Manal est l'un de ces centaines de milliers d'éleveurs de chèvres qui produisent le cachemire mongol. Pour comprendre les circonstances de notre rencontre, il faut remonter quelques jours plus tôt, à Oulan-Bator, capitale de la Mongolie. J'y suis arrivé il y a peu pour établir mon carnet de route. Ce matin-là, sur la grande place Sukhbaatar, je m'impatiente. J'ai hâte de quitter cette ville. La colossale statue de Gengis Khan sur le fronton du parlement ne suffit pas à apaiser ma soif d'immensité et d'horizon. Dans cette grande cité qui a poussé trop vite au milieu des steppes, même les gratte-ciels peinent à sortir leur nez hors du nuage de pollution. En hiver, lorsque les températures descendent jusqu'à -40° C, les centrales à charbon tournent à plein régime et, dans les ger districts (ger érant l'autre nom des yourtes) aux bordures de la ville, les nomades réfugiés dans leurs yourtes se chauffent quelque- fois même au pneu de voiture. La chape de pollution peut êre invivable. Au printemps, je suis chanceux, le nuage est plus léger. Mais en fait des steppes mythiques des hordes de Gengis Khan, je me retrouve dans les bouchons et les klaxons de Peace Street, la grande avenue du centre de la ville.