Conférence de Thierry Ripoll
Nos décisions quotidiennes, nos jugements moraux et nos actions sont largement influencés par nos croyances religieuses, politiques ou éthiques. Avec une saison consacrée à la croyance, ce cycle de conférences interroge cette notion complexe et en examine les enjeux.
Lors de cette séance, Thierry Ripoll, professeur de psychologie cognitive, démontre que nos croyances sont le produit naturel de l'activité cérébrale. Malgré la disparité de nos croyances (religieuses, superstitions, complotisme, vie après la mort
), ce sont les mêmes processus neurocognitifs qui sont à l'oeuvre. Quels sont-ils ? Quelles sont les fonctions positives des croyances et leur dangerosité ?
Conférence enregistrée le 22 mai 2024 à la BnF I François-Mitterrand.
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On ne produit plus et on ne consomme plus pour satisfaire de réels besoins ou pour rendre le monde plus agréable. On produit et on consomme pour assurer la croissance minimale sans laquelle ce serait le chaos économique, culturel et politique : l'effondrement de nos sociétés.
Lorsqu’on présente à des étudiants ou à un auditoire de non spécialistes la thèse physicaliste selon laquelle il n’y a pas plus d’âme ou d’entité immatérielle en chacun de nous qu’il n’y a de réelle magie dans les tours que font les prestidigitateurs, apparaît tôt ou tard l’objection ou l’inquiétude suivantes : mais alors cela signifie-t-il que nous ne sommes que des machines et que, dans ce cas, le libre arbitre, la possibilité de faire des choix et de prendre des décisions en conscience, n’existe pas ? À cela, je réponds généralement que nous ne sommes effectivement que de surprenantes et extraordinaires machines, issues d’une évolution qui s’est déroulée sur quelques milliards d’années. À titre individuel, nous sommes des machines biologiques que nos parents ont conçues dans de délicieux moments d’extase amoureuse sans disposer de réelle maîtrise sur les processus physico-chimiques qui allaient conduire au premier stade de l’embryon que nous fûmes. Il n’y a aucune différence entre une machine et un humain à l’exception près de leur complexité et du fait que l’humain est biologique et non la machine.
Nous avons créé une civilisation à la Star Wars avec des émotions et des comportements qui sont ceux de l'âge de pierre.
Le cerveau humain a évolué pour faire face aux contraintes du paléolithique, mais la révolution néolithique a conduit l’humain à dominer sans partage la Terre, à succomber de manière compulsive à son désir infini de possession, de pouvoir et de consommation ; elle a conduit aussi à faire de l’inégalité une quasi-nécessité, à instaurer une violence d’Etats et entre Etats ; et à la crise actuelle.
Rien ne distingue vraiment l'homme de Cro-Magnon du citoyen lambda contemporain conduisant sa voiture électrique et faisant ses courses dans une grande surface. Nous avons totalement modifié notre environnement social, technologique et naturel mais notre cerveau n'a pas évolué et c'est là l'une des raisons profondes de notre incapacité à gérer la crise environnementale actuelle.
Une société qui accepte que des milliardaires émettent individuellement plus de co2 que des millions d'êtres humains au cours de leur vie pour simplement exhiber leurs succès financiers est une société qui valorise l'économie et la mort plutôt que la vie,une société qui ne s'est pas encore affranchie de comportements archaïques issus de notre histoire évolutive et qui demeure malgré elle séduite et impressionnée par ce qui devrait être honni et stigmatisé.
Que penser d'une société qui ne limite d'aucune manière les consommations délirantes de ces milliardaires? (....) Dans une certaine mesure, ces individus sont directement et massivement coupables d'actions qui contribuent non seulement au réchauffement climatique, à la perte de la biodiversité, mais aussi à la mort de quantité d'humains impactés par les effets de la crise environnementale.
Comme chacun a tendance à définir "les riches" comme plus riche que soi, le danger est grand de ne pas se considérer comme riche. (...) La norme en matière de consommation est si élevée dans les pays occidentaux que nous n'avons même plus conscience de nos propres excès. Beaucoup estiment être sobres alors qu'ils surconsomment allégrement