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EAN : 9782354802639
352 pages
Editions Amsterdam (07/04/2023)
5/5   4 notes
Résumé :
A l'heure où les procès en "wokisme" se multiplient, une approche résolument féministe de la littérature. Au sein du patrimoine littéraire français comme dans les fictions contemporaines, il est un motif dont le traitement ne cesse de surprendre : celui de la passion. Confondue - parfois à dessein - avec l'amour, elle est le masque sous lequel se dissimulent toutes sortes d'abus : des manipulations constitutives de la séduction aux situations d'emprise, des dynamiqu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Fidèle auditrice du podcast "Qui a peur du féminisme ?", j'ai attendu avec impatience la sortie de cet ouvrage, fruit de la collaboration des deux créatrices du podcast, Elodie Pinel et Marie-Pierre Tachet avec Sarah Delale, docteure en littérature. Avec ces trois autrices ce sont donc des compétences en philosophie, sciences de l'éducation et littérature qui sont conjuguées, ainsi qu'un solide engagement féministe.

La démarche est donc hyper structurée sur le plan intellectuel et cela se ressent à la lecture, passionnante et parfois exigeante. Dans ma vie de lectrice ce livre sera marquant, car il vient poser des mots sur bien des réflexions ou des malaises, le sentiment de ne pas saisir exactement ce dont il est réellement question, le décalage entre ce qui est dit du livre et donc attendu, et ce que nous lisons. Je me souviens mon dégoût De Maupassant au collège, mon désarroi face à Heathcliff et à la claustration d'Albertine dans la Recherche du Temps perdu, d'une perception insaisissable en lisant Duras, de mon incompréhension totale de l'intrigue du Rouge et le Noir.

Pour en finir avec la passion aborde effectivement de très grands classiques de la littérature française ou européenne, de ceux que l'ont nous présente au lycée comme des monuments, et dont finalement la plupart des gens parlent sans les avoir réellement lus. Ou alors partiellement, ou bien encore, avec des préjugés qui en brouillent la réception. La construction culturelle du mythe de la passion amoureuse n'est pas le moindre.

Car la passion est la clef d'interprétation proposée à ces jeunes gens / filles qui lisent à l'adolescence ces textes, qui traitent finalement de sujets dont il est souhaitable qu'ils n'aient pas l'expérience nécessaire pour leur faire face... On peut penser légitimement qu'il y a une forme d'abus de faiblesse quand toute une société s'emploie à cultiver la naïveté et faire passer l'abus pour l'amour, en cultivant des mythes littéraires qui viennent entretenir le déni de ce dont ils sont le signe.

C'est effectivement cela dont il s'agit au fil des chapitres alors que nous revisitons Don Juan, Hurlevent, le Rouge et le Noir, la Prisonnière, la Princesse de Clèves, Manon Lescaut, Bel Ami et bien d'autres encore... Ainsi que leurs réinterprétations au cinéma, opéra ou dans des Séries.
La grande force de l'argumentation des autrices est de s'appuyer sur une connaissance approfondie des textes et des procédés littéraires, mais aussi sur une réflexion nourrie des apports des sciences humaines qui permet de détecter et de nommer ce dont il est réellement question au delà de l'image projetée sur un classique.

Un livre qui connaîtra j'espère une grande postérité car il aide à entrer dans un rapport plus authentique à la littérature. Et à titre personnel, j'attends et souhaite le même type de démarche de déconstruction, dans le monde catholique, en ce qui concerne les hagiographies. On pourrait presque garder le même titre...
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J'ai d'abord lu ce livre pour faire plaisir à une amie. J'étais hésitant car je ne suis pas du tout spécialiste de littérature française. J'ai été agréablement surpris car le livre se lit très bien même si on n'est pas expert et même si on n'a pas lu la majorité des livres dont il est question. Ce ne sont que des exemples et on peut facilement transposer les questions posées sur la réception à d'autres oeuvres de fictions, y compris des films et des séries. Je m'attendais à un ouvrage très abstrait et théorique, or c'est presque tout le contraire. Les descriptions de l'emprise, du harcèlement, la mise en évidence des mécanismes de la violence fonctionnent dans la réalité, dans le couple, la famille ou au travail. Pour en finir avec la passion montre qu'on peut aussi bien ignorer les signes de la violence dans la vie que dans une histoire qu'on lit ou regarde… et dans la vie, c'est très dangereux. Bref, c'est un livre très utile.
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C'est passionnant de relire des oeuvres littéraires avec un regard neuf. Cet essai est facile à lire et très intéressant. J'ai aimé changer de regard sur ces textes étudiés et cela m'a donné envie d'en relire certains sous un autre angle. Je suis du coup en train d'écouter la Princesse de Clèves et de relire la duchesse de Langeais. Il n'est pas nécessaire de les avoir lu pour comprendre le propos. L'idée est de déconstruire le discours littéraire autour de certains romans qui présente ces oeuvres comme des histoires d'amour alors que les comportements des protagonistes sont problématique et peuvent être abordés autrement.
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critiques presse (1)
LeMonde
13 juin 2023
Bien plus que l’amour, c’est la passion qui, selon Sarah Delale, Elodie Pinel et Marie-Pierre Tachet, constitue le motif littéraire par excellence. Or, poursuivent les trois chercheuses, ses expressions littéraires dissimulent des comportements manipulateurs, voire criminels.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Par-delà le seul chevalier c'est toute une societé qui prostitue ainsi ses filles par les mariages arrangés ou par les liaisons consenties des jeunes hommes bien nés avec des jeunes filles de basse naissance. Pute légale (la femme mariée de force), pute qui n'est pas désignée comme telle (la maitresse, argentée ou non) ou pute tout court (la prostituée des rues ou des bordels): la seule chose qui differe, au XVIIIe siècle, c'est le contrat signé au départ.
Manon, au XVIIIe siècle et au-delà : nous sommes encore traversées par de telles représentations, nous qui subissons encore le « complexe de Cendrillon », qui sommes enjointes à attendre notre « prince charmant » et incitées à nous modeler, adolescentes, sur des films comme Pretty Woman plutôt que sur Breakfast at Tiffany.
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Ce qui nous ramène à notre point de départ: il n'est pas si facile de nous défaire de nos habitudes de lecture et de voir, au moment où nous les lisons et les visionnons, à quoi tiennent les vraies histoires d'amour.
D'abord, il faut démasquer les fausses romances. Cet essai a mis en lumière des femmes qui disaient non mais que personne n'écoutait. Comment s'étonner de découvrir ensuite des relations toxiques rebaptisées passion ou amour libertin? Au lieu d'héroines comblées, nous avons trouvé des femmes étouffées par la jalousie, humiliées et finalement oubliées, car les règles du jeu en amour, sentimental comme physique, sont pipées et pétries de stéréotypes: le prince charmant inatteignable, le bandit au grand coeur, la femme sacrificielle, la lolita perverse, la femme fatale.. On a vu comment cette ambigüité du discours sur la passion amoureuse euphémisait les abus. Un tel discours peut amener à minimiser ou à ignorer des crimes, en particulier ceux qui relèvent du viol, de la pédophilie et du féminicide.
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En France, chaque époque du milieu littéraire a eu son dieu des fontaines. Au XIVe siècle, c'était Jean de Meun. L'entre-deux guerres adulait Stendhal, I'après-guerre vénérait Flaubert qui a cédé la place au culte de Proust. L'époque qui a proclamé la mort de l'auteur et vécu la libération des moeurs a trouvé, en Proust, une autorisation esthétique. L'art pour l'art a permis à beaucoup de gens d'abuser et d'exploiter, puis de raconter ces abus et ces exploitations pour les enfermer dans un tabou. Quand c'est l'abuseur qui raconte comme dans la tache de Stroop, en disant que le rouge s'appelle bleu, l'abusé(e) perd doublement l'accès à la parole. L'esthétique sans éthique a permis dans les milieux artistiques le triomphe culturel de la Barbe Bleue: c'est une part de ce qu'on appelle la culture du viol.
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Quand certaines personnes refusent d'entendre un probleme qui, pour d'autres personnes, existe réellement, c'est que ce probleme touche à un tabou. Et le fait que la littérature imite le réel et parle du réel est un tabou très fort dans notre culture actuelle. Sans doute parce que les abus sont eux aussi un tabou social, et qu'on voudrait qu'ils filtrent le moins possible dans les discours.
Revendiquer une suspension de la morale en littérature, enjoindre le lectorat à se concentrer uniquement sur le style et à se détourner du contenu, c'est donc encore un geste moral - un geste qui concerne bien plus le réel que la fiction. C'est tout simplement imposer une morale implicite qui ne devra jamais être discutée ni critiquée : une morale qui doit être ingérée le plus inconsciemment possible en s'extasiant sur la beauté du langage.
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La loi légifere sur des faits : elle ne peut sévir contre le harcèlement moral qu'à partir du moment où suffisamment d'actes se sont accumulés. Plus la victime sera détruite psychiquement, plus une affaire aura de chances d'aboutir. Plus le harcèlement moral est bref ou diffus, plus il a de chance d'être banalisé par la société.
C'est pourquoi la recherche socio-médicale est précieuse dans I'anaIyse du harcèlement, dont les variétés ont en commun des structures de comportement.
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