Quels textes!!!
Les éditions
Bruno Doucey abritent plus d'une perle, en voilà une avec «
Fragments de la maison».
J'avoue que souvent les écritures venant du Maghreb et du Moyen Orient m'habitent longtemps après une lecture. La poésie d'
Habiba Djahnine vient de se faire une place bien au chaud dans les combles de ma mémoire.
Fragments de la maison ou comment une histoire d'amour peut-elle renaître de ses cendres.
Une histoire d'amour, entre une terre et
Habiba Djahnine, déchirée par la guerre, souillée par les barbus. Une histoire d'amour, entre l'auteure et la vie, bafouée par la folie des hommes.
L'histoire d'un adultère où la nature humaine offense le moindre signe d'intelligence, là où le coup de bâton répond au coup de coeur. Un conte défait dans lequel des bris de vers s'élèvent contre la résignation.
L'espoir en ruine, comment reconstruire quelque chose, comment retrouver la confiance en cette ville, en ce pays, en l'autre, en soi?
Fragments pour cette femme blessée, pour cette femme faite aujourd'hui de chair et de sans.
"Ce matin à l'aube
Je découvre mon pays
Sous une chaleur arrogante
J'avance lentement
Vers les espaces connus
Je découvre soudain
Ses sentinelles
Silencieuses et alertes
Ce matin à l'aube
Je découvre mon pays
Et l'impossible memorium
Pourtant les morts sont nombreux
Nommés ou non martyrs
Ce matin à l'aube
Je découvre nos morts tout près de nous
Ils refusent les faux semblants de l'histoire
Ils s'érigent en sentinelles invisibles
Ils veillent sur nos mémoires
Ils veillent sur nos amnésies. "
Quelques éclats de vers et la nature reprend ses droits…
"Nous n'avons pas encore exhumé des décombres nos mémoires douloureuses face à ceux qui ont déjà décrété l'impossible réconciliation.
Sans pardon, sans regret, sans repentance.
Tout se passe à l'endroit précis où se pose délicatement l'aile d'un moineau.
Moineau qui, lui, connait si bien l'envol et la liberté.
Cette chose délicate, sensible.
L'infime poésie qui explose comme le plus terrible des volcans.
Car le moment est venu. Plus rien ne peut retarder l'éruption!"
Habiba et Alger, comme deux amants séparés contre leur gré, longtemps, trop longtemps. Ils se redécouvrent, lentement, difficilement, osant à peine un regard, un effleurement. Chaque page est une main tendue vers l'autre. Chaque mot d'
Habiba Djahnine est comme une caresse adressée à la vie avec ses doutes et ses espoirs. Chaque lettre est un murmure du bout des doigts, tour à tour sensuel, triste, charnel, nostalgique, désenchanté, espérant.
Fragments de la maison, c'est l'histoire d'un amour consumé. Reste de magnifiques braises que l'auteure ravive sans artifices, juste avec ses tripes, avec son coeur, avec son âme. Une poésie en liberté, elle aussi.
Ce recueil est un cri de plus, nécessaire encore une fois. Pas nécessaire pour ne pas oublier mais pour rester en conscience d'un présent qui pousse à l'indignation et à la révolte un peu partout. Nécessaire aussi pour garder à l'esprit qu'une guerre ne fait que des perdants, quel que soit le camp, quel que soit l'endroit, quelle que soit la cause.
Merci Sirenna de m'avoir mis ce livre entre les mains.