La romancière Michèle Pedinielli raconte comment elle se lance dans l'écriture d'un roman.
Vidéo complète : https://youtu.be/¤££¤1Michèle Pedinielli4¤££¤
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Alberto était le premier homosexuel que Ferdi rencontrait – « Non, mon garçon, je suis peut-être le premier à le dire ouvertement, mais tu en as forcément croisé d’autres. » Les premiers temps, lorsque les filles l’emmenaient chez lui pour discuter encore et toujours des changements radicaux à imposer à la société italienne policière, corsetée et oppressante, le jeune Allemand était encore plus sur la réserve qu’à son habitude. Par le truchement de Rossella, il avait tenté d’expliquer son malaise au loup : « Pourquoi tu en fais autant, avec tes habits excentriques et tes discours sur l’amour et les hommes ? Tu fais ce que tu veux dans ta vie privée, pourquoi tu veux que ça nous regarde ? Ce que tu fais dans un lit n’est pas une question politique. » Ce fut l’unique fois où Alberto lui répondit un peu sèchement : « Darling, ma vie privée est si privée qu’elle ne doit absolument pas devenir publique, parce que je risque gros. L’ordre bourgeois, la police, les juges, les curés… Je les ai tous contre moi parce que j’aime les hommes. Et j’en ai marre. Alors, j’ai décidé de mettre ma vie privée sur la table et je la rends publique pour qu’elle devienne politique. »
Elle est de celles qui pensent oui ou non, sans place pour le peut-être. Ces gens pétris de certitudes et de principes. Enfin "pétris", je ne pense pas qu'on ait pu jamais les modeler, ni même les caresser après tout.
Attention, je suis capable de frémir devant un brin d'herbe vert tendre, de ressentir la caresse d'un champ qui se couche sous le vent ou de méditer en observant la branche d'un saule plongée dans une rivière où paressent des truites qui n'attendent apparemment qu'une fausse mouche pour entrer dans l'histoire. Mais il faut juste qu'un auteur américain me souffle ce brin d'herbe, ce champ et cette rivière. Pour m'émouvoir, il faut donc passer par la puissance de l'écrivain et par la fidélité de son traducteur. Avec moi, la nature a besoin de quelques filtres littéraires.
Si Tom a choisi l'électricité, ce n'est sûrement pas par hasard. Cet homme est branché en permanence sur un transfo. On est au-delà du mec bavard ou du moulin à paroles. C'est un flot "Made in Nice" avec l'accent, les expressions, les tournures à faire pâlir d'envie tous les rappeurs de la terre.
Un moment suspendu avant que la réalité des autres ne te rattrape. Une parenthèse flottante, hors du temps et des conventions. Cet espace de légèreté, interdit par ailleurs. Car le monde n'est pas léger. Il fait la gueule en permanence. Le monde est lourd comme une putain de croix à porter juste pour pouvoir vivre dans une vallée de larmes. On a tous le droit de s'évaporer de temps en temps.
Je regarde la liste des prénoms. Les filles se terminent en a (Kenza, Mélina, Louana, Cléa) et les garçons en o (Léo, Hugo, Matteo), sauf un Marc Aurèle qui peut légitimement prétendre aux lauriers pour sa victoire par KO en matière d'originalité.
Concevoir, me reproduire, perpétuer l'espèce...Faire un enfant. Ni en adopter un. Jamais. J'aime les enfants, les enfants des autres, tous les enfants de la terre. Mais je ne me suis jamais sentie en droit ni en capacité de devenir mère.
Comment résister dans une ville où le Vieux-Nice n'existe pas ? Comment tu fais en plein mois d'août pour trouver de la fraîcheur sans ces ruelles si étroites que le soleil n'y pénètre pas, sans les soupiraux au-dessus des portes qui brassent l'air et ventilent tout l'immeuble ? Il faut juste fuir les quatre axes de la vieille-ville fréquentée par les touristes.
Comme tout quartier populaire passé aux nouvelles règles d'urbanisme, c'est devenu le paradis des bars et de la bouffe, des concept-stores et des magasins de fringues - un Éden rempli majoritairement d'Adonis qui semblent ne jamais dépasser les vingt-cinq ans même quand tu sens qu'ils sont plus près de l'andropause que de la première communion.
Est-ce que je suis la seule à considérer la nuit solitaire comme une aventure ? Attendre la moment où tout bascule. Savoir qu'elle sera peuplée de tout ce qui est interdit ou impossible le jour. Savourer les rêves. Accepter les cauchemars. Se réveiller et parier sur l'heure avant de jeter un coup d'œil à la montre. Fouiller pour retrouver le bouquin qu'on a lâché quelques heures plus tôt. Se recaler sur la voie du livre. Replonger lumières allumées. Repartir sur d'autres chemins que les siens. Savoir que de ceux-là, on en revient. Mais ce n'est pas sans risques. À chaque fois que je pose ma tête lourde, ça déboule. Ça déborde, ça se retourne, ça se presse, ça fouaille. Ça se cogne aux parois, ça rebondit, ça insiste. Tout ce que tu repousses dans la journée, qui t'assaille au moment où tu baisses la garde. Ce moment tendre où tu crois que tu vas pouvoir plonger. Et ton bide qui s'y met aussi, à décider que la fin du monde est proche et qu'il lui faut se rétracter et se dilater une dernière fois. Pas de raison que ton second cerveau te foute la paix quand le premier se prend pour un cœur et bat la campagne. Tu vois pourquoi je préfère la ville. Allez, Boccanera, ferme les volets. De force.
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