Quand le livre s'interroge sur sa propre fabrique, le résultat est souvent jubilatoire et contagieux. C'est le cas des nouveaux romans de Christine Montalbetti, "Le Relais des amis", et de Patrice Pluyette, qui publie "Film fantôme". Ils sont les invités de Nicolas Herbeaux.
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Au deuxième étage d'un petit collectif calme, ils avaient fait l'acquisition d'un T3 presque sous les toits avec balcon et vue sur un plan d'eau qui était en réalité les fondations momentanément inondées d'un futur petit collectif identique au leur.
[...] Les grognements se font entendre à peu près chaque nuit depuis trois jours et ça devient inquiétant; de toute évidence un animal féroce, femelle de type panthère d'Amérique, jaguar adulte ou tigre Amba, les suit à la trace. À plusieurs reprises, on a même pu sentir son souffle contre la toile de tente. En vérité, la situation n'offre pas d'échappatoire; le sort de nos aventuriers est lié au bon vouloir de cette bête affamée qui n'attendra pas éternellement que la viande soit cuite; il est probable que notre histoire s'arrête dans trois pages sans plus de personnages à notre charge que cette bête dont nous ne saurions à elle seule tirer une histoire en rapport avec le sujet de la nôte sans ennuyer le lecteur. Nous dirons donc que les hommes et femmes composant ce récit, nonobstant le danger rôdeur, ne perdent pas leur courage, continuent chaque matin à démonter le camp pour mener à bien leur progression lente et difficile, tous les soirs à planter la tente dans un endroit différent, toutes les nuits à trembler dans leurs lits en s'obligeant à prier, à invoquer l'aide d'un dieu tout-puissant à défaut d'un car de CRS armés.
Le thermomètre indique quatre degrés au-dessous de zéro à l’abri du vent mais il semble hors fonction. On se réchauffe alors dans le regard d'autrui qui, tant qu'il est encore vivant, émet au moins une petite flamme.
Un bon livre n'est pas qu'une bonne histoire, c'est un langage, une atmosphère que seuls les mots peuvent créer. Pour cette raison un bon livre ne fait pas toujours un bon film. L'image peine parfois à se hisser à la hauteur du langage et des multiples procédés de narration qu'il offre.
Tout brille dans la forêt en cet instant. Les yeux aussi, du reflet de l’eau, et d’excitation. Car les troupes croient que le terme du voyage est proche. L’issue facile. On remonte le fleuve et on trouve Païtiti. Youpi. Criez victoire si vous voulez, serrez-vous dans les bras, plongez sous les bulles du fleuve sans craindre les gardes en peau de croco, mais cinquante bons kilomètres attendent les jambes, c’est l’auteur qui vous le dit. Remonter le fleuve signifie marcher vingt jours à raison de deux kilomètres cinq par jour, et la nuit va bientôt tomber, un lieu de camp doit être trouvé. Pour être en forme une bonne nuit est préférable, couchez-vous tôt, les conditions de marche ne vont pas tarder à se dégrader, le plus dur est à venir. Maintenant, chers personnages, vous faites comme vous voulez, je ne voulais pas plomber l’ambiance, mais au moins les choses sont dites.
Les singes sont dans des cages. Les cages sont au bas des arbres. Les arbres sont abattus sous les yeux des singes.
Le petit homme, qui a les cheveux longs et la peau de la couleur d’une amande fraîche, répond au nom de Petit Pénis. Petit Pénis signifie Petite Peine en langage cloak, celle qui ne se voit pas forcément et contre laquelle on se bat toute sa vie : tristesse, spleen doux, nostalgie passagère. Le cloak est parlé essentiellement par les tribus du nord de la Caoueta, aux confins du Keneph et de la Pelun brésilienne, à majorité Tunng et Pouacre y compris ceux des bords de l’agusto.
Aujourd'hui, on ne prend plus le temps. C'est le temps qui nous prend. On passe son temps à chercher du temps. On passe le temps à fuir le temps.
Comme Gisèle Prunier n’avait pas disparu mais cherché à disparaître pour savoir comment Odile Chassevent avait disparu, on en sut un peu plus sur Odile qui avait été l’amie de Gisèle et devait se présenter pour dîner chez celle-ci à vingt heures avec un dessert le jour de sa disparition, laquelle perspective (le dîner, pas la disparition – à moins que Gisèle fût dans le coup mais nous essayerons de ne pas imaginer que si) enthousiasmait les deux jeunes femmes chaque premier week-end du mois quand Gisèle n’était pas de garde, Odile surtout cette fois-là, en témoigne son texto rédigé le jour même mais pas envoyé, enregistré à quinze heures dans le brouillon de son téléphone portable qu’un agent de la voirie retrouve le 4 du mois sans boîtier, juste la carte Sim pilonnée, incrustée dans les crampons d’une botte au fond d’une poubelle recouverte par les ronces sous le chemin vicinal dit rue du Pont Prolongé.
Le sens de l’à-propos, il l’a. Le sens de la communication aussi. C’est un jeune homme bien vu, aimé de tous, sans histoires (mais les gens sans histoires finissent souvent mal). Il habite depuis un mois une piaule indépendante de la maison familiale. Il fait ses courses lui-même, il met la décoration qu’il veut. Le matin il dort autant qu’il veut, le soir il se couche à l’heure qu’il veut. Il a même une bouteille de rhum coco sous son lit. Il trouve ça cool. Là, il est allé acheter un abat-jour super tendance dans une boutique art et déco, il pense franchement que ça va en jeter grave dans la pièce. Il porte l’objet sous son bras, logé dans un sac en feuille de papyrus résistant. Il kiffe sa race. Il voudrait que tous les gens du monde se tiennent par la main.