Pour sauter joyeusement de 2022 à 2023 entre une grippe et une gastro (vie de m....), j'ai néanmoins eu la chance d'être sélectionné par Babelio pour faire une chronique sur cet essai scientifique de Nathalie Cabrol sur les extraterrestres.
Alors, je vous arrête tout de suite. Si jamais vous souhaitez vous lancer dans un livre racontant des histoires de soucoupes volantes, orientez vous plutôt vers les ouvrages célèbres de
Jean-Claude Bourret comme "la nouvelle vague des soucoupes volantes", un peu daté (1974) mais qui vaut son pesant de soupe aux choux.
Ici, on est sur de la science. de la vraie science, de la dure, un mélange d'astronomie, de chimie, de physique, de géologie, de biologie... Autant dire que celui qui comprend tout dans le détail pourra balancer son CV à la NASA dans la foulée. Ils cherchent des têtes d'ampoules.
Pour ma part, j'ai vite compris que la NASA devrait se passer de moi. Je me suis humblement contenté de choper l'esprit global de cette bible pour en sentir les enjeux fondamentaux et aussi pour me convaincre de l'utilité d'investir des sommes aussi astronomiques dans la recherche de la vie ailleurs dans l'univers.
Si on se limite à cet objectif raisonnable pour tout moldu moyen, on peut dire que l'exercice est assez réussi.
Ce qui frappe le plus pendant la lecture, c'est que la compétence première pour être un champion interstellaire en astrobiologie semble être la maîtrise du conditionnel. Si on prend comme hypothèse machin truc, alors il se pourrait que bidule chose. Mais si truc muche tourne autour de fanfreluche, alors la vie serait plus difficile.
C'est une discipline dans laquelle il y a assez peu de certitudes et beaucoup de suppositions. Cela dit, il faut être indulgent et ne pas tirer sur l'ambulance car c'est une branche de la science finalement assez récente. Chaque découverte rend les experts aussi excités qu'un chasseur de pokemon attrapant Pikachu pour la première fois. C'est émouvant.
Et puis, on découvre aussi des nouveaux mots comme accrétion, circumbinaire ou panspermie. Pour ce dernier mot, hé non, ce n'est pas une éjaculation précoce, bande de petits coquins ! Il s'agit de la théorie, de plus en plus en vogue, qui dit que la vie ne serait pas apparue directement sur terre mais qu'elle serait venue de l'espace par une météorite. Une sorte de contamination extraterrestre ! Oui oui, nous serions des aliens. Sigourney, si tu nous entends !
Quoi qu'il en soit, la première moitié du bouquin est ... détaillée, peut-être un peu trop. L'indigestion n'était pas loin. Elle s'attache à présenter l'état des connaissances scientifiques sur Venus, sur Mars, sur les lunes de Jupiter. On découvre aussi que Pluton (l'ex-9e planète du système solaire, rétrogradée recemment, bichette, au rang de "planète naine") pourrait être une merveilleuse candidate pour développer une certaine forme de vie malgré son éloignement par rapport au soleil. C'est sans compter également sur les données collectées grâce à l'observation par télescope des fameuses exoplanètes (planètes tournant autour d'une étoile autre que le soleil). Un travail de fourmi extraterrestre compte tenu de la quantité indéfinissable d'exoplanètes existant dans l'univers.
Ah tiens, en parlant d'extraterrestres, il a quand même fallu attendre le chapitre 10 pour avoir un premier élément de réponse à la question qui nous turlupine tous : est-ce que les petits hommes verts existent ?
Pour y répondre, Nathalie Cabrol nous remémore l'équation de Drake qui permet d'évaluer le nombre de civilisations détectables au-delà du système solaire. A noter que cette équation est présentée comme l'équation la plus connue après E = mc2 d'Einstein ... Oups ... Je savais que j'aurais mieux fait d'aller en cours de sciences plutôt que de jouer au baby-foot à la cafet. Et pourtant, d'après l'auteur, l'affaire est pliée : "Avec un minimum de 300 millions d'exoplanètes potentiellement situées dans la zone habitable de leur étoiles parentes, seulement dans notre galaxie, penser que nous sommes seuls dans cet océan cosmique est tout simplement une absurdité statistique."
Mais alors, Watson, pourquoi on ne les a pas encore rencontrés, ces aliens ? L'hypothèse la plus probable serait que les extraterrestres sont tellement différents de nous qu'il nous serait impossible de les reconnaître ou de déchiffrer leurs signaux. L'autre hypothèse serait qu'ils sont tellement supérieurs à nous qu'ils préfèrent ne pas intervenir et de se contenter de nous regarder comme des animaux dans un zoo. Ça se défend aussi ...
Quant aux OVNIs, la réalité rattrape la fiction puisque le congrès américain a demandé la création d'un bureau officiel, au sein du pentagone, chargé de collecter et d'analyser les données relatives aux phénomènes aériens non identifiés, dans "le désir de préserver la sécurité de la nation". Ça commence à devenir chelou là. La théorie du complot n'est pas loin !
Quant à la dernière partie du livre, on bascule franchement dans le sublime, dans la philosophie, dans la transcendance. Et c'est peut-être là que ce bouquin prend toute sa splendeur puisqu'il requestionne la limite entre le vivant et le non vivant, propose des biochimies "alternatives", discute du rôle du hasard dans tout ça, de l'origine de la vie et de sa relation avec l'environnement (Gaia = Pandora ?), de la mutation spontanée des gènes laissant entendre que la vie répondrait aux lois de la physique quantique, de la nouvelle forme de vie que pourrait être l'intelligence artificielle, le transhumanisme ou les xenobots.
Du lourd !
Et pour finir cette chronique sur une note optimiste, je vous propose un extrait du chapitre conclusif qui se suffit à lui-même pour comprendre qu'on n'a pas le cul sorti des ronces :
"
"La nature de la vie sur Terre et la recherche de la vie ailleurs sont les deux faces d'une même question : la recherche de qui nous sommes", a dit
Carl Sagan.
Mais qui sommes-nous, Carl ?
Cette question revient sans cesse et de façon toujours plus urgente, alors que nous ignorons les signes d'une planète qui change - le ciel rouge sang rempli de la suie des forêts en feu, la vie marine étouffée par l'assaut de la pollution plastique jusque dans la fosse des Mariannes, les glaciers et les calottes polaires qui disparaissent, les sécheresses extrêmes, les cours d'eau pollués, les exodes et les guerres dus au climat et, une fois de plus, la montée du fascisme. La réponse à la question de savoir qui nous sommes à ce moment précis de notre histoire consiste autant à comprendre qu'elle est l'origine de la vie dans l'univers qu'à nous regarder dans un miroir et à décider si nous sommes destinés à perdurer en tant que civilisation ou bien à disparaître, et ceci avant même d'avoir eu la chance d'exprimer toute la beauté qui est en nous - notre amour et notre compassion, notre art et notre ingéniosité, notre curiosité sans limite. Nous sommes à la croisée des temps et nous devons décider de notre avenir en tant qu'espèce et en tant que civilisation."
Voilà voilà ...
Non mais sinon, c'est passionnant. C'est un peu compliqué ... mais c'est passionnant.