« J'avais dix-huit ans quand Gauvain m'est entré dans le coeur pour la vie, sans que nous le sachions, ni lui, ni moi. Oui, cela a commencé par le coeur ou ce que je prenais pour le coeur à cette époque et qui n'était encore que la peau. »
Eh oui, dès l'incipit, le décor est planté… Dans le coeur, dans la peau, par la peau… Allez savoir ! Tout semble pourtant les séparer : l'éducation, les conditions sociales, et surtout la vision de la vie.
« Jusqu'à l'adolescence, nous nous étions toisés comme les représentants de deux espèces inconciliables, lui dans le rôle du gars breton, moi de la Parisienne, ce qui nous donnait la rassurante certitude que nos chemins ne se croiseraient jamais. Il était de surcroît fils de paysan pauvre et moi, fille de touristes, ce qu'il semblait considérer comme notre profession principale et un mode de vie qui ne lui inspirait guère d'estime. »
Mais leurs corps eux, ne semblaient pas faire de distinction d'espèces et voulaient dialoguer…
Ce livre est un hymne au désir, à la passion physique, l'exacerbation des sens, qui transcendent les différences et le temps. L'écriture de
Benoîte Groult sonne juste, elle est sensuelle, réaliste, sensible, avec même des traits d'humour. Il y a aussi quelques réflexions sur l'amour et la vieillesse très lucides. Nos deux amants ne vont pas se croiser « souventes fois » (comme le dirait Gauvain) mais ces rencontres s'inscrivent comme des intermèdes, faites « de premiers jours et de derniers jours », l'histoire d'un amour passionnel qui ne voulait « ni vivre tout à fait, ni mourir pour de bon ». Que d'émotions !
« Quand la vie tient ainsi tout entière dans l'instant et qu'on parvient à oublier tout le reste, on atteint peut-être la plus intense forme de joie. »
...Et un intense moment de lecture !