Réinventer l'amour

On peut reconnaitre à Mona Chollet le mérite de l'ambition en intitulant son essai "Réinventer l'amour", comme un vaste programme, voire un état des lieux. Et on pense pourquoi ? Une chose cependant incite à se méfier : ses précédents ouvrages n'ont pas toujours brillé par la rigueur des sources ou la qualité de l'écriture, mais ils ont su arriver au bon moment, capter un air du temps qui les ont rendu très populaires sans que l'on sache si cela était par opportunisme ou véritable qualité intellectuelle. Après s'être attaqué aux diktats de la beauté physique, à essayer de réhabiliter la figure de la sorcière, Mona Chollet choisit de traiter un sujet très en vogue depuis deux/trois ans : le patriarcat responsable de la déconfiture du couple hétérosexuel, voire des amitiés hétérosexuelles.
Or quand on titre "Réinventer l'amour", le lecteur s'attend à plus que des injonctions d'ordre de la pensée magique du style "imposons de penser comme ça et c'est sûr que ça suivra". L'auteur passe plus de temps à se plaindre, récriminer, dresser un état des lieux... qu'à donner de véritables pistes inspirantes. Elle se perd en anecdotes interminables (voir l'inénarrable passage à propos de ses bottines plates vegan ou le passage où elle écrit une petite romance érotique et s'étonne que elle, une féministe puisse être au niveau E.L James!), et passe plus de temps à prendre des exemples people pour fustiger tout à tour l'orientalisme en niant l'intimité des personnes dont elle parle (au passage, quid des hommes noirs qui ont tout autant le fantasme de la femme blanche par exemple ? C'est étrangement évacué), les comédies romantiques etc. Ca commence à être pénible ces auteurs qui confondent billet d'humeur sur Instagram et travail de fond (Pauline Harmange n'était pas reste sur son Moi, les hommes je les déteste).
Le plus consternant, c'est sa manière de recourir systématiquement à des exemples littéraires en faisant des contresens permanents. le plus criant étant le moment où elle se penche sur le cas de Histoire d'O, traitée - sans rire ! - de "catéchumène ectoplasmique" ! Mona Chollet prétend parler à la place de Dominique Aury/Pauline Réage en disant qu'elle a été ensevelie par l'énorme ego de Jean Paulhan. Feint-elle d'ignorer, que des deux, des bien Pauline Réage dont on se souvient le plus aujourd'hui ? Que cette femme de lettres a divorcé d'un premier mariage maltraitant à une époque où cela ne se faisait pas, qu'elle conduisait, a eu une passion très forte pour une autre femme en plus des hommes et a mené sa barque dans le milieu littéraire de manière admirable ? En fait, ce qui déplait à Mona Chollet, c'est le fait que Dominique Aury... ait aimé vivre dans l'ombre plus que la lumière, niant son goût des masques, de la pudeur, occultant complètement l'humour et l'esprit dont elle est pourvue, tellement présent dans son livre d'entretiens avec Régine Deforges... Qu'elle cite pourtant et dont on peut légitimement douter qu'elle ait lu, se contentant de piocher ce qui va dans son sens !
Elle aime particulièrement tordre les exemples culturels pour les retourner à son avantage : quand elle évoque 37°2 le matin et assène que lorsque Zorg étouffe Betty avec son oreiller, c'est pour étouffer la bestialité et le chaos qu'elle représente et se consacrer à sa noble tâche d'écrivain (!!!!!), on ne peut que douter de l'exactitude des références qu'elle prétend expliquer ensuite.
On remerciera néanmoins l'auteur pour son conseil de visionnage de The marvelous Mrs Maisel qui parait très sympathique. C'est cependant très maigre pour un ouvrage qui coûte 20€...