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Fabio Andina (Autre)Anita Rochedy (Traducteur)
EAN : 9782889278886
304 pages
Editions Zoé (08/04/2021)
4.21/5   41 notes
Résumé :
Chaque matin, à une heure où le coq dort encore, le Felice quitte le village et part vers les sommets qui dominent le Val Blenio, personne ne sait vraiment où. Jusqu’au jour où le narrateur, arrivé de la ville, décide de lui emboîter le pas.

Voici le récit de ses journées passées en compagnie du vieil homme et des habitants du village, au contact d’une existence marquée par les mêmes habitudes immuables, les gestes simples et beaux de ceux qui ont co... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Ah Felice, on murmure beaucoup de choses à ton sujet.
Tu ne parles que le patois du Val Blenio, la vallée du soleil, comme tous les autres habitants de Leontica, ce village tessinois dominé par de majestueuses montagnes, quitté il y a bien longtemps et où tu es revenu à jamais et pour toujours dans la baita familiale qui attendait ta présence.

Dans Jours à Leontica Fabio Andino nous prend par la main pour suivre Felice, ce nonagénaire imperturbable, alerte et vigoureux, un montagnard taiseux, timide et solitaire, qui trace son chemin comme une araignée tisse son fil. Un vieil homme qui fait fi du temps qui passe, débordant de bienveillance participant à la cohésion du village tout en restant indépendant. Au long des journées qui s'égrainent, Felice suit ses rituels immuables puis adapte ses activités aux réalités du terrain, des variables météorologiques et économiques, attentif à son environnement, respectueux de la nature et n'ignorant rien des enjeux contemporains.

A Leontica le temps ne s'arrête pas, il file sur un autre tempo, piano, piano.
A Leontica attendre est une grande occupation, on rêve, on se souvient, on contemple, on espère, on observe.
A Leontica, l'âge n'est plus un frein mais une voile qui mène vers le large.
Felice dans ses postures et silences en dit autant que quand il glane, troque, échange.
Un sac qui déborde de tendresse, de justesse, de pudeur.
Un jour de châtaignes ou de figues, un autre de russules ou de kakis.
Odeurs et parfums, bruits et sons, des informations que Felice engrange comme autant de messages à interpréter et à délivrer.

Au milieu d'une kermesse générale où chaque être humain et être vivant (chat, chien, mulet, volatiles en tout genre, renard ... ) jouent un rôle, le lecteur découvre les clés et les chaînons d'une communauté soudée et attachée à son territoire et patrimoine (défilé de la milice historique, l'église romane de Negrentino).

Fabio Andino a choisi un narrateur qui lui ressemble beaucoup pour nous conter cette histoire, un narrateur que Felice accepte à ses côtés après l'avoir autorisé à partager ses jours à Leontica, son quotidien d'une semaine à l'autre, entre novembre et décembre, rythmé par des libertés et des impératifs personnels au gré de la vie de tout un village, d'une communauté où presque tout les faits et gestes de chacun sont exposés, commentés, partagés, mais où seule la vie de Felice semble auréolée de mystères.

L'écriture de Fabio Andina claire, simple et précise rend le récit très réaliste, émaillée d'expressions ou de tournures locales elle conforte les spécificités de cette communauté montagnarde alors que les échappées poétiques magnifient les paysages naturels.

Felice, le sage de Leontica, une présence au monde totale, proche de la communion d'où surgit sérénité et plénitude. Une belle leçon de vie porteuse d' une sobriété heureuse. Avec une gouille en guise du Grand bleu, un banc en granit, une tisane concoctée avec les herbes du jardin, le regard accroché aux sommets des montagnes, le temps est venu de méditer.
Humer l'air tout en regardant les nuages ou les étoiles, écouter le vent…

Une lecture félicité, émouvante et emplie d'humanité.


Né à Lugano en 1972, Fabio Andina a étudié le cinéma à San Francisco. Jours à Leontica, publié en 2018 sous le titre La pozza del Felice, est son premier roman traduit en français, merci à la traductrice Anita Rochedy.
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Quelle belle idée qu'a eu le narrateur de suivre le Felice dans ses promenades quotidiennes et de nous raconter la nature, le quotidien des habitants du village qui s'aident, s'entraident s'aiment.
C'est beau, c'est reposant, les descriptions sont d'une grande précision et nous permettent de visualiser sentir et même ressentir comme lorsqu'il dit qu'il tend la langue pour recevoir les flocons de neige.
Ce ne sont pas des descriptions ennuyeuses qui peuvent lasser par leur longueur, non , ce sont des moments de vie, des paysages et c'est tout simplement magique.
Le Felice est un personnage taiseux mais généreux, proche de la nature et qui accueille et accepte le narrateur avec chaleur même si rien n'est dit et que le lien entre eux n'est pas démonstratif. Mais il n'est pas besoin de dire pour ressentir. J'aurais moi aussi aimé suivre le Felice et me fondre dans ce village, loin des préoccupations actuelles et du rythme effréné qui nous est imposé.
Dans ce roman, il faut se laisser porter par les sens , ne pas chercher, ne pas être à l'affût d'événements, de scoop, mais bien avancer au rythme des pas du Felice, et écouter, regarder lentement sans se précipiter.
La plume de Fabio Andina m'a enchantée. le vocabulaire est riche, quelques mots italiens, un peu de patois, quelques expressions locales viennent renforcer le sentiment de dépaysement.
Merci à Fabio Andina pour cette petite parenthèse reposante, émouvante et pleine de sensibilité.

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Le narrateur demande au Felice, 90 ans, de le suivre dans son quotidien, "histoire de vivre un peu comme lui".
Vivre comme le Felice, c'est se lever chaque matin avant le chant du coq pour, après avoir salué le mulet de la Vittorina, monter à travers la pinède -pieds nus pour le vieux- jusqu'à la gouille, un trou d'eau parfois recouvert d'une couche de gel. Là, à l'ombre des 2580 mètres du Simano qui cache les premiers rayons du soleil, le Felice se baigne. La journée est ensuite ponctuée de tâches nécessaires -couper du bois pour se chauffer, entretenir le jardin potager et les plantes à tisanes, déblayer la neige- et de plaisirs simples : prendre un thé au bistro du village, marcher dans la forêt, ou juste s'asseoir pour écouter le silence ou les flocons tomber, car "même rester à attendre, c'est faire quelque chose".

Le Felice n'a ni radio ni télévision ni téléphone, il n'a même pas de boîte aux lettres. Il n'est jamais pressé mais efficace dans tout ce qu'il fait, et affiche une satisfaction et une sérénité permanentes. Pour autant, cet esprit indépendant sait ce qu'il veut. Il a décidé dès son plus jeune âge d'être végétarien, particularité qui l'avait fait surnommer "tête de mule" par ses parents. Et s'il parle peu, cela ne l'empêche pas d'exprimer des avis définitifs sur "le grand micmac qu'est la politique et les margoulins qui dirigent le monde, ou sur ces arnaques que sont la guerre et la religion, dont le seul but est de plumer les pauvres crétins que nous sommes". Lui ne croit qu'au respect réciproque, à l'importance de prendre les gens comme ils sont, et au fait que "quand on crève on devient du compost".

Porté par la plume sobre et précise du narrateur, le lecteur suit lui aussi le Felice dans Leontica, petit village des Alpes tessinoises dont la quasi-totalité des habitants parle le patois du Val Blenio, connu sous le nom de Vallée du soleil. Si la concurrence du supermarché de la bourgade voisine y a fait disparaître la dernière boulangerie, Leontica n'est pas mort pour autant, car peuplé d'une petite communauté active et attachée à son territoire, qui perpétue ses rites collectifs et entretient une réconfortante solidarité. La vie y est ainsi faite d'entraide et de trocs, on échange des oeufs, du lait ou du fromage contre quelque service, et chacun veille à ce que les plus vulnérables ne soient jamais isolés. Veuves octogénaires et chiens sans laisse ni collier en parcourent inlassablement les rues, et le bar du village accueille touristes et autochtones qui y débattent abondamment du réchauffement climatique qui raréfie la neige ou les hirondelles, et d'une manière générale de tout ce qui fout le camp.

La répétition des gestes qui rythment le quotidien rend chaque jour semblable au précédent, et pourtant chaque jour est dense et unique, vécu dans la paisible acceptation de sa simplicité et dans la conscience aigue du monde autour, du temps et des saisons, des sons produits par le vent ou les animaux…

La lecture est apaisante et n'ennuie jamais, il y a même un léger suspense avec une mystérieuse lettre arrivée de l'étranger qui incite le Felice à préparer une chambre d'ami… tout le village, discrètement, s'interroge : qui le vieux, à qui on ne connait aucune famille, peut-il bien attendre ? J'aurais personnellement bien aimé y être accueillie, dans cette chambre, et accompagner le Felice dans ses périples aussi modestes qu'extraordinaires même si, contrairement au narrateur, je n'aurais sans doute pas eu le courage de me tremper à l'aube dans la gouille glacée… Loin de la frénésie urbaine et consumériste, ce séjour à Leontica nous rappelle qu'un autre mode de vie est non seulement possible, mais enviable.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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La mélopée des gestes chaque jour répétés du petit matin dans l'eau glacée après l'escalade pentes abruptes a de quoi décourager. Et bien non, on se laisse prendre à ce rythme d'une vie sans apprêt mais tellement riche, décrite à force de menus détails et de vraies valeurs. La phrase est courte, le parler, concis
Nous découvrons Leontica, bourg où le progrès a tari l'économie tout en renforçant la conviction que le bonheur est indépendant du confort vendu en illusion de pacotille.
La neige, les revers attisent la solidarité.
Le Felice a 90 ans, bons pieds, bon oeil, des convictions coulées dans la roche. Puis-je être aussi vaillant que lui quand l'heure sera venue de lire moins et de méditer sur notre passage sur terre, à l'ombre d'un figuier.
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Leontica, c'est un village des Alpes Suisses, beauté et rudesse de la nature mêlées. Tout le monde se connaît, les petits et gros défauts, les histoires comiques ou tragiques, les bavards et les taciturnes.
Le personnage principal est Felice, nonante ans, qui se baigne tous les matins nu comme un vers dans une gouise glacée, court sans cesse à droite ou à gauche, à pied ou dans une vieille Suzuki, croit au respect mutuel et cache, peut-être, un secret qui alimente les ragots. Mais tout le village est là aussi, qui échange des repas, de petits dons, des bonjours et des silences.

Très belle histoire de vie humbles et reculées, racontée pas à pas, obstinément, comme vivent ses personnages, avec une réelle empathie pour ceux-ci comme pour le paysage.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Je gratte avec mes chaussures la neige qui s’est déposée sur le rocher où nous nous installons pour sécher. Je pose la paume de ma main dessus. Il est lisse et de la même largeur que les bancs qui flanquent l’entrée de la maison du Felice. Je m’y assois et balaie des yeux les alentours, m’imprégnant du paysage comme une serpillère qui essuie le sol. Et je pense.
Je pense que l’eau de ce torrent murmure quelque chose d’indéchiffrable, comme la Muette, cette vieille toujours renfrognée, quand elle marmonne. Elle jaillit des hauteurs de la montagne et rejoint plus bas, vers Dongio, les eaux du Brenno, le fleuve qui coupe le Val Blenio en deux. Le Brenno naît sur le col du Lukmanier et meurt dans le fleuve Tessin, à Biasca. Aux Bolle di Magadino, l’eau croise le lac Majeur, puis poursuit sa route en Italie, dans le Tessin au début, puis le Pô, qui se jette dans l’Adriatique. Je me demande si le Felice s’est déjà dit que cette eau va à la mer, et qu’il s’agit de la même, que l’on se baigne dans le Pô, sur les plages de Rimini, ou dans la Moscova, en Russie.
Et aussi qu’entrer dans cette gouille revient comme qui dirait à naviguer le long des fleuves et à travers les lacs, les mers et les océans, même sous la pluie . C’est aussi comme se sentir en communion avec quelqu’un qui se baignerait à l’autre bout du monde. L’eau de la gouille doit mettre une heure pour rejoindre un baigneur dans le Brenno plus bas dans la vallée, des jours pour le lac Majeur, des années pour la Moscova. Mais le Felice a de la patience, je pense.
Et j’en viens alors à me dire que cette eau est aussi la même que celle dans laquelle sa mère faisait bouillir les pommes de terre pour préparer ses gnocchis dominicaux d’il y a quatre-vingts ans, l’idée me donne des frissons. Est-ce que le Felice y a déjà songé, à tout ça ? Le contraire m’étonnerait. Forcément qu’il y a déjà songé.
Je reste assis à contempler les montagnes. Le sommet du Simano avec sa croix en fer, un minuscule point qui brille sous le soleil. L’Adula, avec son glacier réduit à peau de chagrin, en voie de disparition. Le sommet du Pizzo Sosto qui, vu d’ici, fait un angle droit d’une blancheur éclatante. Au sud, les crêtes enneigées des Préalpes s’estompent jusqu’à devenir aussi vaporeuses et légères que du papier vélin, là-bas en bas, là où la vallée s’ouvre comme une porte sur le monde. Et je pense à ce qu’elle devait avoir l’air loin, cette porte, des années en arrière, quand le Felice était enfant. Puis je pense aux migrants qui l’ont franchie pour chercher fortune. Et à la Muette qui n’est probablement jamais allée au-delà.
Je me lève. Ramasse un galet dans la gouille. Il est mouillé et brille dans la paume de ma main. Je le regarde lentement sécher jusqu’à devenir opaque. Je le serre dans mon poing, le glisse dans ma poche et me remets en chemin, accompagné de mon ombre sur la neige qui disparaît aussitôt que je m’enfonce entre les vieux sapins.
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Un jour je lui avais apporté un plein sac d'herbe de mon jardin, mais il m'avait dit que ses lapins n'y toucheraient pas, parce que je l'avais coupée à la débroussailleuse et qu'ils le sentent quand ça pue les gaz d'échappement.
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Les vieilles de Leontica marchent à longueur de journée, même si aucune ne bat le Felice. De l’aube au crépuscule, on peut les croiser dans le village qui vont et viennent, dans un sens ou dans l’autre. L’été, certaines poussent même parfois jusqu’au Nara. Il y en a qui vont par deux, d’autres, comme la Muette, qui préfèrent faire cavalier seul.
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Pendue au lobe de son oreille, une goutte d'eau s'allonge, reflète l'aube, tremble un peu, puis tombe. Il se rhabille, enroule dans du papier journal sa savonnette qui a séché et la glisse dans sa poche pendant que la vallée apparaît sous les premières lueurs du matin.
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Le ciel est étoilé. Moins cinq degrés. Je vois la silhouette du Felice, au fond, dans son coin de jardin. Enveloppé dans la vapeur qui s'élève dans le faisceau du lampadaire près du lavoir. Il pisse sur son compost.
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