Suite et fin de la duologie « Jessica », «
Comment sauver un vampire amoureux » réussit le paradoxe de corriger les principaux défauts du premier volume... tout en étant *moins bon*.
Cette fois, point de résumé de quatrième de couverture mensonger, celui-ci en disant même largement... trop, citant des évènements n'ayant lieu qu'à la moitié du bouquin. Au moins, on sait à quoi s'attendre : si le premier volume restait plus qu'évasif sur son univers vampirique, ici, les Aïeux, les clans et les petites magouilles internes sont au coeur de l'intrigue. Un bon point, donc. Après la légèreté de «
Comment se débarrasser d'un vampire amoureux », l'ambiance vire ici à 180° et se révèle beaucoup plus sombre et sérieuse. Jess est désormais princesse en Roumanie... mais Jess est toujours Jess : Américaine. Élevée en tant que telle. Incapable de baragouiner trois mots de roumain, même pour se commander à manger. Déracinée. Alors oui, Jess (ou plutôt Antanasia) se montre assez passive pendant une bonne partie de l'intrigue. Paumée. Elle pourrait être agaçante, mais en réalité, son comportement s'avère plutôt crédible dans ce presque nouveau monde où Lucius est son seul repère. Alors, une fois sans repère du tout... Définitivement,
Beth Fantaskey est douée pour écrire des personnages crédibles et humains, même lorsqu'il s'agit de vampires.
L'autre défaut majeur du tome précédent était l'absence d'enjeux annexes en dehors de la romance. Ici, c'est elle qui passe au second plan, même si le couple princier se montre plus culcul-la-praline que jamais, à coups de grandes déclarations dramatiques. le principal fil rouge de ce volume est donc un complot formé contre Lucius. Dommage que la correction de cette lacune se fasse au prix de l'apparition d'une autre ! L'on en devine en effet d'emblée les tenants et aboutissants tant les ficelles sont grosses et les indices peu discrets... Néanmoins,
Beth Fantaskey ne confirme nos doutes qu'à la toute fin. Il faut avouer qu'on ne peut pas vraiment dire que les personnages « enquêtent », ni se creusent réellement la tête pour tenter de comprendre ce qui a pu se produire. Antanasia n'est pas la seule à se montrer passive, engluée dans ses propres problèmes.
Côté narration, on retrouve le côté épistolaire qui faisait tout le charme du premier volume. Aux voix d'Antanasia et Lucius s'en ajoute également une troisième : celle de Mindy, la meilleure amie de Jess. Et c'est là que le bât blesse. Parce que d'un côté, Mindy est géniale et, à l'instar de Jess, crédible. Toujours aussi frivole, se fiant à son Cosmo pour la guider dans la vie, elle apporte une bouffée d'air frais bienvenue au milieu de ce château gothique peuplé de vampires trop sérieux.
De l'autre, elle est liée au plus gros problème narratif de ce tome. Souvenez-vous : la dernière fois que l'on avait entendu parler de Mindy, elle et Jess n'étaient plus en très bon termes après que la jeune femme ait pris peur suite aux rumeurs vampiriques courant sur son amie. Et là, on la retrouve... au courant de tout. Pire, on a sérieusement l'impression d'avoir loupé un épisode, puisqu'on apprend dès le début, sans véritable explication, qu'elle est sortie brièvement avec le cousin de Lucius. Certes, la suite du roman nous éclaire un peu sur ce qu'il s'est passé, mais les allusions constantes à des évènements que l'on a l'impression de devoir connaître laissent dans la première moitié du livre un sentiment bizarre. A tel point qu'au bout d'un moment, n'y tenant plus, j'ai dû aller vérifier si je n'avais pas loupé un tome. Mais non, il s'agit pourtant bien d'une duologie...
Avec Mindy apparaît donc un nouveau personnage, même si lui n'a pas droit au chapitre : Raniero, le cousin de Lucius, garant de la touche écolo-hippie maintenant que les parents adoptifs de Jess ne font plus partie du récit. Et il est sympa, Raniero, même si son côté torturé entre ombre et lumière a un méchant arrière-goût de déjà-vu. On y a déjà eu droit avec Lucius la dernière fois, et en bien plus développé. le fait de ne pas avoir accès à ses pensées, mais uniquement à ses paroles et ses actes renforce ce sentiment de « Lucius bis » alors que son parcours est pourtant totalement différent.
Encore plus gros hic, ces nouveaux éléments semblent oublier en route le tome précédent ! Alors que dans le premier, on nous faisait bien comprendre que Lucius avait été élevé par Vasile, ici, on nous dit que les deux garçons ont été formés par Claudiu. Vasile, on ne le mentionne nulle part ou presque. En résulte une méchante impression de faux raccord, comme s'il avait fallu lier deux histoires sans rapport l'une avec l'autre. de fait, celle-ci aurait pu être exactement la même avec des protagonistes totalement différents. Ce qui aurait peut-être mieux valu niveau cohérence, en fin de compte...
Enfin, outre le manque de cohérence global, le découpage des chapitres, déjà très courts dans le premier volume, vire cette fois au n'importe quoi. le découpage ne se base pas seulement sur les évènements ni les changements de narrateur, mais coupe parfois en plein milieu de l'action sans raison. Si encore c'était pour aérer la lecture, couper des chapitres trop longs... mais non, c'est même tout l'inverse. Il ne s'agit certes que d'un blanc à sauter dans le texte, mais ça hache malgré tout la lecture. Pourquoi faire des chapitres ne dépassant parfois guère les deux ou trois paragraphes ?
C'est dommage parce qu'en soi ce n'est rien du tout, mais pourtant ça n'aide paaaaaaas !
Bref, on passe d'une paranormal romance un peu décalée à un récit fantastique plus sérieux, plus posé, même si plus classique et hélas toujours aussi prévisible, corrigeant les défauts du tome 1 mais écopant de nouveaux, finalement plus gênants, au passage. Et que dire de cette fin super rapide, certes agréable mais bien trop précipitée pour une fin de série, et n'apportant même pas une lumière définitive sur le destin des personnages ? Peut-être Beth Fantaskey s'était-elle laissée la possibilité d'une suite, même si à ce stade, on ne voit pas trop ce qu'il pourrait rester à raconter...
Quoi qu'il en soit, Jessica, c'était une duologie vampirique assez rafraîchissante, avec des personnages très bien écrits, avec certes des défauts, mais aussi des qualités pour les contrebalancer et rendre la lecture toujours plaisante, en fin de compte. Pas inoubliable, mais plaisante.