Le bonheur, c’est les enfants… des autres
Erica venait de déposer les siens à l’école, quoique déposer n’était peut-être pas le mot juste pour rendre compte de son geste : elle les avait littéralement jetés hors de la voiture, tant leurs cris — mais bon sang, ils ne savent pas parler ces gosses ? — étaient venus à bout de sa maigre patience. L’espace d’une seconde, la pensée qu’ils puissent se faire écraser par le camion-poubelle qui klaxonnait furieusement derrière elle fût même une consolation.
Non qu’elle ne les aimât pas, mais le temps et l’énergie que ses deux garçons lui réclamaient lui paraissaient inversement proportionnels à la satisfaction qu’ils lui procuraient ; à savoir aucune, surtout à ce moment précis.
Avant d’être riche, Erica rêvait à ce qu’elle ferait de l’argent qu’elle n’avait pas encore gagné. Maintenant qu’elle avait plus d’argent que de temps pour le dépenser, elle listait en secret tous les moyens dont elle disposait pour se débarrasser de ses enfants, ces trouble-fête.
En première position : l’abandon en forêt. Pendant l’été bien sûr, elle n’était pas cruelle à ce point. Elle leur laisserait une gourde d’eau, un paquet de chips et une boussole. Après tout, leur grand-mère avait eu la prévenance de les inscrire chez les scouts depuis qu’ils étaient en âge de marcher, ce serait le moment de prouver que cela pouvait leur apporter autre chose que de se faire tripoter par leur chef de groupe.
En deuxième position : l’abandon en refuge de la SPA. Comme les enfants rêvaient d’adopter un animal de compagnie, ce serait facile de les y attirer. Une fois sur place, ils n’y seraient pas malheureux. Les croquettes ne les changeraient pas beaucoup des repas de la cantine, encore moins de ceux – inexistants – qu’elle leur préparait. Et vu le minimalisme de leur chambre, où tout accessoire superflu avait été banni par souci d’efficacité, un box, une couverture au sol et une gamelle d’eau feraient aussi bien l’affaire.
Ils formèrent une ronde autour du chaudron et tapèrent sur des tambours. Mélanie poussa un hurlement de terreur et s’effondra sur elle-même. La musique s’arrêta net, et tous l’entourèrent. Persuadée de finir dans le chaudron, elle ânonnait des supplications qu’aucun Indien ne comprenait : « Ce n’est pas grave, pour les trois autres, on ne les connaissait pas de toute façon… Mon père est riche, il peut vous offrir un piano de cuisson à la place de votre vieux chaudron, des nuisettes en soie pour la vieille dame… Et je ne serais pas très bonne à manger, je ne suis pas bien grasse, regardez ! Prenez plutôt Ayrton : il marine dans l’alcool depuis quarante ans, ça ressemblera à une daube de gibier (…)
Coup de cœur pour ce premier roman très réussi !
C’est drôle, enlevé, réjouissant mais aussi très touchant et les personnages sont particulièrement bien campés.
Je le recommande chaudement pour cet été et toutes les autres saisons de l’année !
Belle découverte !
Erica est un personnage qui nous entraîne dans son sillage et nous fait voyager au Brésil entre favelas, jungle amazonienne et palais, on est pris tout de suite dans le rythme de ce roman qu'on ne lâche pas tant qu'on ne connaît pas la fin.
On attend la suite des aventures d'Érica .