Je voulais… je voulais juste qu’il m’aime. Pourtant, je n’étais pas stupide au point de croire au grand amour après quelques nuits, si torrides furent-elles. Le Prince charmant qui tombait du ciel et se mariait avec Cendrillon, sérieusement, dans la vraie vie, ce n’était pas monnaie courante ! Mais je voulais au moins qu’il m’aime un peu. Parce que moi, j’étais déjà accro. Comment était-ce possible ? Je le connaissais à peine, il s’était servi de moi et avait abusé de ma naïveté.
Je n'aurai jamais connu de retours aussi différents chez moi en une seule journée. Alors que ce matin, je planais au paradis ; je rentre à présent comme si on venait juste de me repêcher d'un marais, dégoulinante et sale. J'ai caché tant bien que mal mes larmes dans le métro, et, dans la rue, je hâte le pas pour me retrouver au plus vite chez moi et me laisser aller à des sanglots tragiques. Je suis autant furieuse que blessée par ce qu'il a fait et ma sottise.
Ça fait trois jours que je connais ce type et pas une heure sans que je sois à cran !
Pour couronner une situation déjà bien assez catastrophique, Jonathan monte la garde au bas de mon immeuble.
C'est la goutte qui fait déborder le vase !
C'est une sorte de rock-blues, un peu jazzy, principalement musical, avec quelques interventions vocales d'un guitariste qui me captive aussitôt. Je ne dois d'ailleurs pas être la seule à être captivée ! Il est tout simplement… charismatique. Il n'en rajoute pas pour attirer l'attention, mais c'est impossible de ne pas le voir. Habillé sobrement d'une chemise noire, largement déboutonnée au col, sur un torse que je devine divinement sculpté, et d'un jean slim foncé.
Non mais n'importe quoi, il faut que je me calme !
Je redoute pourtant le moment où nous trouverons la force de parler de ce qui vient de se passer. Cette rencontre passionnée, cette attirance irréfutable, le désir incontrôlé et le plaisir merveilleux qui nous a réunis. J'ai peur de ça, qu'il faille mettre des mots dessus et réintégrer la réalité, essayer de trouver une place dans nos vies à ce que nous venons de vivre.
– Tu es une femme intelligente, sensée, talentueuse, poursuit-il en me maintenant par les épaules.
Tu prends des décisions, tu n'es pas passive, mais ce que je ne comprends pas chez toi, c'est cette capacité à te dissimuler les problèmes, à tout balayer sous le tapis. Tu finiras par te prendre les pieds dedans un jour ou l'autre. Crois-moi, ce que tu dois affronter, fais-le aujourd'hui. Alors je te demande une seconde fois : comment te sens-tu ?
Il ne se donnerait pas autant de mal s'il ne tenait pas à moi, hein ?
– Natalia est une garce !
Il recula d’un pas. J’étais hors de moi.
– Natalia est une garce doublée d’une fourbe ! Elle manipule, elle torpille, elle fait du mal et, le pire de tout, c’est qu’elle prend son pied !
– Natalia a peur, Liz. Comme toi et moi, elle a peur de ce qu’elle ne connaît pas, sans savoir à quoi elle a affaire. Elle tient à notre amitié, elle a voulu m’éviter le pire.
On n’a pas dû voir le même film tous les deux…
Je devrais parfois m'inquiéter de ma capacité à faire flipper les gens. Pour une psychologue, je ne suis pas certaine que ce soit un atout.
– C'est la tension, Dayton, dis-je pour le rassurer toujours et encore. N'importe qui réagirait comme ça dans pareille situation. Tu te souviens comment je me suis comportée quand mes parents sont venus à New York ? Si ce n'était pas complètement aberrant… Alors, toi, merde, on peut comprendre ! Je peux comprendre.
Il plonge ses yeux dans les miens et prend mon visage entre ses mains.
– Et toi, tu es là, Anna, chuchote-t-il. Tu ne fuis pas.
Euh, ce n'est pas comme si j'étais une super-héroïne non plus, hein ?
– Tu as été là aussi, réponds-je. Je veux être là, vraiment. C'est un moment important pour toi. Donc, il l'est pour moi.
Je lui souris en espérant provoquer la même réaction sur son visage. Gagné !
Mon inconscient fait sans doute des raccourcis, mais c'est comme ça que l'inconscient fonctionne.
Ce monde n’est vraiment pas celui dont je rêve !
D’un geste d’humeur proche de la rage, je jette mon portable toujours muet contre le mur. L’appareil finit par terre en trois morceaux. Saoule de larmes, je me réfugie dans ma chambre en enfouissant mon visage dans l’oreiller pour pouvoir y hurler toute la douleur de mon sentiment d’abandon.
C’est comme ça que les enfants s’endorment parfois, en pleine crise de larmes, au beau milieu de leur tristesse.