La faim avançait à pas de loup, rôdait dans les maisons environnantes, emportait petits et grands, hommes et femmes, les uns après les autres, famille après famille. Warda ne donnait à Zeina sa portion de pain rassis que trempée dans l'humiliation ou le sang.
Vers midi, le désert s'embrasa. Le soleil frappait à la tête. L'écho de ses coups résonnait à l'intérieur des crânes. Les paupières brûlaient à se déchirer à cause de la lumière qui inondait le vaste plateau. Celle-ci dressait devant les yeux une colonne à la dimension du paysage, une barrière gigantesque et immatérielle que les chameaux et les dromadaires traversaient, puissants et fiers. Il n'y avait ni piste ni repères. Les caravanes allaient vers le sud comme si c'était le nord, avançaient comme si elles reculaient, s'égaraient par moments puis se regroupaient. Les regards se tournaient dans tous les sens entre doute et illusion, puis le guide levait le bras et criait un ordre. Alors la cohorte des bêtes se déroulait comme le fil d'une bobine, et les caravanes s'ébranlaient de nouveau.
Qu'avait-il à lui dire ? En fait, rien. Pour désaltérer son cœur, sa bouche avait besoin de bien autre chose que de paroles. L'amour affluait dans son sang comme une vague, montait jusqu'à son palais et manquait l'étouffer. Ses désirs lui sortaient des yeux comme des griffes, cependant il les détournait de la jeune fille, non par pudeur, mais par impuissance, découragé qu'il était par la masse du soldat à l'entrée de la cellule et les lances dressées dans le couloir...