Ils disent que les aventuriers se vantent. Nous ne nous vantons pas. Nous enchantons le monde en l'honorant de notre visite et portons à la connaissance d'autrui le merveilleux des confins par le récit époustouflant de nos folles tribulations
On trouvait autrefois des panneaux "A vos risques et périls" devant les ravins ou au commencement des sentiers dangereux. C'était l'époque où l'on croyait l'homme intelligent et responsable. De nos jours, l'homme est présumé con comme une truffe et procédurier. Non content de prendre des risques il poursuit celui qui l'a laissé les encourir.
La réalité dépasse la fiction pour une raison simple : la fiction doit rester raisonnable. La réalité, elle, n’y est pas tenue.
L’éditeur ne saurait être tenu responsable des mauvaises idées que ce livre ne manquera pas d’instiller dans le cerveau vicié des nouvelles générations gavées d’écran et pourries à la moelle. Cette aventure a été réalisée par des professionnels. N’essayez pas de la reproduire chez vous.
On se gargarisait d’avoir vu du pays mais n’étaient-ce pas les paysages en définitive qui avaient défilé devant notre barque immobile ? Les choses vont et viennent, de même que celui qui s’assied toute une vie au bord de la rivière en voit davantage que celui qui la suit. « Si quelqu’un t’a offensé, dit Lao Tseu à ce propos, ne cherche pas à te venger. Assieds-toi au bord de la rivière et bientôt tu verras passer son cadavre. »
Le lendemain, à la première heure, celle de l'après-midi, nous allâmes au roi Merlin. Que les petits malins qui composent l'essentiel de mon lectorat se tranquillisent : j'écris "roi Merlin" à dessein. C'est une idée confusément admise dans ma famille qu'il existe un roi des bricoleurs dominicaux. Nous n'y croyons pas comme au bon Dieu mais presque. C'est un bon roi que ce Merlin, dit mon grand-père avec le respect dû aux souverains. Répartis sur l'ensemble du territoire, le plus souvent en périphérie des villes, la magasins du roi Merlin sont remarquablement lumineux et hauts de plafond. Je les aime. On peut se garer devant. Il y a a toujours de la place.
Ce devait être reposant d’être si con
Il faut toujours un peu d'eau dans le fond des embarcations : cela en assoit la stabilité et rafraîchit les pieds. Quand cela rafraîchit les mollets, il est temps d'agir.
- Adrian, dis-je, passe-moi l'écope.
Adrian ne put répondre favorablement à ma requête.
- J'ai oublié l'écope, dit-il simplement.
A cet instant précis, je sus que notre croisière ne serait pas un long fleuve tranquille. Qu'on y verserait des larmes, de la sueur sans doute, et du sang peut-être.
Je m’efforce de décrire cet épisode avec détachement, sans lyrisme excessif, mais son évocation me glace encore le sang. Voir d’un coup d’un seul mes hommes basculer dans les eaux noires est un souvenir franchement pénible. Nos affaires s’éparpillèrent en surface, d’autres coulèrent à pic. L’une de mes sandalettes fut immédiatement aspirée par le fond. Je sauvai l’autre de justesse — mais à quoi sert une sandalette orpheline? —, cela sans parler du canoë dont nous découvrîmes qu’il ne flottait pas malgré la présence à la poupe et la proue de coussins dits flotteurs. Je tirai péniblement Bateau à la berge pendant que les deux autres sauvaient ce qu’ils pouvaient de notre chargement. En cas de naufrage, il convient d’agir vite. Chaque seconde compte. Mais surtout il faut pratiquer des choix. On ne peut espérer tout repêcher. Par exemple, mon réchaud à pétrole Eva-Sport (figure 3) fut sacrifié par le major au profit de son sac à dos personnel, lequel contenait un sachet de petits-beurre aux deux-tiers entamé. Adrian quant à lui fut héroïque, et je pèse mes mots. Je le revois plonger, remonter à la surface, prendre à peine sa respiration et replonger encore. Grâce à ses efforts répétés les bidons et la tente purent s’en tirer. La carte aussi, et les contes de Maupassant, dont je faisais la lecture au moment du naufrage... p. 115
C'est cela le génie : transmuer la peine en chef-d'œuvre comme d'autres change le plomb en or et le vent en cryptomanie.