WebTvCulture présente "Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan" de Roland Perez
Pendant les cinquante-quatre ans que j'ai passé auprès de toi, je ne t'ai jamais dit merci, merci pour tout ce que tu as fait, merci pour ta présence. On remercie rarement ses parents pour tout ce qu'ils nous ont donné. Dommage. Mais comme pour les examens universitaires, il y a toujours une session de rattrapage. Et ce roman en est l'illustration.
- Non, maman. C'est sérieux. Ils veulent te remettre une médaille.
- Mais pourquoi une médaille ? Qu'est-ce que j'ai fait ?
Comment aurait-elle compris l'importance de cette lettre ? Tout ce qu'elle avait fait, les heures passées à s'occuper de nous, de moi, tous les sacrifices, la foi inébranlable dont elle avait fait preuve et qui m'avait valu ma guérison... Tout cela était normal pour elle. Elle n'avait fait que ce qu'une mère est censée faire, prendre soin de ses enfants. Alors une médaille ! Ça n'était pas sérieux.
Je me promettais qu'après cette épreuve je n'aurais plus besoin de personne et que moi aussi j'aiderais les autres, comme on m'avait aidé.
Je me rappelai ce que disent nos sages quand quelqu'un meurt : tant qu'on parle de la personne disparue, elle continue à vivre parmi nous.
Chez nous, on a toujours conjuré le malheur en ne parlant jamais des difficultés que nous pouvions affronter ou des épreuves que nous pouvions traverser. Mais passer sous silence nos petits tracas et nos grands drames ne nous immunisait pas contre eux, malheureusement.
Au sommet de sa beauté, Litzie nous donnait l’illusion de l’immortalité.
La vie peut être belle, emplie de magie, mais elle est aussi fragile.
Avec mon épouse, nous partagions cet optimisme à toute épreuve, si déconcertant pour le reste de l'humanité. On pensait que "demain" était synonyme de "tout irait bien".
Et la voilà coincée dans un métro bondé, agrippée à la barre, refusant de s'asseoir de peur d'être incapable de se relever et priant le ciel pour arriver à destination dignement, c'est-à-dire sans perdre les eaux devant ces gens. Elle ne l'avait pas désiré ce petit dernier mais elle l'aimait déjà. Sa chair n'était que le puzzle assemblé de tous ses enfants, et ce puzzle allait s'agrandir.
Je me rappelai ce que disent nos sages quand quelqu'un meurt : tant qu'on parle de la personne disparue, elle continue à vivre, parmi nous.