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EAN : SIE85203_3682
Le Livre de Poche (30/11/-1)
3.67/5   33 notes
Résumé :
En juin 1858, le gouvernement fédéral des Etats-Unis envoie à Salt-Lake City des troupes chargées sinon de briser, du moins de contrôler l'expansion et le pouvoir croissants de la secte des Mormons. Indifférente à l'événement, la charmante Annabel Lee prépare son départ pour Saint-Louis, en compagnie d'un jésuite, le père Exiles, quand elle reçoit l'ordre de loger un des officiers du corps expéditionnaire. Inquiet de l'affection que la jeune femme porte au lieutenan... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Ce qu'on ne peut pas reprocher à Pierre Benoit, c'est de faire dans la monotonie : quatre romans, quatre régions différentes : Allemagne (« Koenigsmark »), Sahara (« l'Atlantide »), France, frontière espagnole (« Pour Don Carlos »), Etats-Unis (« le Lac Salé ») Même remarque avec les époques : 1912-1914 (« Koenigsmark »), 1897-1903 (« L'Atlantide »), 1875 (« Pour Don Carlos »), 1858 (« le Lac Salé »), on peut même souligner la variété des intrigues (et leurs interactions), amour, politique, mystère, aventure, manipulations… Pierre Benoit est avant tout le romancier du « dépaysement ».
« le Lac Salé » nous emmène en plein coeur du Far-West (Utah), au pays des Mormons. J'aime bien les Mormons. En tant que généalogiste, je leur sais gré d'avoir numérisé la quasi-totalité de nos archives, ce qui fait progresser nos recherches de façon exponentielle. du point de vue religieux, c'est plus délicat à évaluer. L'Utah est sans doute un des endroits où la religion est le plus prégnante : les Mormons prônent une religion austère et plutôt rigide, et pratiquent la polygamie.
Annabel Lee, une jeune veuve, accueille les soldats venus vérifier l'installation des Mormons dans « leur » ville. Son mentor et confesseur, le Père Exiles (un jésuite) craint de la voir s'amouracher d'un fringant officier (le lieutenant Rutledge), et pour l'en dissuader, il lui met dans les pattes un pasteur méthodiste, le révérend Gwinett (c'est aussi ce que vous auriez fait, non ?) Mais une Mormone fanatique, Sarah, émet de grosses réserves sur cette opération, et mijote une vengeance machiavélique…
« le Lac Salé » est un de ces livres dont la perception diffère à travers les époques : A la sortie du livre, en 1921, les lecteurs et lectrices de l'époque n'y ont vu que de l'exotisme, de l‘aventure et de la romance. Nous qui lisons ce roman aujourd'hui nous avons également cette lecture, disons classique, mais d'autres thèmes nous sautent aux yeux : la place de la religion, tout d'abord. Celle des Mormons, d'une rigueur, pour ne pas dire une rigidité plutôt terrifiante, qui leur fait aliéner toute liberté personnelle, et d'une certaine façon empêche les sentiments de s'exprimer librement. On ne sait trop où est la frontière entre foi et fanatisme, entre religion sincère et hypocrisie. Mais c'est un reproche qu'on peut faire aussi au prêtre catholique : pour sauver une âme d'une tentation (pas encore coupable, du reste), lui proposer un remède pire n'est peut-être pas la solution (pas la plus chrétienne, en tous cas). le Père Exiles joue avec le feu (de toutes façons, j'ai du mal à intégrer le principe du « directeur de conscience » qui me paraît plus proche du viol de la vie privée que du conseil religieux, mais ça n'engage que moi). Autre thème qui nous choque, nous, lecteurs du XXIème siècle : la place de la femme dans la société : ce n'est pas une découverte, la femme au XIXème siècle n'est pas encore libérée, il s'en faut de beaucoup. La société américaine, on le sait, est généralement puritaine, le rôle de la femme est surtout d'être une mère et une épouse. C'est encore pire chez les Mormons : la femme est l'esclave de son mari, elle se doit d'être parfaite et bien entendu de ne pas émettre d'avis (la Servante écarlate était-elle d'origine mormone ?), tout cela non seulement par le droit du plus fort (masculin, forcément), mais encore par principe religieux. En 1921, lors de la parution du roman, ce type d'informations pouvait surprendre, intriguer, faire sourire peut-être certains, aujourd'hui, elles font froid dans le dos.
Un livre à lire donc sur plusieurs niveaux : un bon livre de dépaysement, agréable à lire avec suffisamment d'action, de sentiments et de péripéties pour tenir l'intérêt jusqu'au bout ; et un livre qui fait poser des questions sur l'évolution des moeurs (en particulier sur la place des femmes dans la société), et sur l'emprise de la religion sur les affaires humaines, deux sujets importants que notre société à nous rechigne toujours à attaquer de front…
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Ce roman à l'époque avait été pour moi la révélation de ces innombrables zones sombres et absolument inconnues de notre civilisation. Je préférais les zones lumineuses ! Et Pierre Benoit m'apprenait ce pan d'histoire d'Amérique, les Mormons, l'obéissance puritaine, la polygamie, et passait en revue les métamorphoses de l'âme des femmes entre elles. le fameux sérail... Les femmes subissaient fortement la loi sociale de l'époque, et chez les Mormons on exigeait bien plus : que l'homme règne en maître et que la femme, parfaite, n'exprime rien de négatif. Cela permettait aux dominatrices de jouer le double jeu de la vertu devant leur mari, et de pratiquer sur leurs (dis-)semblables la cruauté d'une sorte de sélection "naturelle" où les plus sensibles sont trahis évidemment, mais servent aussi d'objet fragile de compensation de tout. Comment associer la foi et l'équilibre psychologique? Désordres, vices, haine, foi pervertie, L Histoire a tout rentabilisé.
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Une histoire bien salée, en vérité.

Toujours aussi bien écrit. Cela ne change pas de l'Atlantide. Et toujours une histoire frustrante dont la chute me laisse perplexe…

Pauvre Annabel Lee, pauvre Père Exiles. Je les plains et, en même temps, je les ai pris en pitié. Annabel est loin de l'héroïne de l'époque. Elle se fait embobiner bien trop vite à mon goût. Et ce Père Exiles qui invite lui-même le serpent alors qu'il cherchait juste à la faire partir le plus rapidement possible de Salt-Lake…

J'ai détesté ce livre et en même temps, je n'ai plus su le poser une fois commencé. Comment critiquer un roman dans ce cas-là ? Il me faudra bien des jours de réflexion pour découvrir si je veux le garder ou non.

En tout cas, si vous en avez marre des « happy endings » à l'américaine, ce roman est fait pour vous.
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Une écriture délicieusement surannée pour une histoire qui sans être prenante pose de vraies questions : la fidélité à la parole donnée, l'aveuglement de l'amour et par-dessus tout cela, la jalousie face à l'ingénuité.

Pierre Benoit est un auteur que j'ai découvert par ce roman et que je souhaite fréquenter davantage. J'ai aimé la manière qu'il a eu de saisir la complexité de ses personnages confrontés à un destin tragique.

Une expérience à renouveler.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Le nègre revint bientôt.
- Maîtresse n'est pas prête, fit-il en zézayant. Mais elle attend monsieur l'Abbé.
Le Jésuite haussa les épaules. Il monta l'escalier et pénétra, ayant frappé, dans la chambre d'Annabel Lee.
Se prolongeant en terrasse sur le toit de la véranda du rez-de-chaussée, cette chambre était très grande. Les meubles charmants qui, la semaine précédente, la paraient encore, avaient disparu. A leur place, cinq, six énormes malles, et tout ce désordre mélancolique, précurseur d'un départ. Il n'y avait plus que le lit, immense et bas, aux draps de dentelle traînant sur le parquet, et la baignoire auprès de laquelle s'empressait une camériste de couleur.
Celle-ci eut un piaillement de perruche effarouchée quand le Père Philippe entra. Invisible derrière un de ces hauts paravents du commencement du siècle, qui représentaient des châteaux, des ponts, des paysages bruns et bleus, Annabel sourit. L'eau laiteuse ne laissait que vaguement deviner les formes du beau corps qu'elle baignait. Les cheveux blonds pendaient à terre. Un des bras d'Annabel reposait sur l'appui de la baignoire.
- Je suis en retard, - dit la jeune femme.
Le père d'Exiles ne sourcilla pas.
- Vous n'êtes pas précisément en avance, - se borna-t-il à dire.
Il restait debout, sa haute taille s'encadrant dans l'ouverture de la porte.
- Un quart d'heure seulement, fit Annabel.
- Toutes les pendules sont emballées, répondit le Jésuite. Je me garderai donc d'entamer une discussion avec vous à ce sujet. Voici pourtant ma montre : sept heures un quart. Or, je vous ai bien répété dix fois hier que c'est à huit heures que l'armée américaine fait son entrée dans Salt-Lake-City. A présent, si vous avez changé d'idée, et que vous ne désiriez plus assister à cette parade, pour ma part...
- Je serai prête, fit avec une douce assurance Annabel Lee.
- Autre chose, dit le Jésuite : c'est aujourd'hui la Saint-Maxence, fête de votre mari. Vous m'aviez, hier soir, si je ne m'abuse, manifesté l'intention d'honorer sa mémoire en communiant ce matin. Je crois même vous avoir confessée dans ce but... Inutile de vous dire que je ne vous ai pas attendue plus de dix minutes pour commencer ma messe.
- Vous avez bien fait, dit-elle. Je me suis réveillée assez fatiguée. Mais maintenant cela va beaucoup mieux. Et si vous voulez bien...
Le Jésuite fit mine de se retirer.
- Non, ce n'est pas la peine. Allez sur la terrasse, que vous puissions causer pendant que Rose m'habillera. Il n'y en a pas pour dix minutes. Je ne suis pas longue, vous savez.
Le Père Philippe obéit. Traversant la chambre, il pénétra sur la terrasse aux murs vivants de chèvrefeuille et de clématites. Sur le parquet, à travers le feuillage agité par la brise, le soleil semait des milliers de petites pièces d'or mouvantes.
Le Jésuite vint à la baie en arceau ménagée dans la paroi verte. A ses pieds, il y avait le jardin tout plein d'acacias, d'arbres fruitiers, d'arbres coton dont les flocons blancs erraient çà et là dans l'atmosphère languissante. Au bout du jardin, c'était le bleu glouglou rapide d'un ruisseau que cachait la verdure. A droite, par-delà les gradins moutonnants des chênes et des peupliers, les cimes neigeuses des Jumeaux, les deux pics les plus élevés du mont Wahsatch, se teintaient d'un rose très pâle. On ne voyait pas, vers la gauche, le Lac Salé, noyé qu'il était parmi les vapeurs de ses sources d'eau chaude.
La route d'Ogden filait, rigide, vers le nord, entre deux étendues de terres désertes, comme calcinées sous leur revêtement salin.
- Il fait beau, dit par-derrière la douce voix d'Annabel Lee.
- Un temps superbe. S'il se maintient de la sorte pendant un mois, notre voyage jusqu'à Saint-Louis sera une véritable partie de plaisir.
Elle dit, hochant la tête :
- Une véritable partie de plaisir !
- Seriez-vous triste ? demanda le Jésuite un peu rudement.
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- Ils vous ont persécuté?
- Bien par ma faute. Ma mission avait pour objet l'évangélisation de trois peuplades, les Shoshonès au nord, au sud les Utahs et les Pahvantes. J'ai eu des difficultés avec les Indiens Utahs. Leur chefs, Wakara, m'a condamné, il y a quatre ans, à mort par contumace. Son successeur, Arapine, a confirmé la sentence. Elle m'a été notifiée et re-notifiée avec toutes les herbes de la Saint-Jean. J'ai demandé à mes supérieurs ma ligne de conduite. Au point de vue bon sens, leur réponse a été celle que j'aurais moi-même faite. " Votre œuvre est loin d'être terminée chez les Pahvantes et les Shoshonès. Achevez-la. Ensuite vous verrez à retourner chez les Utahs. " Voilà pourquoi, ayant à peu près dit tout ce que j'avais à dire aux Pahvantes, quand, dans quinze jours, je quitterai Salt-Lake City, ce sera pour me rendre chez les Shoshonès. Pour le moment, les bords du lac Sevier me sont interdits.
- Le lac Sevier, dit Rutledge. Ah! je me rappelle maintenant où j'ai lu votre nom. C'était à propos de l'affaire Gunnison.
Les yeux du Jésuite s'attristèrent.
- Ils n'est que trop vrai, fit-il. Et ce fut, à tous points de vue, une déplorable affaire. Je vous ai dit que j'avais été le compagnon de Frémont pour la route du 42è degré. En 1849, je m'étais mis de même à la disposition du capitaine Stansbury, chargé de la topographie de la vallée du grand Lac Salé. Quand le capitaine Gunnison, qui avait pour mission d'étudier la route du 39è degré, arriva en 1853 à Salt-Lake, il s'enquit immédiatement de moi. Il se trouvait qu'alors j'étais en excellents termes avec les Utahs, sur les territoires desquels passait ladite route. Ma faute fut de croire que je pourrais faire bénéficier Gunnison et sa petite troupe de mon influence sur les Indiens. C'était octobre. La rivière Sevier roulait ses mornes flots gris entre les saules pâles, sous la retombée desquels fuyaient, avec des cris plaintifs, des merles et des martins-pêcheurs invisibles. Parfois, la brusque plongée d'une loutre. La caravane cheminait. Jamais, jamais je ne m'étais senti aussi découragé! Vers le soir, on fit les feux, au milieu et autour des chariots mis en rond. Puis les chiens crièrent. C'étaient trois cavaliers indiens qui venaient me chercher pour assister un de leurs chefs moribond.
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Vidéo de Pierre Benoit
Pierre Benoit, un auteur majeur à redecouvrir .Voir l'émission : http://www.web-tv-culture.com/pierre-benoit-un-auteur-majeur-a-redecouvrir-375.htmlDe 1918 à 1962, il fut un auteur incontournable et a vendu des millions de livres dans le monde entier. Mais qui se souvient de Pierre Benoît ?50 ans après sa mort, dans sa maison des Landes, redécouvrez l?auteur de «L?Atlantide » et « Koenigsmark ».
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