Liora Aharonov, avec qui j’ai partagé pendant un temps mon tempérament de collectionneuse, m’a raconté qu’Ernesto Sabato avait conseillé un jour à J. L. Borges de ne lire les journaux qu’une fois par an, ou par siècle, quand se produit une chose vraiment importante, comme “M. Colomb vient de découvrir l’Amérique”.
- Qu’est-ce que tu essaies de me dire ? lui avais-je demandé.
-De garder tes énergies pour les bonnes choses.
Marguerite Duras a écrit que les sorcières sont nées quand les hommes sont partis faire la guerre et que les femmes sont restées à la maison. Elles n’avaient personne à qui parler, alors elles ont parlé aux arbres ou aux pierres. C’est comme ça quand il n’y a personne à qui parler.
Une autre fois, elle m’a raconté que quitter la vie de famille était une trahison irréparable de la solidarité entre femmes et même entre humains. Si on ne se dévoue pas pour assurer la continuité, on court le risque de passer à côté d’un mode de vie, on ne représente la vie pour personne, on n’a de valeur indubitable pour personne, par conséquent la question se pose de savoir si sans famille on peut vraiment ressentir tous les sentiments que la vie nous apporte.
« Weiss n’a pas ouvert ses portes de son vivant .
Elle a même verrouillé la porte de sa tombe.
Ne venez pas à ma porte, dit l’inscription qui s’efface et chasse les visiteurs .
Allez en paix, ne me cherchez pas, dit le testament absent qui demande l'impossible :
Être anonyme à l’intérieur de son nom, n’être aucune femme à l’intérieur du nom qui la précède.
Car que nous ordonnent ceux qui partent sans testament , ceux qui interrompent leur vie et disparaissent de la nôtre en une nuit ?
Quelle ultime leçon auraient - ils voulu nous donner ?..... »