La presse forge un nouveau surnom et c’est un hommage inouï : Sindelar devient « le Mozart du football ». (p. 78-79)
La jeunesse est un remède aux temps terribles.
La capitale de la musique est devenue la ville du bruit, au rythme cadencé du pas de l'oie, des bottes frappant le pavé comme on frappe des prisonniers. (p. 211)
Dans les banlieues ouvrières, à l'abri des usines, des hangars, des bâtiments d'habitation souvent grossiers, ont surgi les Gstätten, terrains vagues où d'immenses flaques reflètent les nuages, où quelques brins épars d'herbe claire servent de pelouse. Tout autour, le linge séchant aux fenêtres s'agite comme le drapeau de la pauvreté.
Les larmes lui montent aux yeux, quand l'instituteur le secoue : "Lève la tête! Ne te résigne jamais! Tu n'as rien à toi, la seule chose que tu pourrais perdre, c'est la vie!"
Tandis qu'une encyclopédie de la grâce se referme, son ami Walter Nausch dira l'extraordinaire : "Matthias fut le seul homme capable de dribbler l'imaginaire". (p. 201)
Des demis-dieux, c'est bien ce qu'ils étaient pour nous, ces champions héritiers des héros homériques et moyenageux. Demis-dieux par le don, mais tout autant à force de volonté et de foi. Quelle coloration les étapes de leur magnifique carrière donnaient à l'air qu'ils respiraient, aux ciels sous lesquels ils luttaient.
Les hommes ont parfois besoin, par dessus tout, des vents; et parfois des eaux du ciel, filles pluvieuses de la nuée. Quand le succès récompense l'effort, il faut à l'athlète les hymnes doux comme le miel, prélude de la gloire lointaine, attestation véridique des grands exploits.
Mathias Sindelar est un astre avant le désastre.
Liberté. Egalité. Fraternité. Inutile de graver ces mots au fronton des monuments: ils sont dans tous les coeurs. En vérité, est-il meilleure fraternité, et mieux établie, que sur le stade où règne cet esprit qui monte vers le ciel comme un feu d'artifice, comme un bouquet d'étincelles, fugitives, mais jamais éteintes.