Le Génie et la Déesse/
Aldous Huxley
le Génie, c'est Henry Maartens, illustre physicien et prix Nobel, doté à la fois d'un caractère infantile et d ‘un tempérament explosif qu
i le rendent apparemment totalement dépendant de Katy sa femme et maîtresse mère. C'est elle la Déesse, incarnation parfaite de la féminité païenne, telle Héra, Hébé, Diane ou Aphrodite, toutes à la fois même, déesse cependant abandonnée des dieux depuis les petits lares et pénates ménagers jusqu'aux sublimes Olympiens, déesse qui révèle à Rivers, l'ami du narrateur et narrateur lui même, physicien lui aussi, ce que Huxley appelle la paradis sombre et sans paroles de la nudité du contact et de la fusion. (Rappelons pour mémoire que Héra dans la mythologie grecque étaient la fille des Titans Cronos et Rhéa, et soeur et femme de Zeus. Hébé était la fille de Zeus et d'Héra, déesse personnifiant la jeunesse.)
Henry, génie et amant affamé, est un professeur à moitié fou selon Rivers, un idiot en ce qui concerne les rapports humains, un âne primé dans toutes les affaires pratiques de la vie. Mais un âne non ennuyeux, un lumineux idiot ! Il savait être absolument insupportable, mais
il en valait toujours la peine.
le récit débute par une conversation entre le narrateur et John Rivers, ami et commensal des Maartens chez qui il vit. le débat aborde le caractère incohérent de la réalité s'opposant à l'unité et au style bien réglé de la fiction. Puis Rivers se confie en avouant que sa mère l'aima d'un amour possessif, lui qui ne voulait pas être possédé, et qu'il a toujours été éperdument amoureux de la Déesse, d'un amour métaphysique, quasi théologique, à la façon dont
Dante aimait Béatrice et
Pétrarque aimait Laure. La conversation roule alors sur la littérature avec comme repère
Edgar Allan Poe, H.G.Wells,
Shakespeare et Lawrence, puis sur la science avec les noms d'Euclide, Pythagore, Poincaré, Hilbert et Théocrite. Des pages de haute culture !
Henry et Katy ont des enfants et notamment une fille Ruth qui l'adolescence arrivant à son terme s'est mise dans l'idée qu'elle est amoureuse de John Rivers. Ayant fait la découverte dans la bibliothèque paternelle des
poèmes d'
Oscar Wilde, elle s'est vue devenir une autre personne, une autre poétesse que celle de l'époque où elle lisait
Poe, une poétesse au vocabulaire tout flambant neuf qui adresse ses
poèmes à John : le doux péché, le désir, les griffes de jaspe, la douleur des pulsations pourprées, les ravissements et les roses du vices, les lèvres entre-tordues et mordues…tout ce mauvais goût adolescent de la rébellion victorienne tardive. « Elle était à présent une femme en fleur, avec deux petits seins qu'elle portait délicatement et peureusement, comme si c'avait été une paire de spécimens zoologiques infiniment précieux, mais assez dangereux et embarrassants. Ils étaient une source de fierté et de honte mêlées, de plaisir intense, et, partant, d'un sentiment obsédant de culpabilité. »
Alors un chassé croisé entre Ruth et John s'établit, John qui tente par tous les moyens d'échapper aux assauts amoureux de Ruth alors que Kathy est au chevet de sa mère malade et qu'Henry est occupé par ses cours. La mort de la mère de Katy va précipiter les choses et John est amené à consoler Katy ravagée de douleur, alors que Henry est alité malade depuis le jour que Katy était partie au chevet de sa mère.
Il est prévisible qu'en femme expérimentée Katy cherchant le réconfort d'un homme entraine John, jeune homme qui lui n'a jamais connu de femme, dans les sentiers obliques de la trahison envers Henry. La suite, c'est la jalousie de Ruth, la naïveté de Henry et puis les drames qui révèlent dans toute sa médiocrité le monstrueux égoïsme de Maartens. Les serments les plus puissants ne sont que paille pour le feu qui est dans le sang.
Extraits :
« Là où il n'y a pas de réponse opérationnelle possible, la question ne présente aucun sens concevable. Voilà pourquoi il ne pourra jamais y avoir de science de l'histoire, parce qu'on ne peut jamais vérifier l'exactitude d'aucune des hypothèses qu'on fait. »
« La seule consolation, c'est qu'il y a l'ignorance avant l'événement et après, l'oubli, ou tout au moins l'indifférence…Et en fin de compte, bien entendu, il y a toujours la mort. Et tant qu'il y a de la mort, il y a de l'espoir ! »