Le Salon dans tes oreilles - S1E10 - Être une jeune femme en 2020
Que signifie être une jeune femme en 2020? Est-ce vouloir changer le monde pour vivre dans un environnement plus égalitaire? Est-ce lutter pour que nos voix soient entendues? Est-ce redéfinir (sans arrêt) ce que c'est qu'être une femme?
Avec:
Sarah-Maude Beauchesne, autrice
Mia Caron, autrice
Daphné B., autrice
Caroline Dawson, autrice
Judith Lussier, animatrice
Livres:
Sarah-Maude Beauchesne, Les fourchettes : une vingtaine complexe et sensuelle, éditions HURTUBISE.
https://www.salondulivredemontreal.com/livres/les-fourchettes-une-vingtaine-complexe-et-sensuelleMia Caron, L'après-Jérôme, Éditions MICHEL QUINTIN.
https://www.salondulivredemontreal.com/livres/l-apres-jerome
Daphné B. , Maquillée, aux éditions MARCHAND DE FEUILLES.
https://www.salondulivredemontreal.com/livres/maquilleeCaroline Dawson, Là où je me terre, ÉDITIONS DU REMUE-MÉNAGE.
https://www.salondulivredemontreal.com/livres/la-ou-je-me-terre
Le Salon dans tes oreilles est un balado issu des entrevues, tables rondes, et cabarets enregistrés dans le cadre du Salon du livre de Montréal 2020. Écoutez des auteurs, autrices et personnalités parler de livre, de lecture et d'écriture et échanger autour des cinq thématiques suivantes: le Féminisme, la Pluralité des voix, 2020, et après?, Récit et inspiration et Famille et enfance. Bonne écoute!
Abonnez-vous: https://feeds.buzzsprout.com/1678609.rss
Retrouvez la version vidéo ici: https://youtu.be/AgK9Zg7cMzc
+ Lire la suite
On pense aux garçons qu’on ne connaît pas, qui sont là-bas, qui sont beaux, sûrement, qui ne sont pas fins, souvent. On pense aux garçons qui nous font rire avec leur maladresse, aux garçons qui sont juste beaux de la face et pas du dedans, et aux garçons qui sont beaux de partout aussi.
À dix-sept ans, les garçons ne savent pas quoi faire d’un corps de fille. Je veux rencontrer un presque homme qui ne sera pas mal à l’aise devant une moi toute nue, gênée, pas sûre, mais sûre en même temps. Je veux le voir, dans le noir, me regarder me déshabiller, je veux qu’il parle tout bas, doucement, qu’il sache quoi faire, comment faire. Je ne veux surtout pas qu’il ait plus peur que moi de mal faire les choses.
On croise des gens dans le noir. Il y a des amoureux qui s’embrassent sur les bottes de foin, des filles qui pleurent sûrement parce que ci, parce que ça, parce que n’importe quoi. Les filles pleurent parce que lui, il a dansé avec elle, parce qu’elle, elle a embrassé lui, parce que lui, il a trop bu et parce qu’elle, elle avait des attentes et que c’est bien moins le fun que prévu.
Entre sœurs, c’est compliqué et ça ne l’est pas en même temps, c’est de l’amour fou et de l’envie, c’est de l’amour fou et de la douce jalousie. Mais je crois qu’en vieillissant, ça deviendra de l’amour tout court.
J’en ai croisé souvent des beaux garçons qui reluisent, qui marche droit, la tête haute, les épaules en carré, les cheveux un peu longs, les dents droites, le sourire qui ’’shine’’. Mais Pierre, lui, il est tout ça, en plus d’avoir toutes sortent de cœurs en lui ; des cœurs en forme de plein de choses, des cœurs qui décident de tout, des cœurs doux, super doux, des cœur durs aussi. Pierre a tout plein de cœur bien cachés en lui.
Billie-Lou,
Est-ce que je t’ai fait mal, est-ce que je t’ai fait de
la peine ?
Est-ce que c’est parce que je suis pas capable de
t’aimer ?
Parce que non, je suis pas capable. Toi, es-tu
capable ?
J’espère que non parce que ça me fendrait le cœur
(ouais, j’ai un cœur finalement).
T’es belle en maudit. C’est compliqué les senti-
ments.
Bye,
Pierre
Elle est parfaite, c’est une femme, une vraie. Du corps jusqu’au dedans de la tête.Moi, quand je suis triste, je redeviens une fille-enfant et quand je ne suis plus triste, je suis presque une fille-femme, ça devient mêlant des fois.
Quand je regarde les femmes autour de moi, celles qui ont fait le choix d’être mères en plus de tout ce qu’elles sont déjà, je me surprends souvent à faire la liste des choses qu’elles tiennent à bout de bras, toutes seules. Ce qui revient au top de cette liste, c’est inévitablement la souffrance, la douleur physique des mères, des femmes en général aussi. Le champ de mines qu’est leur ventre, durant les règles, puis durant la grossesse, puis pendant l’accouchement, et longtemps après. Leur sexe et leurs entrailles déchirées, leurs mamelons en sang, leurs seins étrangers, la fatigue qui pèse tellement fort qu’elle coupe le souffle, qu’elle fait craquer les os et serrer les dents. Je pense au poids de la contraception, à ces femmes qui, même après trois, quatre enfants, se font refuser une petite vasectomie par leur partenaire, parce que leur précieuse masculinité passe par leur fertilité éternelle, parce que « ça va faire mal ». ils ont peur de la douleur pendant que les femmes qu’ils aiment et qui leur donnent des enfants connaîtront la douleur toute leur vie durant, sans jamais se plaindre, parce que c’est comme ça, parce qu’elles sont habituées, parce que c’est la biologie, la vie, quoi.
Je deviens émotive en admirant mes deux meilleures amies qui sont encore là après tout ce temps, après mes histoires de coeur compliquées, ma famille éclatée, mes sautes d’humeur, mes coups de tête. Elles m’ont vue me relever après Pierre, rêver avec Erik, puis retomber de mon nuage parce que l’amour n’était pas assez fort pour que je sois heureuse d’être la blonde de quelqu’un.
C’est difficile d’entretenir des amitiés à notre âge. On est tellement concentrées sur ce qu’on veut devenir qu’on oublie presque qu’on a besoin de la douceur de nos amies pour bien fonctionner. Et à mesure qu’on devient de vraies femmes avec des rêves et des ambitions et des hanches et des cheveux soyeux et des ongles moins rongés, on ne peut s’empêcher de se comparer, de s’envier.
Des fois, je vais jusqu’à leur en vouloir d’être plus ci ou plus ça que moi. Mais je me parle fort et j’essaie de miser sur ce qui nous unit. Sinon, on va se perdre de vue à force de se créer de petites compétitions inutiles. Et sans elles, ma vie en ville serait moins belle, moins vraie, plus épeurante.
Mais elles sont là, dans leurs plus beaux vêtements, à embarquer dans mes manigances festives, à me protéger du mieux qu’elles le peuvent. Parce qu’elles savent aussi bien que moi que j’ai tendance à provoquer la vie pour qu’elle soit grandiose. Et souvent, ça me met dans le trouble.
Ce qui me donne envie de vieillir avec Rémi, c’est de savoir que ce n’est pas nécessairement la fin de ma vie affective. C’est notre façon de vouloir nous aimer ici et maintenant, et c’est tout. C’est déjà beaucoup. Et il y aura du travail à faire, un jardin à arroser et à désherber, de la thérapie à mettre à l’agenda, des remises en question à affronter, des mots difficiles à s’échanger. Surtout, il ne faudra jamais perdre de vue que notre couple ne peut pas être notre seule source de sécurité et de tendresse. J’aime trop l’amour pour aimer mal ou de manière paresseuse. Quand l’angle de son nez et les taches de rousseur qui se mêlent à ses pattes d’oie ne me feront plus l’effet d’un manège qui fait des vrilles dans le bas de mon ventre, quand l’idée de le voir déboucher une bouteille de rouge léger ne me donnera plus envie de faire l’amour avec lui, quand sa manière de me demander si veux un câlin, une joke ou un cunni pour me remonter le moral ou apaiser mon SPM ne me donnera plus envie de pleurer de bonheur, je me permettrai d’arrêter le temps un moment pour nous laisser la liberté de nous surprendre autrement, de nous inventer de nouvelles façons de nous séduire, et de nous demander si on a le feu assez brûlant pour continuer.