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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
D'autres vies que la sienne

Depuis La classe de neige, Emmanuel Carrère a délaissé le genre romanesque. Comme il l'explique lui-même, il met désormais son talent au service de ceux qui méritent de faire entendre leur voix. Véritable passeur d'histoires, il excelle dans cet exercice avec D'autres vies que la mienne, en nous rapportant le combat de deux juges pour la reconnaissance du droit des victimes dans les affaires de surendettement.

De justice, il en est encore question dans V13, nom de code du procès des attentats du 13 novembre 2015, série d'attentats les plus sanglants - les plus horribles devrais-je écrire - perpétré sur le sol français. Sa seule évocation me traverse d'effroi et me replonge dans cet état d'hébétude et d'épouvante qui était le mien en sortant de l'opéra ce soir-là lorsque j'appris à la radio, dans le confort de ma voiture, la tragédie en cours à Paris.

Suis-je capable de me confronter à un tel niveau d'horreur? C'est dans un état d'esprit similaire qu'Emmanuel Carrère accepte de suivre ce procès pour le compte de L'Obs à qui il rend une chronique par semaine ; toutes rassemblées pour en constituer ce livre.
Évacuons d'ailleurs tout de suite sa principale faiblesse : il s'agit bien d'un recueil qui n'évite pas les redondances et redites en fonction de l'inspiration de son auteur à remplir le quota de signets requis à la semaine. C'est le seul bémol que j'apporterais à cet ouvrage.

Car pour le reste, j'ai retrouvé les talents de conteur de Carrère qui nous rend le caractère hors-normes de ce méga-procès pour lequel une salle d'audience a été spécialement construite au sein de la Cour d'Assise de Paris afin de pouvoir y abriter les débats des 330 avocats au service de 14 accusés et de 1756 personnes physiques ou morales constitués parties civiles ; le dossier d'instruction étant lourd de 542 tomes.

La beauté absolue de ce livre est qu'il rend la parole aux victimes, que l'audience a libérée. Et de toutes les victimes…autant de celles qui ont les mots et la prestance pour s'exprimer devant une Cour d'Assises, que des autres, de celles pour lesquelles c'est plus difficile, mais aussi de celles qui ont des propos racistes, loin du slogan “vous n'aurez pas ma haine”.
Les récits judiciaires donnent souvent la belle part aux accusés ; le Mal fascine, on souhaite en comprendre les rouages, ce qui conduit à le déclencher. C'était l'approche de Carrère dans L'adversaire et dans une certaine mesure, je pense aussi à de sang froid de Truman Capote, d'une noirceur absolue. Ici, les victimes, quelque soit leur statut, font l'objet de beaux portraits, comme celui de Nadia Mondeguer, à qui il rend toute leur dignité.

Carrère sublime aussi l'Institution judiciaire en rendant hommage à la dignité et à l'intelligence de ceux qui l'incarnent ; au premier chef, le Président Jean-Louis Périès. On pourrait lire de l'ironie dans sa description en “prof de lycée à l'ancienne, sévère de prime abord mais avec un bon fond” mais il s'agit de la distance respectueuse vis-à-vis de celui qui va tenir les débats avec autorité.

Quant aux accusés, ils n'auront pas notre haine…mais notre mépris le plus profond. Car les magistrats ont fait leur job, ils ont bien fouillé le profil psychologique de ces types, leur parcours scolaire, leur vie amoureuse, leurs débuts professionnels, afin d'y déceler un début d'explication, de rendre intelligible l'incompréhension, un faisceau de lumière dans cet abîme de malheur. En fait, il n'y a rien; ça reste des pauvres types.

J'ai lu ce livre d'une traite en une soirée. J'admire chez Carrère sa capacité à écrire simplement et à toucher au plus juste, au coeur.
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V13 d'Emmanuel Carrère

V13 : le nom de code du procès des attentats du 13 novembre 2015 auquel l'auteur a assisté. C'est l'horreur décrite avec une sensibilité d'écrivain.

Mais alors qu'il s'agit d'attentats commis par des musulmans radicalisés, Carrère tient à nous redire qu'il est de gauche et que sa grande inquiétude est le suprémacisme blanc. Il lui faut parler de Breivik, mentionner le Pen, dénoncer le profilage racial, etc. La question n'est pas de savoir s'il a raison ou non mais de se demander si le contexte se prête à ce genre de réflexion qui semble avoir pour but de démontrer qu'il est un grand humaniste. Avec lui, ce n'est pas « vous n'aurez pas ma haine » mais « je vous comprends ».

Le prochain grand attentat – car il y en aura forcément un – pourrait venir non pas des jihadistes mais de leurs émules et ennemis jurés : les suprémacistes blancs. p85

Ce que je trouve dommage, c'est d'avoir oublié que cette attente serait pénible aussi pour les accusés. p332
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Ces derniers temps j'ai lu beaucoup d'ouvrages de Carrère, en commençant par Yoga et en remontant le fleuve à l'envers. Je craignais, en ouvrant V13, de retrouver l'auteur d'Un roman russe plutôt que celui de D'autres vies que la mienne. Je me trompais du tout au tout. Ici Carrère s'est effacé, quasi totalement, derrière son sujet. Ses interrogations, ses incompréhensions, son besoin de comprendre sont aussi les nôtres. Par contre il redonne une voix aux victimes, à toutes les victimes, quelle que soit leur prise de position. Et il rend compte, avec une grande justesse, pour ce que j'en comprends, du déroulé du procès. Étrangement j'ai eu la sensation d'un récit déstructuré, alors qu'il est en réalité rigoureusement construit. Sans doute parce-que j'aurais aimé qu'il approfondisse plus, qu'il développe, mais ça n'est justement pas le sujet de ce livre, et il s'y est tenu. Par contre il donne beaucoup de références, cite nombre d'ouvrages qui permettraient sans doute d'avancer dans la réflexion, une ébauche de pensée sur l' inconcevable.
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Dans un récit immersif, Emmanuel Carrère raconte sa traversée du procès des attentats du 13 novembre 2015.

Journaliste pour l'Obs il a suivi pour l'hebdomadaire le procès organisé de septembre 2021 à juin 2022. Pendant dix mois, il a assisté chaque jour à ce procès hors norme et nous propose d'en suivre chacune des étapes. Avec un style très journalistique, il nous propose le récit de l'audition de certaines parties civiles, des accusés ou évoque l'organisation de la Cour.

Si ce récit n'est pas exhaustif, il permet cependant de nous offrir une chronique documentée et factuelle sur l'organisation du procès. Ce livre dévoile aussi son ressenti et ses questionnements sur cette expérience forte mais également éprouvante.

Je ne peux que recommander cet éclairage pour ceux qui auraient souhaité en savoir davantage sur cette traversée judiciaire.
Lien : https://memoiresdelivres.wor..
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Emmanuel Carrère nous raconte souvent sa vie en racontant celle des autres. Cette fois-ci, il nous raconte celle de l'Humain. Carrère décortique pour nous les rouages de ce procès hors du commun, nous raconte des bribes de témoignages et partage avec nous son analyse – honnête et rigoureuse (on a connu Carrère moins objectif que ça) - des faits, des gens. L'analyse des gens mêlés à ce procès - témoins, victimes, forces d'intervention, complices ou accusés – dessine le portrait d'un monde contemporain, où, comme toujours, le pire se mêle au meilleur. Un Carrère « bon cru », sur un sujet douloureux.
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