie de ce récit. Déjà, un chat en personnage presque principal, c'est pas rien, mais ce chat là en particulier, il a été ma mort et mon point faible sur tout le roman. Son humour grinçant, ses pouvoirs bizarres, ses instincts de chat et sa fidélité discutable en font un personnage mémorable et très complémentaire avec Luther par son ouverture et sa langue bien pendue. Franchement, rien que pour lui, vous pouvez y aller les yeux fermés et vous ne serez pas déçus.
Le roman compte bien d'autres personnages touchants, comme les soeurs Galate, ou encore tout ce qui est armée Anscaride, et il faut sincèrement lire pour apprécier toute l'étendue du travail titanesque qui a été effectué sur ce livre. Je veux dire, je suis aussi autrice dans un univers complexe, et j'imagine pas l'enfer qu'a dû représenter rien que la chronologie des événements et la chasse aux incohérences. le style d'écriture de l'auteur est exceptionnel. Il est dur et sérieux quand il le faut, mais il devient à mourir de rire par endroits et dans la bouche de certains personnages. L'ambiance mi-figue, mi-raison du récit le rend attachant et très difficile à lâcher. A cela se mêle énormément de thématiques que j'adore, à savoir de la bonne grosse satire politique, des tirs à vue sur les médias et un travail assez fou sur la condition féminine dans les romans de fantasy, ou encore sur la thématique de la religion, avec un panthéon ultra complexe et défaillant, qui met en avant tous les petits problèmes d'écriture qu'une religion peut représenter. le tout avec un vocabulaire riche et très bien mené. Bref, un pur bonheur pour la littéraire psychotique que je suis qui a besoin de décortiquer les couches des textes pour les apprécier pleinement.
En bref, parce que je pourrais m'étendre encore des heures sur le sujet, ce roman contient tout ce que j'aime dans la fiction : une ambiance victorienne, des personnages torturés, une critique du pouvoir, un chat magique, un style incroyable et des modulations dans la forme du récit, qui fait qu'on ne s'ennuie jamais. C'est un énorme, énorme coup de coeur et je suis juste triste que ça soit déjà terminé. Dans tous les cas, c'est un auteur à suivre absolument dans le futur !
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