Cette fixation sur la colonne vertébrale fait grincer les dents des taxonomistes et des zoologistes les plus pointilleux. L’un d’eux, Robert O’Hara, mi-philosophe, mi-zoologiste, s’est demandé comment les humains seraient classifiés si l’opération était confiée à un arthropode. Les arthropodes, littéralement « pieds articulés », constituent le phylum le plus vaste, si bien que logiquement, selon la loi du plus grand nombre, ce serait légitimement à eux d’établir une classification, si l’envie leur en prenait. Dans leur embranchement, on trouve notamment les araignées, les insectes, les crabes et les homards. Et voilà ce que, selon O’Hara, un arthropode pourrait dire de nous et de nos cousins les plus proches : « Les vertébrés sont un groupe primitif comptant peu d’espèces et une diversité de formes limitée. Leur faible taux de reproduction les rend incapables de s’adapter vraiment à leur environnement et le gigantisme de nombreuses espèces a considérablement entravé la croissance de leur population, tout en expliquant par ailleurs sans doute leur mollesse générale. »
Cet premier effort, suivi quelques jours plus tard d'une deuxième sortie semblable dans un autre récif, pendant laquelle je me montrai plus détendue, m'a permis de me rendre compte à quel point le monde sous-marin était le plus étranger des mondes qu'il m'ait été donné de voir. J'en avais vu des images, bien sûr, mais les images ne bougent pas. Rien ne m'avait véritablement préparée à l'animalité de cet univers, rien n'avait défié à ce point l'idée que je me faisais du mot " paysage" Les rochers sont des animaux. Les arbres sont des animaux. Les fleurs sont des animaux.