La Forgeuse d'os de Nicki Pau Preto est disponible en librairie !
- Je suis un Dresseur de phénix qui a peur du feu.
Quand le jeune homme trouva la force de la regarder de nouveau, ses traits trahissaient sa méfiance, comme s'il craignait que Véronyka se moque de lui. Elle se contenta de flatter l'encolure de Tempête avec un haussement d'épaules.
- Enfant, Bellonya la Vaillante a perdu son bras droit et a dû réapprendre toutes les techniques de combat avec le gauche. Ce qui ne l'a pas empêchée de devenir la meilleure lancière de l'histoire. Le roi Uorid, lui, était sourd. Il a donc fait concevoir une selle spéciale afin de pouvoir voler sans perdre l'équilibre. Il est aussi à l'origine des archives moriennes. Grâce à lui, en plus de se transmettre oralement, l'histoire impériale a été consignée par les prêtres et les acolytes de Mori.
Tristan dévisagea sa camarade, perplexe.
- Où tu veux en venir ?
- Ce que j'essaie de t'expliquer, c'est que quel que soit l'obstacle, on peut le franchir, répondit-elle en constatant avec tristesse que son propre frein, à elle, c'était sa condition féminine.
Si elle ne l'avait pas aperçue dans la foule attroupée autour de Sev, elle savait d'instinct que, cachée quelque part, Val n'avait rien raté de la scène. Cette dernière avait ceci de commun avec la pluie que, parfois, en se concentrant un minimum, Véronyka pouvait sentir sa présence telle une gêne au coeur même de ses os.
Parfaitement insensible à la chaleur, le phénix trébucha sur les débris de coquille brisée avant de finir par trouver son équilibre. Puis il se tourna lentement vers les deux sœurs. On eût dit n’importe quel oisillon nouveau-né – les pattes tremblantes, la démarche mal assurée, des ailes minuscules, encore, et un long cou tout déplumé qui peinait à soutenir sa grosse tête. Mais ses yeux, eux… ses yeux immenses brillaient d’intelligence.
Parfois, le titre de reine se transmet, parfois, il faut le prendre de force. Parfois aussi, l’honneur est entaché de sang et de trahison, au point qu’il nous glisse entre les doigts. Mais ce titre, il nous faut malgré tout le conquérir, avec du poison sur les mains et la vengeance au cœur.
On me surnommait la Reine couronnée de plumes. Mon front était orné de plumes de phénix et ma légitimité de monarque inscrite en lettres de feu dans le ciel étoilé. Quant à ma sœur, on l'appelait la reine du Conseil, car elle n'était rien de plus que leur pantin.
Mais avili, l'amour le plus puissant peut se transformer en la haine la plus féroce. Et c'est cette dernière qui remporte les guerres.
- [...] Val est comme le feu, elle dévore.
- Et moi, je suis comment, maiora ?
- Comme le feu, toi aussi : tu éclaires le chemin.
Sev eut un sourire narquois : il suspectait l'ancien d'en pincer pour la grand-mère de Veronika. Manque de chance, pour ce qui était de garder son sang-froid et de formuler ses sentiments, le pauvre vieux se révélait encore moins doué que le jeune espion - ce qui n'était pas une mince exploit.
En Pyra, on célébrait la mort au même titre que la vie. Car, sans fin, nul commencement n'était possible.
Je suis fille de la mort…
Des cendres, je me relève, tel un phénix de son bûcher funéraire.