Sublime et fascinante, cette histoire quasi-inconnue de
Gabriële Buffet.
Une histoire d'une vie écrite à quatre mains avec adresse, avec limpidité et avec chronologie.
Le livre est rempli d'anecdotes et il n'est jamais ennuyeux au vu de la vie trépignante du couple Picabia-Buffet.
Anne et claire Berest n'ont pas ménagé leur peine, pour écrire et faire revivre le souvenir de leur arrière-grand-mère, presque oubliée de toutes et tous.
Elles se sont lancées toutes les deux, dans une quête immense, presque impossible. Elles ont toutes les deux fait un travail gigantesque de recherches, car elles avaient peu de choses au départ pour écrire un livre aussi riche sur la vie captivante de cette avant-gardiste qu'était leur arrière-grand-mère.
Il n'y a rien de plus euphorisant, de plus énergisant et je sais de quoi je parle, que de suivre les traces d'un ancêtre là où personne d'autres de la famille n'était jamais allé. de découvrir un passé qui avait été enfoui volontairement ou non, mais qu'importe !
Aussi, il n'est pas facile parfois de rendre sa copie, en exposant les faits tels qu'ils se sont passés, en dévoilant des archives, des lettres, des cartes telles qui furent écrites. Et en peignant le portrait d'une arrière-grand-mère telle qu'elle a été, elle et son mari
Francis Picabia, sans enjoliver les choses, sans rendre les personnages sympathiques et attachants.
Les décrire juste humains avec leur part de lumière, de génie et bien sûr de la folie qui est accolée avec, et leur part d'ombre aussi.
Cette face sombre qu'il faut accepter et porter malgré tout, parce qu'elle fait partie du poids de notre héritage familial.
Ce qui me touche le plus dans le livre autobiographique de
Gabriële, c'est qu'Anne et
Claire Berest qui ont été chargées de cette « mission », car rien n'arrive par hasard, ont été d'une grande honnêteté et authenticité envers leurs ancêtres.
Dimanche, j'étais à « Livres dans la boucle » à Besançon. J'ai assisté à une rencontre avec, entre autres,
Anne Berest. L'auteure disait que ses recherches familiales qui redonnent vie à des souvenirs, qui retrouvent des histoires passées, lui ont permis de se libérer parfois d'un héritage psycho-émotionnel qui lui encombrait la vie.
Mais là nous entrons dans le domaine de la psycho généalogie. Et il faut avoir une certaine sensibilité à cet « outil » qui nous aide à décrypter notre filiation, pour y entrer.
Gabriële Buffet, musicienne dans l'âme, fût une femme brillante qui a force d'acharnement, sans aucune aide financière de ses parents, est entrée dans la prestigieuse classe de composition de la Schola Cantorum.
Nous étions en 1898 et c'était une révolution car
Gabriële était la première femme à y entrer.
Ensuite tout basculera pour elle, lorsque qu'elle rencontra le fantasque peintre et son futur mari ;
Francis Picabia.
Gabriële, cette femme d'exception, cette femme d'une grande intelligente, aura donc tout abandonné ce bel avenir qui s'ouvrait à elle, pour se consacrer uniquement à son époux. C'est elle qui l'a porté, l'a conseillé, l'a motivé, l'a consolé, l'a soigné. Elle a suivi toutes ses folies, tous ses égarements.
Elle a soutenu sans aucune faille, toute la démesure son mari, ce génie qui lui aussi était en avance sur son temps, mais qui fut un homme torturé durant toute sa vie, par de longues crises maniaco-dépressives.
Le plus surprenant pour moi, le plus triste aussi et qui m'a beaucoup affecté, c'est la fin de vie tragique qu'a eue cette femme hors-norme.
Gabriële Buffet est morte seule et oubliée à 104 ans, dans un appartement vidé de tous souvenirs. Tous les tableaux qu'elle avait acheté de Picasso, les tableaux de son mari
Francis Picabia, les lettres de
Guillaume Apollinaire, ont toutes disparues.
Elle était un soleil étincelant, elle avait côtoyé les plus grands, les artistes les plus célèbres de son époque comme son grand ami,
Guillaume Apollinaire, le peintre Marcel Deschamps, ou le compositeur
Igor Stravinsky.
Elle est partie silencieuse, n'étant plus que l'ombre d'elle-même.