Cette oeuvre de
David Grossman, comme son titre l'indique, s'inscrit dans le mouvement. le héros, Assaf, adolescent de 16 ans, ne va cesser de se déplacer, le plus souvent en courant, dans la fuite comme dans la quête, à l'image du lecteur qui aura bien du mal à reprendre son souffle tout au long de ce récit qui va l'entraîner sur le chemin initiatique d'un parcours échevelé.
Ce roman se présente un peu comme un conte, comme toujours avec l'auteur israélien profondément ancré dans la réalité, notamment dans la précision accordée aux lieux géographiques, mais dont régulièrement l'intrigue aborde les rivages instables du mirage ou du fantasme.
David Grossman n'a pas son pareil pour faire basculer en une fraction de seconde, au détour d'un dialogue, un événement apparemment anodin ou une situation des plus banales dans une dimension surréaliste.
Tout le roman n'est qu'un long glissement progressif du réel ordinaire et raisonnable vers un monde irrationnel dont la porte a été entrouverte par la naissance du sentiment amoureux et la rencontre de la mystérieuse Tamar.
Assaf travaille l'été pour la mairie. Il est entre autres nounou et promeneur de chiens. Cet animal le relie à l'enfance, est un partenaire de jeux un peu turbulent mais familier. Pourtant, un jour on lui confie un chien perdu, probablement évadé, avec pour mission de retrouver son propriétaire. La balade commence avec l'animal plein d'énergie épris de liberté qui entraîne la mise en mouvement de l'adolescent solitaire qui ne va plus cesser de courir, pour accomplir sa mission, ramener le chien à son propriétaire et le rendre à sa condition domestique. Mais, très vite, Assaf va considérer le chien comme un compagnon de route, un autre lui-même. L'allégorie tient évidemment dans la part d'animalité qui s'impose de plus en plus violemment à l'adolescent, et que celui-ci a bien du mal à canaliser.
La rencontre de Tamar est un bouleversement supplémentaire. Tout est mystère en elle, tout est autre, inconnu, dangereux et attirant. Assaf ne veut pas la laisser échapper, mais elle disparaît sans cesse, se cache dans des grottes, arpente les routes en ignorant la peur. Pour elle aussi, Assaf est un mystère. Son regard lui révèle une féminité qui jusque-là ne l'avait jamais préoccupée. Elle se surprend à étudier ses propres gestes, feindre une attitude. La petite sauvageonne découvre la dépendance affective , les ruses de la séduction et du jeu amoureux.
C'est avec un grand bonheur que nous accompagnons les deux adolescents dans leur périple remuant.
David Grossman sait alterner les scènes d'action dignes d'un road-movie avec les moments d'introspection du couple en devenir. Autour d'Assaf et Tamar gravite une galerie de personnages tous plus insolites les uns que les autres. le ton s'apparente parfois au burlesque, et demeure léger de bout en bout, même si l'émotion est toujours présente dans cette quête d'absolu pour nos héros tourmentés.
«
Quelqu'un avec qui courir » est sûrement l'oeuvre dans laquelle l'auteur a mis le plus de légèreté, grâce à un humour omniprésent, y compris dans les moments plus graves ou sentimentaux.
On sent que l'écrivain s'est replongé avec bonheur dans ses propres souvenirs d'adolescent qui avait tout à découvrir, et le livre refermé sur une fin où tout commence, nous retrouvons avec lui la nostalgie d'un présent que l'on ignorait précieux.
Ce roman plaira aux adolescents, mais les amateurs adultes d'une littérature de haute volée apprécieront tout autant la prose toujours singulière aux ramifications inépuisables de
David Grossman.
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