Fidèle auditrice du podcast "Qui a peur du féminisme ?", j'ai attendu avec impatience la sortie de cet ouvrage, fruit de la collaboration des deux créatrices du podcast,
Elodie Pinel et
Marie-Pierre Tachet avec
Sarah Delale, docteure en littérature. Avec ces trois autrices ce sont donc des compétences en philosophie, sciences de l'éducation et littérature qui sont conjuguées, ainsi qu'un solide engagement féministe.
La démarche est donc hyper structurée sur le plan intellectuel et cela se ressent à la lecture, passionnante et parfois exigeante. Dans ma vie de lectrice ce livre sera marquant, car il vient poser des mots sur bien des réflexions ou des malaises, le sentiment de ne pas saisir exactement ce dont il est réellement question, le décalage entre ce qui est dit du livre et donc attendu, et ce que nous lisons. Je me souviens mon dégoût
De Maupassant au collège, mon désarroi face à Heathcliff et à la claustration d'Albertine dans la Recherche du Temps perdu, d'une perception insaisissable en lisant
Duras, de mon incompréhension totale de l'intrigue du Rouge et le Noir.
Pour en finir avec la passion aborde effectivement de très grands classiques de la littérature française ou européenne, de ceux que l'ont nous présente au lycée comme des monuments, et dont finalement la plupart des gens parlent sans les avoir réellement lus. Ou alors partiellement, ou bien encore, avec des préjugés qui en brouillent la réception. La construction culturelle du mythe de la passion amoureuse n'est pas le moindre.
Car la passion est la clef d'interprétation proposée à ces jeunes gens / filles qui lisent à l'adolescence ces textes, qui traitent finalement de sujets dont il est souhaitable qu'ils n'aient pas l'expérience nécessaire pour leur faire face... On peut penser légitimement qu'il y a une forme d'abus de faiblesse quand toute une société s'emploie à cultiver la naïveté et faire passer l'abus pour
l'amour, en cultivant des mythes littéraires qui viennent entretenir le déni de ce dont ils sont le signe.
C'est effectivement cela dont il s'agit au fil des chapitres alors que nous revisitons Don Juan, Hurlevent, le Rouge et le Noir, la Prisonnière, la Princesse de Clèves, Manon Lescaut,
Bel Ami et bien d'autres encore... Ainsi que leurs réinterprétations au cinéma, opéra ou dans des Séries.
La grande force de l'argumentation des autrices est de s'appuyer sur une connaissance approfondie des textes et des procédés littéraires, mais aussi sur une réflexion nourrie des apports des sciences humaines qui permet de détecter et de nommer ce dont il est réellement question au delà de l'image projetée sur un classique.
Un livre qui connaîtra j'espère une grande postérité car il aide à entrer dans un rapport plus authentique à la littérature. Et à titre personnel, j'attends et souhaite le même type de démarche de déconstruction, dans le monde catholique, en ce qui concerne les hagiographies. On pourrait presque garder le même titre...