Pascale NIVELLE - Histoire du petit livre rouge
Seul Joris Ivens, compagnon de Marceline Loridan, est en odeur de sainteté à Pékin comme chez les maos français. L'infatigable documentariste du socialisme, qui a consacré sa vie à traquer l'injustice aux quatre coins de la planète, film la Chine depuis 1938.
Alors que la Révolution culturelle agonise dans le sang en Chine, il s'écoule toujours autant de petits livres rouges et de gros livres sinophiles à Paris. Dans cette vague qui ne décroît pas, Simon Leys et ses soutiens ne font pas le poids. Le sinologue Léon Vandermeersch parvient à faire exclure René Viénet du CNRS. En 1975, Michelle Loi, chercheuse et amie d'Althusser, révèle la véritable identité de Simon Leys dans un livre intitulé Pour Lu Xun, Réponse à Pierre Ryckmans (Simon Leys). Le chercheur est mis en danger ainsi que ses sources chinoises et son retour en Chine est plus que compromis... Il répond dans un petit pamphlet, L'Oie et la Farce. Après quoi, Michelle Loi le traite de "pédant réactionnaire" dans la presse. Il réplique en la traitant de "pétulante chaisière de la chapelle maoïste parisienne". Simon Leys, le traducteur de Confucius, dont la calligraphie fait l'admiration des lettrés chinois, n'obtiendra jamais de poste universitaire en France. Des maos, Jean-François Revel, l'un des rares soutiens de Leys, dira plus tard: "S'ils n'ont pas de sang sur les mains, ils en ont sur la plume."
En octobre 1966 et mai 1967, 800 000 exemplaires de petits livres rouges traduits en 14 langues sont distribués en Chine et dans 117 pays. On le déclame aux quatre coins de la planète. La « bombe spirituelle » en plastique talonne le succès de l'International, l’hymne universel des communistes.
Pour [les maoïstes français}, la doctrine de Mao est surtout une boîte à outils, où ils viennent se servir pour leur lutte anti-PCF. Ils sont au propre et au figuré à des milliers de kilomètres de la réalité chinoise. (p.66-67).
Dans les années 1960 et 1970 se crée un genre littéraire nouveau et prisé, le « Retour de Chine ». De nombreuses maisons d'édition publient ces ouvrages invariablement enthousiastes, sous des couvertures invariablement rouges.
[Le Petit Livre rouge],. Soit l'histoire d'une immense entreprise de propagande orchestrée par un dictateur vieillissant qui voulait faire du recueil de ses citations une "bible rouge". (p.7).
La pensée "Mao Zedong", censée éclairer le monde, n'a fait qu'enfumer une centaine de partis maoïstes restés au stade de groupuscules. (p.193).
"Nous venions chercher la confirmation de nos utopies, nous voulions tellement y croire." (p.135).
"La pire manière d'avoir tort, c'est d'avoir raison trop tôt:" (Simon Leys). (p.178).