David Ames, fils d'Arnoux, constructeur romantique de bateaux et de Fallon, journaliste engagée pour la cause indienne, grandit avec ses deux frères dans la baie de Penobscot, là où se mêlent l'eau douce du fleuve qui doit son nom à une tribu indienne, et l'eau de mer de l'océan Atlantique.
Arnoux et Fallon ont construit une maison au coeur de la nature et transmis à leurs enfants leur passion pour un monde sauvage où résonnent encore les légendes amérindiennes d'un autre temps.
L'incendie volontaire qui ravage une usine de papier désaffectée peu après la visite de potentiels repreneurs va embraser la petite communauté de la baie et marquer la fin de l'innocence du jeune adolescent de quatorze ans. Fallon décide de publier dans le journal local la lettre dans laquelle Molly Greenwind, une jeune indienne Penobscot, se dénonce et explique que son acte visait à venger et à sauver la rivière des souillures de l'usine.
Tandis que Molly et son père Adam décident de prendre la fuite et de braver la rudesse du climat du Nord-Est des Etats-Unis, de nouvelles tensions vont bouleverser la communauté qui vit sur une ancienne terre indienne colonisée par les Français : la colère d'un pêcheur mal aimé du nom de Lyman Creel fait ressurgir les fantômes d'un passé que chacun pensait à tout jamais enfoui et déclenche un déferlement de violences aux conséquences dramatiques.
Le début du premier livre de
Gregory Brown évoque le genre du roman initiatique, au travers du regard acéré que pose le jeune David Ames sur le monde qui l'entoure. Las, de malentendus en vengeances imbéciles, la suite du roman évoque une tragédie grecque, qui ballote ses personnages dans les vents mauvais que soufflent des dieux oubliés.
Toute l'originalité des « Jours sombres » tient à la magie indienne qui semble encore hanter la baie de Penobscot où l'enfance de David sombre tel un soleil noir dans un océan en flammes.
« L'endroit était empreint d'une qualité que je n'aurais su définir : l'eau qui se précipitait dans la gorge étroite plantée de pins et d'épicéas, les rochers bleu-vert polis par le courant, les poissons qui bondissaient pour attraper les éphémères dans l'infinie lumière orangée de l'après-midi. « Certains lieux sont les portails de l'éternité, dit Reggie. Quand on regarde autour de soi, on comprend que le monde est immortel. Que l'on existe hors du temps. le chenal est peut-être un de ces lieux ». »
Bercé par les contes indiens de son enfance, David côtoie un oncle qui lui narre ses rêves étranges dont les protagonistes parlent l'algonquin et un père qui semble persuadé que les bateaux de son chantier naval se parlent entre eux. La beauté onirique de la nature qui l'entoure semble parfois éclipser la frontière ténue qui sépare le rêve de la réalité.
« Le soir, il aimait s'asseoir dehors et nous raconter la manière dont, certaines nuits, quand nous dormions, il fermait les yeux, quittait son corps et glissait dans la rivière. Il devenait poisson. Il devenait oiseau. Il devenait brume. Il devenait bois flottant. Il laissait le courant l'emporter dans l'Atlantique, puis il traversait l'océan ».
«
Les jours sombres » nous conte avec une finesse rare la fin tragique de l'enfance de David Ames. Ce très beau roman nous emporte dans un monde oublié, où certains arbres sont sacrés, où le hululement d'un couple de grands-ducs vous réveille chaque matin, un monde que le courage d'une jeune indienne lassée d'entendre la rivière Penobscot pleurer, pourrait peut-être sauver.