Génocide = l'extermination physique, intentionnelle, systématique et programmée d'un groupe ou d'une partie d'un groupe en raison de ses origines ethniques, religieuses ou sociales (wikipedia)
À la mort de son père en 1984, le jeune Tutsi Jean-Patrick Nkuba (le roi du tonnerre) doit quitter la maison de Gihundwe — dans la province de Cyangugu, ouest Rwanda aux bords du lac Kivu, près de la frontière du Burundi — où son père officiait en tant que préfet enseignant. Il part vivre chez son oncle Emmanuel avec son frère, ses soeurs et sa mère.
« … elle n'aurait pu prévoir les barrages sur les routes où militaires et policiers réclamaient les indangamuntu – les papiers d'identité – et harcelaient toute personne grande et mince au front haut au visage étroit, des caractéristiques associées de façon systématique aux Tutsis. » (p60)
Le Tutsi devant travailler plus qu'un Hutu pour être reconnu comme capable, à force de ténacité, Jean-Patrick réussit haut la main les examens pour intégrer l'école secondaire de Gihundwe, l'équipe d'athlétisme en 1985, et l'Université à Butare en 1991.
Il a un don pour courir. Son destin est scellé. Son coach énigmatique, Rutembeza, le poussera au-delà de ses limites pour qu'il atteigne son but ultime, les Jeux olympiques.
Mais le contexte historique dans lequel vit le peuple rwandais impose une course de haies impitoyable, que l'on soit coureur ou non, jeune ou vieux. Quand Imana (Dieu) n'est pas là, les souris dansent.
Sous la présidence d'Habyarimana (pro-Hutus), fraichement réélu depuis 1983, la tolérance des Tutsis est affirmée par l'imposition de quotas dans l'administration et l'enseignement. La tension Hutu-Tutsi persiste, les réactions s'enchaînent des deux côtés : les contrôles d'identités des Tutsis s'intensifient, les rebelles tutsis (le FPR=front patriotique rwandais) perpètrent des attaques dans les villages hutus, le Président lance la chasse aux Tutsi… Les massacres et les injustices atteignent une croissance exponentielle. Les actes de barbarie touchent leur paroxysme en 1994 avec l'assassinat du Président Habyarimana et d'autres ministres de l'assemblée. La machette hutue s'abat sur tout ce qui bouge, la guerre éclate… C'est l'apogée du génocide au Rwanda qui fera des milliers de morts. Sous l'indifférence totale de l'Occident et des États-Unis.
« Il avait espéré, attendu et prié pour que le FPR soit victorieux ou que la Minuar prenne les armes et écrase les extrémistes. Quand les Belges avaient été tués, il avait été persuadé que l'Occident ne laisserait pas le massacre des siens impuni. » (P372)
Le plus fou dans l'histoire, ce n'est pas seulement que la tension a toujours existé. du moins la pression hutue seulement depuis 1957. Mais surtout, c'est que la différence raciale existe depuis la colonisation belge dans les années ‘20. Ce sont des scientifiques belges qui ont instauré la différence ethnique. le gouvernement rwandais a toujours exploité cette faille. C'est sur celle-ci que court Nkuba JP…
Pendant que son frère a rejoint le FPR, que vont devenir sa famille et ses amis ? le génocide était prévisible depuis longtemps. Est-ce que la réplique tutsie est justifiée du fait que les Hutus assassinent depuis des années ? Sont-ils égaux comme son père le défendait ? Quand il subit les événements, il ne sait plus. Les rebelles veulent rentrer chez eux à n'importe quel prix... Prétend son oncle. Il n'est pas en sécurité, comme tous les siens. Grugé et blessé constamment, il court quand même. Jean-Patrick rencontre l'amour, l'
amitié, la souffrance, la détermination, la nostalgie, l'incompréhension et l'espoir. Jusqu'où pourra-t-il courir ? Jusqu'à quel point résistera-t-il aux coups ?
« Il avait cru qu'il lui suffisait de faire confiance à deux jambes assez agiles pour fendre l'air… Il devait faire confiance à Rutembeza pour qu'il le guide, à Habyarimana pour qu'il lui permette de réaliser son rêve olympique, au gouvernement pour qu'il fasse venir des troupes des Nations Unies. Et si jamais on en arrivait là, il devrait faire confiance à ces troupes pour qu'elles protègent sa vie. »(P189)
L'ÉCRITURE :
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Au départ, je n'ai pas trouvé la puissance d'un texte qui m'aurait subjugué. Je n'attendais pas de l'éloquence époustouflante, mais à plus d'intensité émotionnelle dans ce récit. le style est carré probablement attribuable à l'influence de la brillante carrière scientifique de l'auteure. Malgré les touches très colorées, il manque ce petit quelque chose qui fait qu'un livre est étourdissant. le décor africain a presque plus de place que la psychologie des personnages. On voyage et c'est bien écrit. Certes. Cependant, s'il n'y avait pas eu le génocide, le texte aurait été « plat ». Ce n'est pas un F.
Exley par exemple. Il y a des passages simples, des scènes et des décors bien construits, très joliment. le hic vient de là, ça arrive par à-coup. le reste est répétitif. Comme ce style n'est pas toujours présent dans le texte, malheureusement, certains moments en sont plus abrupts, voire inexpressifs.
Page 235 ! Il y a une coupure nette. Préjudiciable à l'action. Selon l'état d'esprit du livre et du moment relaté, c'est une erreur. Jean Patrick va présenter Béa à la famille ! Mise en bouche jusqu'au moment où les deux amoureux arrivent à Cyhangugu et puis plus rien. C'EST LA PUB ! Croirions-nous si nous étions assis devant notre téléviseur en train de regarder une série télévisée. Non, l'auteure passe à autre chose ! Un moment clé pourtant. Ou encore en page 238 : utiliseriez-vous le terme « maxillaire » dans une phrase qui doit toucher à la poésie d'un premier baiser ?
A cause de ces détails, j'étais sur le point d'arrêter la lecture à mi-parcours…
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Et soudain, la vitesse supérieure s'enclenche, la dureté des événements soulève le coeur, la tension nourrit le récit, la catastrophe ouvre les portes du dégoût et facilite l'expression écrite de l'auteur qui lâche sa retenue. Un éboulement de sensations. Elle aurait dû s'y mettre dès le départ.
Autant je marchais avec des pieds de plomb sur les routes poussiéreuses et suffocantes rwandaises dans la première partie du roman, autant j'ai couru tel l'éclair tiré par Nkuba, le roi du tonnerre, dans la deuxième partie.
L'essentiel est que les imperfections sont balayées sans commune mesure par un sujet puissant. L'impuissance d'un nouveau-né, la faiblesse d'un enfant ou d'un vieillard. Tous étaient dans un état d'hébétude totale, tous étaient grisés, tous étaient sans voix ; devant la douleur d'une lame qui les transpercent, d'un éclat de grenade qui leur arrache les membres, l'odeur de leur peau qui commence à se carboniser. Oui, c'est dur. Et c'est ça que le lecteur retiendra surtout. L'abomination d'une guerre. Une pensée pour les victimes d'un combat stupide et inégale. Un combat perpétré par des manipulateurs sujets à un complexe d'infériorité prononcé. L'histoire n'a pas servi de leçon. Ce phénomène se répète à travers les siècles et encore aujourd'hui. Je ne comprends pas. L'Inquisition, l'invasion ottomane, romaine, nazie… L'Algérie, l'Afghanistan, le Congo, La Palestine, la Tunisie, le terrorisme, etc. L'histoire se répète. Pas de répit pour les cons.
Une phrase, elle est reprise de la bible du petit frère décédé de Jean-Patrick et apparaît à la page 427 du roman, pour clôturer l'article en douceur.
« Marchez dans l'unité, marchez dans l'amour, marchez dans la lumière et la sagesse » (Épitre aux Éphésiens)