Vidosav Stevanovic :
Prélude à la guerre- A la Médiapole Sainte Césaire d'Arles,
Olivier BARROT parle de
Vidosav STEVANOVIC, écrivain
serbe qui vit à Paris et de son livre "
Prélude à la guerre", sorte d'élégie pleine d'
humour noir dans laquelle il accuse les Yougoslaves d'aimer les
armes et la dispute, ce qui a rendu
la guerre entre Serbes et Croates inéluctable.
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- Tu me plais bien que tu sois turque . Il faut exterminer les turcs .
- Je ne suis pas turque , dit Iskra.
- Tu ne portes pas le pantalon bouffant , tu n'es pas rasée en bas , tu ne te prosternes pas , mais tu es turque . On le voit dans tes yeux . Tu dis une chose et tu en penses une autre .
-Pourquoi faut-il exterminer les turcs ? dit Iskra .
- Nous devons venger le Kosovo
- Que c'est-il passé au Kosovo ? dit Iskra .
- Ton peuple a tué mon peuple . Vous nous avez massacrés . Vous nous avez chassés. Nos morts sont assoiffés de vengeance . Nous nous vengeons .Si tu n'étais pas une femme tu serais déjà morte .....
Je ne lui ai pas demandé : » Ne craignez-vous pas qu’en me servant de votre vie, et en raison des travers de mon métier, j’en invente une autre ? Une histoire écrite dans cette langue ou bien dans une autre, et qui serait plus au goût des lecteurs ? » Car il y a des faits que l’on ne peut pas inventer ni concevoir, ni même imaginer. Ils sont si terriblement réels que leur place n’est plus dans la réalité, ils doivent être déménagés dans un abri plus sûr. Tandis qu’une bonne prose ne dénonce ni ne trahit personne : elle dévoile la vérité mais garde le secret.
Nous nous sommes trop mélangés. Personne d’entre nous ne sait où il finit et où les autres commencent. Nous sommes comme les tripes dans le ventre du diable. Il faut répandre ces tripes et les jeter à ces chiens qui hurlent dehors. Qu’ils s’empoisonnent de nous et qu’ils crèvent !
Extrait de la préface : A la mi- novembre 1996 le régime de Slobodan Milosevic avait déclaré nuls les résultats des élections municipales remportées , dans la plupart des villes de Serbie , par une opposition rassemblée au sein de la coalition Zajedno ( ensemble ) . C'était là un procédé typique, arrogant , irréfléchi , illégal , de ce régime et de cet homme . La coalition Zajedno , constituée avec peine par les trois partis d'opposition , le parti serbe du renouveau , le parti démocrate et l'Alliance civique de Serbie , avait invité ses partisans à protester contre cette décision . C'est alors que se passa quelque chose d'inattendu , d'imprévu , d'incroyable presque . Les gens sortirent dans les rues , et y restèrent . Plus personne ne pouvait les convaincre de rentrer chez eux . Cela marqua le début de "promenades ",
de manifestations quotidiennes contre le pouvoir . Elles durèrent jusqu'au mois de février 1997 , c'est à dire 101 jours . On exigeait des changements fondamentaux de l'Etat et de la société , du gouvernement et des méthodes de gestion , des médias et de leur utilisation . Tout au long de cet hiver , le souffle brûlant de la rébellion réchauffa le corps à demi mort d'un pays qui , contrairement à sa tradition historique , et pour tenter de sauvegarder un système dépassé , s'était exclu du monde .
Les états créeront des polices . Les polices devront cogner sur quelqu'un . Les voleurs et les politiciens seront toujours là pour profiter de l'occasion . Et les enfants naîtront avec des destins déjà tout tracés . Les enfants serbes avec des destins serbes , les albanais avec des destins albanais . Ils les accompliront comme ils font chez eux leurs devoirs et les transmettront à leur descendance comme des traits héréditaires .
Devant Iskra, son père ne parlait jamais de la défunte. Mais il ne s’était jamais remarié. Parfois il s’enfermait dans sa chambre. Sur un mur il avait accroché un tapis qui portait l’inscription suivante : « Redoute le Jour où aucune âme ne conviendra à une autre, où ne sera plus reçue aucune satisfaction, où ne sera plus admise aucune intercession, où il n’y aura plus aucun secours à attendre. »
La langue était devenue dangereuse comme un champ de mines, les mots explosifs comme les mines antipersonnel. Leurs sens s’étaient déplacés et confondus. La vérité apportait le dommage, le mensonge n’aidait pas. Il y a des moments où le silence est la meilleure solution, la bouche bée devant la laideur et la misère du malheur qui vient de se produire et qui continue.
Une construction inachevée est d’une certaine façon plus triste qu’une ruine.