Encore quelques pas et il reste cloué sur place ! Devant ses yeux s’étend une clairière et là, près d’un cerisier devenu sauvage, un vieillard trie des herbes ; il les pose sur le côté, puis se lève, tenant dans une main un bâton pointu et dans l’autre une pierre. Lui-même, maigre, les cheveux blancs comme un génie des neiges, ressemble à un spectre : une barbe blanche et hirsute lui descend sur la poitrine ; sur sa tête, des mèches pendent comme des lambeaux de brume. Ses yeux sont enfoncés sous les broussailles de ses sourcils tombants. Des guenilles noires de saleté, sans ceinture pour les retenir, couvrent l’homme aux pieds nus ; il en a attaché les morceaux entre eux avec des ficelles pour qu’ils tiennent sur son squelette.
Le vieillard aperçut le visiteur inattendu :
– Qui es-tu ?
– Je me suis perdu.
– Ne viens pas ici. On va t’attraper et te faire cuire.
– Et vous ?
– Moi aussi, si on me trouve ; mais le bouillon sera bien maigre. Je n’ai que des os secs et des veines dures, ça ne convient pas. D’ailleurs je vais mourir demain ; je vais faire cuire ces racines et je mourrai. Sauve-toi car c’est dangereux ici !
– Grand-père, c’est la peste qui a emporté tout le monde ?
– Non, fiston, c’est l’État.