Les grandes et les petites choses
Ô Races, ô des espoirs !
Je suis racée.
Voilà tout.
Non pas, comme le définit " Le Petit Robert ", parce que j'aurais des qualités propres à mon pedigree ou que mon élégance naturelle m'offrirait, de fait, un port de tête altier. Non. Je suis racée parce que je porte en moi plusieurs racines que certains prennent pour des races. Telle un Arlequin coloré ou une barbe à papa sucrée, c'est par un excès de race que je suis racée.
Femme européenne et africaine à la fois, binationale, française et gambienne, juive aux origines chrétiennes et musulmanes, animiste avant l'islamisation de l'Afrique de l'ouest, blanche et noire, je veux aujourd'hui annoncer la couleur : je suis bien dans ma peau. Heureusement d'ailleurs, car si j'étais raciste avec toutes ces "races" à l'intérieur, ce serait inévitablement la haine de soi.
Liberté, liberté chérie où le droit de ne pas être d'accord est banni, le dialogue impossible, au risque d'être considéré comme un harceleur, un réac, une Négresse de maison ou, mieux, un Bounty, noir dehors, blanc dedans.
Qui peut partager l'existence d'un Brassens focalisé pendant six jours sur le pied manquant d'une chanson ? Voilà la vie du créateur, un enfer.
L'échec sourit en coin. Gary se tue pour mettre fin à ses pseudos.
Ironie du sort, ces artistes nous réparent chaque jour. Je veux croire que c'est dans nos yeux contemplant leurs chefs-d'œuvre que se trouve la clef nécessaire à la réparation. C'est la vie de l'œuvre, condition essentielle à celle de l'artiste, qui y participe. Seule une création partagée permet de recoudre.
En fait, un stade, c'est un puissant bâtiment de mémoire. Au Rwanda, ils ont rassemblé les gens dans des stades avant de les tuer. C'est plus simple pour les cérémonies de commémoration.
Par exemple, " racisé.e " ou " afro-descendant.e " me font froid dans le dos. Il a pourtant fallu que je les avale, ces termes, au point de devenir une " femme de couleuvre " à l'écriture faussement inclusive mais si excluante, mes cher.e.s ami.e.s, qu'elle n'a trouvé comme solution pour asseoir l'égalité entre les hommes et les femmes que le point final, empêchant la discussion. De plus, cette sorte d'écriture ( un cauchemar pour les dyslexiques, noirs ou non) impose paradoxalement une lecture hachée, donc coupée de nos congénères mâles, et qui nous fait passer après " E ", puisque la lettre qui nous caractérise se met toujours à la fin. De la même manière, nous voici, avec de nouveaux mots, soi-disant pertinents pour lutter contre les discriminations, alors qu'ils sont eux-mêmes discriminatoires. Concernant l'égalité raciale, il y a une importation massive de mots tout droit venus des Etats-Unis, à consommer sur place, à avaler et à répéter sans réfléchir, sans regarder ce qu'il y a dedans, par culpabilité ou par faiblesse. Cette dernière étant " une force extraordinaire à laquelle il est très difficile de résister* ".
* Emile Ajar, Gros-Câlin.
La création est une douleur. C'est une déception permanente face à la traduction d'un secret intérieur dont on s'approche, mais qui reste insaisissable.
Ce jour-là, la reine d'Angleterre doit faire une allocution à la BBC. C'est parfait pour la prononciation, c'est elle qui a le meilleur accent du monde en anglais.
La petite douleur à ma cuisse est là, mais je fais le choix de l'oublier. De toute façon, on a tous des petites douleurs cachées, auxquelles il vaut mieux ne pas penser.
J'entends les discussions, je vois bien les groupes dans les différentes disciplines, on dirait un peu l'Afrique du Sud ici, ça fait voyager ; les Noirs au sprint, les Arabes au demi-fond, les blonds au saut en hauteur ou à la perche.
Finalement , je me dis : immigrés ou non, les Noires, on est toutes dans le même tableau : l'Origine du monde.