Niklas Frank : mon père, ce criminel nazi
Le craquement de ta nuque m'a évité une vie foutue, comme tu m'aurais empoisonné la cervelle avec tes conneries.
De nouveau s'étend sur l'Allemagne un manteau ouaté, malodorant, asphyxiant, d'autoritarisme politique. Le pouvoir montre exactement la même arrogance qu'autrefois, ils ont ton effronterie, ils sont hypocrites, détournent le droit, méprisent leurs semblables, comme toi. Non, ton époque n'a pas été emportée par les eaux du Konwentzbach, tes cendres maudite se sont déposées dans trop de plantes sur ses rives, elles en ont fait naître de nouvelles, ton Allemagne éternelle n'est pas tant menacée de l'extérieur que de l'intérieur par tes semblables, car ils sont comme tu étais, ils recommencent à s'enrichir, et ils recommencent à nous mentir comme tu le faisais, et leur conscience et comme la tienne : inexistante.
Mais oui, tu m'implores de ne pas sortir les propos de leur contexte, c'est toujours ce que vous dites quand vous avez lâché ou écrit un truc effroyable, aujourd'hui encore, ici même, dans ce pays.
[...] je peux rassembler les lambeaux de chair de ta vie grâce aux archives d'Europe et des États-Unis, je peux les examiner sans être entravé par des mensonges familiaux. Que je les travaille au scalpel ou au marteau, il en sort un monstre typiquement allemand.
Vous étiez là, accablés par votre sort, dans cette salle volée de ce château volé de ce pays dont vous vous étiez emparés comme des voleurs, à réprimer vos larmes, vous qui n'en aviez jamais versé sur qui que ce soit.
Tu trouves ça de mauvais goût? Oui, c'est de mauvais goût. Crois-moi, mes phrases m'horrifient, mais où trouvé-je dans les tiennes un signe de bon goût?
La première fois que j'ai vu la photo de ton cadavre, j'ai été sonné. Maintenant ça me fait juste gerber, ton visage mort, sur lequel tes mensonges, eux, vivent toujours.
Je dois te dire, Philippe, je suis contre la peine de mort, je le suis absolument, dans tous les cas, sans exception. Il s'interrompit : sauf pour mon père.